Paolo Viviani, professeur à l'Université de Genève et à l'Université Vita-Salute San Raffaele de Milan, présente : Percevoir par l'action.
Le 1er avril 2008 à 18h à l'Espace Duranti (Toulouse).
Au début du siècle dernier, le grand psychologue William James faisait scandale en affirmant qu'il fallait retourner le sens de la plupart des phrases décrivant le rapport entre les émotions et leurs manifestations. Ainsi, alors qu'il semble logique de dire que nous sourions parce que nous sommes heureux, et que nous tremblons parce qu'on a peur, James affirmait au contraire que nous sommes heureux parce que nous sourions et nous avons peur quand nous tremblons.
Peu de chercheurs seraient prêts aujourd'hui à souscrire à cette intuition, du moins dans la forme extrême que, dans sa verve polémique, James lui avait donné. Et pourtant des recherches récentes montrent qu'il y avait, dans cette inversion paradoxale entre agir et ressentir, un noyau de vérité qui se manifeste plus particulièrement lorsqu'on étudie les rapports qui lient perception et action. En effet, il est évident que l'action est souvent guidée par la représentation perceptive du monde ' la vision me dit où ma main doit aller chercher la tasse de café. Il est également fréquent que l'action ait pour but de structurer notre représentation perceptive du monde en orientant les canaux sensoriels vers les sources d'information pertinente. En revanche, il est moins intuitif que le simple fait de posséder un système moteur dont nous connaissons implicitement les capacités ait une influence profonde sur la manière dont nous percevons le monde, même lorsque ce système n'est pas activé. Or, cela semble bien être le cas.
Le mathématicien René Thom affirma un jour que nous percevons la différence entre une bouteille de Bordeaux et une de Bourgogne en constatant que deux postures différentes de la main seraient nécessaires si nous voulions saisir l'une ou l'autre. Malheureusement, il ne s'embarrassa pas de rappeler son illustre prédécesseur Henri Poincaré, ni d'expliquer comment cette affirmation pourrait être étayée empiriquement. Depuis, d'autres se sont efforcés de fournir une telle preuve, et c'est de ces recherches que traite cette conférence.