Chercheurs et industriels échangent leur vision sur l'hygiène du 21e siècle

Innovation

Des scientifiques du CNRS et des entreprises du secteur de l’hygiène, membres de l’AFISE (Association des industries de la détergence, de l’entretien, et des produits d’hygiène industrielle), se sont rencontrés pour un colloque prospectif. L’objectif : faire émerger de nouvelles solutions en matière d’hygiène domestique et industrielle. Retour sur les temps forts de cette journée.

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Crédit photo : Institut écologie et environnement du CNRS

Une rencontre inédite entre la recherche publique et les chercheurs de l'industrie de l'hygiène s'est tenue en décembre dernier au siège du CNRS à Paris. Cette journée de colloque, organisée par le CNRS en partenariat avec l’AFISE, a permis aux acteurs de la chimie, de l'environnement, de la santé et des sciences sociales de croiser leurs points de vue sur l'évolution des produits et les solutions innovantes pour répondre aux défis du 21e siècle.

Ces défis ne manquent pas, comme l'a souligné Charles-François Gaudefroy, vice-président recherche et développement d'Unilever : « l’hygiène va devoir s'adapter aux modes de vie des consommateurs, à la globalisation des flux de populations et de biens, aux avancées de la science et de la technologie, ainsi qu’à une prise en compte des enjeux environnementaux ». Le colloque a mis en relief des grandes thématiques de recherche qui, au sein des équipes du CNRS, peuvent répondre aux préoccupations des industriels.

Les chimistes du laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux1 s'intéressent aux micropolluants organiques dans les eaux superficielles ou souterraines, parmi lesquels on retrouve de plus en plus souvent des principes actifs issus des formulations pharmaceutiques ou encore des produits de soins corporels ou détergents. Les chercheurs proposent de nouvelles méthodologies d'échantillonnage et d'analyse, pour détecter des niveaux de concentration très faibles (de l'ordre du ng/l). Ils montrent aussi que les produits de dégradation des principes actifs peuvent être plus toxiques que les molécules initialement contenues dans les détergents. Ils indiquent que la toxicité est liée à la biodisponibilité et qu’il est important d’étudier les phénomènes qui la conditionnent. Par ailleurs, des formulations innovantes pour l'hygiène du 21e siècle existent. Elles sont basées sur les principes de la chimie verte (solvants alternatifs, ressources renouvelables, produits biodégradables...) et sont en cours de développement, dans les laboratoires comme dans l'industrie, comme cela a été exposé par le Laboratoire des interactions moléculaires et réactivité chimique et photochimique2.

Les chercheurs qui travaillent sur l'environnement s'inspirent de la nature pour proposer des solutions de réhabilitation de milieux dégradés. Le Laboratoire de chimie bio-inspirée et d’innovations écologiques3 a récemment démontré que des solutions naturelles s’appuyant sur les stratégies d’adaptation de la nature, pouvaient être mises à profit pour réhabiliter durablement les milieux dégradés et pollués par les éléments métalliques. Mieux, les déchets végétaux générés par ces phytotechnologies « dépolluantes » peuvent être valorisés par l’utilisation inédite des espèces métalliques d’origine végétale comme catalyseurs de réactions chimiques organiques fines. Les biofilms de microbes et de bactéries représentent l’un des facteurs majeurs dans les problèmes d’hygiène du 21e siècle. Leur connaissance encore parcellaire doit être prioritairement développée comme l’a indiqué l’Institut de chimie et de biologie des membranes et des nanoobjets4. Les industriels, comme le montrait la présentation de la société Werner & Mertz, développent eux-aussi des solutions de recyclage et d'économie circulaire pour traiter la question des micros ou nano plastiques présents dans les formules des produits d’entretien ou de cosmétiques.

Les laboratoires de biologie avaient évidemment leur place dans ce colloque, avec par exemple l'intervention du laboratoire Biologie computationnelle et quantitative5, qui relatait notamment le travail du consortium MetaSub (Metagenomics & Metadesign of Subways & Urban Biomes), dont l'objectif est de décrire les communautés de bactéries présentes dans les transports en commun de 50 villes dans le monde. L'enjeu : identifier les résistances aux antibiotiques et trouver de nouveaux médicaments. De même, à l’interface de la biologie et de l’écologie, les études font apparaître la réémergence de maladies infectieuses au sein de différents écosystèmes avec lesquels l’homme est condamné à vivre.

Enfin les chercheurs en sciences sociales qui travaillent sur les représentations sociales de l’hygiène et du bien-être ont apporté leurs contributions à cette journée d'échanges avec les industriels. La perception des risques par les utilisateurs a fait l'objet d'une étude menée par une équipe pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales, AIRIN6 (air intérieur, actions publiques et jeux d’acteurs). L’un des résultats de cette enquête, illustré avec le cas des personnels de ménage, est de constater la faible mobilisation sociale des acteurs sur la question en dépit des messages de prévention.

Cette journée enrichissante pour tous a été rythmée par des échanges fructueux pour les chercheurs du CNRS comme pour les industriels. Ils devraient conduire à des programmes communs de recherche et de développement entre le CNRS et l’AFISE visant à faire émerger de nouvelles solutions en matière d’hygiène domestique et industrielle.

 

Notes :

  1. CNRS / Université de Bordeaux
  2. CNRS / Université Toulouse 3 – Paul Sabatier
  3. CNRS / Université de Montpellier
  4. CNRS / Université de Bordeaux / Bordeaux INP
  5. CNRS / Sorbonne Université
  6. Projet co-financé par le CNRS, l’Université de Picardie et l’ADEME dans le cadre du programme Primequal qu’elle copilote avec le ministère de la Transition écologique et solidaire.

Contact valorisation

Daniela BREBION
Institut écologie et environnement du CNRS
daniela.brebion@cnrs-dir.fr