Seul un tiers des aires marines protégées sont efficaces

Environnement

Les aires marines protégées (AMP) sont des zones océaniques conçues pour assurer une conservation pérenne des écosystèmes marins et des services qu’ils rendent aux sociétés humaines. Pourtant, seul un tiers de l’ensemble de ces aires est en capacité d’offrir une réelle protection à l’échelle de la planète. C’est ce que révèle une étude à paraitre le 9 mai dans Conservation Letters, réalisée par des scientifiques du CNRS1  au sein d’une équipe de recherche internationale. En analysant les 100 plus grandes AMP du monde, soit 90 % des zones marines protégées à l’échelle mondiale, ils ont mis en évidence qu’un quart de cette superficie est dépourvue de réglementation et de gestion. Par exemple, plus d'un tiers des AMP autorise des activités industrielles telle que la pêche commerciale à grande échelle, principale cause de la perte de biodiversité dans les océans, normalement incompatible avec la conservation marine. L'étude souligne également que les grandes AMP existent de manière disproportionnée dans les zones reculées et les territoires d'outre-mer de certains états au détriment d’habitats et d’espèces importantes localisées dans les régions de l'océan déjà fortement touchées par les activités humaines.

Ces résultats établis grâce au guide des AMP2  suggèrent que les méthodes actuelles d’évaluation et de suivi surestiment la quantité au détriment de la qualité de la protection fournie par les AMP. Pour l’équipe de recherche, ces résultats appellent à une mise en application plus stricte des normes du guide des AMP afin que toutes les zones répondent aux normes internationales. Alors que la mise en œuvre des AMP est un outil clé pour atteindre l’objectif fixé par les Nations Unies de protéger au moins 30% des océans d’ici 2030, les scientifiques proposent de ne plus prendre en compte les AMP dont le niveau de protection est inconnu ou insuffisant, d’étendre les AMP à l'ensemble des écosystèmes marins et de ratifier le traité international de protection de la haute mer3  en y incluant seulement les AMP offrant un niveau de protection élevé.

Carte identifiant les 100 plus grandes AMP du monde et leur niveau de protection vis-à-vis des écosystèmes marins.
© Morgan et al./ Conservation Letters

 

  • 1Travaillant au Centre de recherche insulaire et observatoire de l'environnement (CNRS/École Pratique des Hautes Études - Université PSL/Université de Perpignan Via Domitia)
  • 2The MPA Guide: A framework to achieve global goals for the ocean, Science, 10 septembre 2021 (https://www.science.org/doi/10.1126/science.abf0861). Le Guide des AMP établit un lien entre les preuves scientifiques et les résultats en matière de conservation. Il crée ainsi un cadre permettant de catégoriser les AMP et de déterminer si elles sont mises en place pour contribuer avec succès aux résultats en matière de conservation.
  • 3Adopté à l’ONU le 19 juin 2023
Bibliographie

Ocean protection quality is lagging behind quantity: Applying a scientific framework 1 to assess real MPA progress against the 30 by 30 target. Elizabeth P. Pike, Jessica M.C. MacCarthy, Sarah O. Hameed, Nikki Harasta, Kirsten Grorud-Colvert, Jenna Sullivan-Stack, Joachim Claudet, Barbara Horta e Costa, Emanuel J. Gonçalves, Angelo Villagomez et Lance Morgan. Conservation Letters, le 9 mai 2024.

DOI :  https://doi.org/10.1111/conl.13020

Contact

Joachim Claudet
Chercheur du CNRS
Aurélie Meilhon
Attachée de presse CNRS