Le prix Paul Doistau-Émile Blutet (biologie
moléculaire et cellulaire, génomique) de
l'Académie des Sciences vient d'être attribué
à Giacomo
Cavalli, chercheur et directeur du département de
Dynamique du génome à l’Institut de
Génétique Humaine (IGH). Ses travaux portant
sur la régulation épigénétique de
l'identité cellulaire ont permis une meilleure
compréhension du rôle de deux groupes de
protéines "Polycomb" et
"Trithorax".
La régulation
épigénétique de l'identité
cellulaire
Les recherches des dernières années ont montré
que nombreux processus biologiques essentiels pour le
développement et la vie adulte dépendent des
phénomènes
"épigénétiques", c'est-à-dire
que différentes cellules et tissus acquièrent des
"identités" différentes, même si
l'ADN de chaque cellule est identique. Ces identités sont
maintenues durablement tout au long de la vie des cellules et sont
transmises aux cellules filles de façon
héréditaire. Durant les vingt dernières
années, il a été montré que les
différentes identités cellulaires dépendent de
la régulation de la condensation de l'ADN dans les noyaux
des cellules. Cette condensation est obtenue grâce à
l'enroulement de l'ADN autour des protéines nommées
histones. Les structures formées via l'association de l'ADN
avec les histones sont appelées nucléosomes, et ce
sont des longues chaînes de nucléosomes qui forment
les chromosomes de nos cellules. Or, la structure des
différentes régions chromosomiques est
régulée par des facteurs appelés
"Polycomb" et "Trithorax". Les protéines
Polycomb conduisent à la formation de structures
nucléosomales condensées et inactives, alors que les
protéines Trithorax ouvrent les nucléosomes et
permettent à l'ADN d'exprimer son information
génétique pour obtenir les ARNs et protéines
cellulaires. Ces facteurs sont ainsi capables de réguler des
gènes clé durant le développement. Ces
protéines jouent donc un rôle primordial dans le
maintien de la mémoire de l'identité cellulaire et,
lorsque leur fonction est perturbée, les cellules perdent
leur identité et peuvent induire des pathologies comme le
cancer. Les recherches de Giacomo Cavalli ont contribué
à la compréhension du rôle de ces deux groupes de protéines.
Recherches antérieures et
en cours
Les recherches antérieures de Giacomo Cavalli ont
montré que les protéines Polycomb et Trithorax
peuvent transmettre de manière héréditaire la
mémoire des états activés et
réprimés de leurs gènes cibles. Elles ont
permis notamment d'identifier des protéines et des
séquences d'ADN responsables de cette mémoire. De
plus, elles ont conduit à la découverte que la
transmission de la mémoire chromatinienne met en jeu
l'organisation de l'architecture des chromosomes dans l'espace
tridimensionnel des noyaux des cellules, ainsi que des ARNs non
codants. Enfin, l'équipe Cavalli a contribué à
l'identification des gènes cibles des facteurs Polycomb et
trithorax. Les recherches en cours visent à comprendre les
phénomènes d'hérédité
épigénétique en utilisant des techniques de
génétique du développement et de biologie
moléculaire et cellulaire. L'équipe Cavalli analyse
dans le détail les régions d'ADN fixées par
les protéines Polycomb. Elle étudie aussi le
rôle de l’architecture chromosomique dans la
transmission de la mémoire cellulaire via
l’identification des séquences d’ADN et de
protéines requises pour une correcte organisation
tridimensionnelle des chromosomes. Enfin, certains gènes
régulés par les protéines Polycomb et
Trithorax dans le génome sont capables d'induire la
formation de cancers lorsqu'ils perdent leur régulation
normale. En effet, les toutes dernières recherches de
l'équipe Cavalli ont conduit à la découverte
d'une action anti-oncogénique pour un facteur Polycomb.
L'ensemble de ces études devrait donc contribuer à
mieux comprendre les mécanismes chromosomiques à la
base du maintien des processus cellulaires normaux et
pathologiqueset l'équipe Cavalli est en train
d'étudier les mécanismes moléculaires à
la base de ce phénomène.