Depuis 12 ans, l’association Les étoiles brillent pour tous (www.ebpt.fr) fondée par un groupe de chercheuses et chercheurs de l’Observatoire Midi-Pyrénées, organise des conférences scientifiques auprès de publics empêchés. Maisons de retraite, prisons, hôpitaux, centre d’accueil pour les personnes en grande difficulté, les 40 membres de l’association parrainée par Hubert Reeves interviennent eux-mêmes dans ces établissements dans un rayon de 50 km autour de Toulouse ou y invitent des conférenciers extérieurs. Cette action de médiation scientifique, entièrement bénévole, couvre des domaines variés allant de l’astrophysique à l’océanographie en passant par la musique. « En allant à la rencontre de ces publics, nous leur permettons de s’extraire de leur milieu, de rompre leur solitude, d’ouvrir leur esprit, et surtout de réfléchir et rêver », commente Didier Barret, directeur de recherche au CNRS et membre fondateur de l’association. Pour toutes ses actions, la discrète organisation a reçu en 2013 le prix « Le goût des sciences » des mains de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche Geneviève Fioraso.
D’autre part, Les étoiles possède, depuis juin 2016, un annuaire en ligne (http://ebpt.irap.omp.eu/spip.php?rubrique4) qui recense les 30 conférenciers, chercheurs, doctorants ou ingénieurs toulousains. Grâce à ce dispositif, les établissements intéressés peuvent ainsi consulter la liste des intervenants, notamment par thème (astronomie, climat, droit, neurosciences, géophysique…), et les contacter directement. De plus, le groupe souhaiterait étendre ses conférences aux centres pour enfants souffrant de handicaps à l’horizon 2017. Pour se préparer, l’association a d’ailleurs effectué un essai dans un établissement situé aux Pradettes. Enfin, l’année prochaine verra également le renouvellement des douze membres du conseil d’administration, ainsi que du président de l’association, qui, pour la première fois, pourrait bien ne pas faire partie de l’Observatoire Midi-Pyrénées.
« Une société qui exclut, stigmatise, ne peut conduire qu’à la montée des extrémismes et, dans les pires cas, à la violence et au terrorisme. Permettre à tous, et en particulier aux plus vulnérables d’entre nous, d’accéder à l’éducation et à la culture scientifique doit être une absolue priorité d’une démocratie en danger. Nous, scientifiques, devons nous mobiliser et devenir acteurs afin que cette priorité devienne réalité, au-delà des simples discours de bonnes intentions. C’est le choix que les membres de notre association ont fait, avec l’intime espoir de laisser derrière eux une société plus humaine et plus accueillante pour leurs enfants», a écrit Didier Barret dans un texte publié dans Ciel & Espace peu après les attentats du 13 novembre.
Portrait de Gérard Latil, assistant-ingénieur CNRS au Centre de recherches sur la cognition animale CRCA (CNRS/Université Paul Sabatier)
« Les fourmis sont extraordinaires. Saviez-vous qu’elles ont inventé l’agriculture ? Regardez, elles amènent des feuilles à ce champignon pour le faire grandir, puis se nourrissent de ce champignon », s’émerveille Gérard Latil. Des milliers de fourmis grouillent dans le laboratoire de l’assistant-ingénieur qui s’occupe sans relâche de ses colonies brésilienne, guyanaise, et même toulousaine, et étudie le comportement collectif des fourmis. « Leur système de communication par phéromones est très élaboré. C’est un véritable langage qui leur permet de s’échanger des messages précis comme l’endroit où trouver tel type de plante ou des consignes pour agrandir la fourmilière », enchaîne Gérard Latil, qui pourrait parler de formicidés des heures durant.
Pas étonnant donc, que lorsque l’Éducation nationale l’a contacté pour savoir s’il souhaitait emmener ses fourmilières dans les écoles pour initier les maternelles et primaires aux sciences, le passionné du comportement animal ait répondu présent. Et c’est tout naturellement qu’à la demande de Didier Barret, un des fondateurs de l’association Les étoiles brillent pour tous, il a accepté de faire la même chose dans les prisons toulousaines. « Je n’étais jamais rentré dans une maison d’arrêt. On y trouve des gens comme vous et moi. Un professeur, un boulanger, un instituteur… Un jour quelque chose a dérapé, et le lendemain ils étaient enfermés ici », raconte Gérard Latil, ému. « J’ai fait une conférence à la prison de Muret puis ai laissé ma fourmilière dans la bibliothèque pour que les détenus s’en occupe pendant quelques semaines. Il n’y a jamais eu autant de monde dans cette bibliothèque ! C’était formidable d’extraire les détenus de leur quotidien grâce à la science ». Comble de l’ironie, la seule fois où les fourmis se sont évadées de leur boîte, attirées par des morceaux de sucre, la fourmilière de Gérard Latil se trouvait à Seysses, dans une prison…
Pendant huit ans, Gérard Latil s’est également occupé des interventions scientifiques de l’association Les étoiles brillent pour tous dans la maison de retraite Résidence Marguerite au nord de Toulouse. Grâce à une animatrice enthousiaste, il a pu y organiser des dizaines de conférences. Les résidents ont ainsi découvert ce qu’était un satellite, l’histoire de la conquête spatiale, les courants océaniques autour des Kerguelen, des chefs-d’œuvre de l’opéra ou encore la place des orages dans les œuvres de musique classique. « Les personnes âgées ont peu d’occupation, l’heure du goûter est pour elles comme un matin de Noël… À chaque conférence, elles « buvaient » les paroles de l’intervenant. J’ai trouvé cela fantastique de pouvoir leur permettre de sortir un peu de l’ordinaire », confie l’assistant-ingénieur. « Mais mon meilleur souvenir restera l’assemblée générale de l’association en 2010. Pendant plusieurs semaines, nous avons préparé sept retraités pour qu’à leur tour, ils racontent l’explosion des sciences et technologies telle qu’ils l’ont perçue ces 50 dernières années. Ils ont raconté le passage de la machine à écrire à l’ordinateur, l’apparition de la pilule, des thèmes qu’ils avaient eux-mêmes choisis. C’était magique. »
Marqué par les prisons pour femmes, heureux d’avoir retenu 30 minutes l’attention de jeunes à la prison pour mineurs de Lavaur, touché par les pensionnaires de la Résidence Marguerite, Gérard Latil continue son chemin dans Les étoiles et espère bientôt étendre ses interventions aux centres pour enfants handicapés. « Qu’elles soient empêchées physiquement, mentalement, financièrement ou pénalement, ces personnes sont bloquées dans leur accès à la science, mais aussi dans leur communication avec le monde extérieur. On ne s’en rend pas forcément compte, ce qui les touche le plus et ce pour quoi ils nous remercient en premier lieu n’est pas le contenu de nos conférences. C’est simplement le fait de s’être déplacés et d’avoir pris le temps de venir à eux. »