Discours introductif de
Vincent Courtillot, Chers Collégues, Je suis heureux d'inaugurer mes fonctions de nouveau directeur de la recherche en ouvrant, á l'invitation de Catherine Bréchignac et d'Edouard Brézin, cette journée de travail du Comité national du CNRS. Je souhaite profiter de cette occasion qui m'est offerte pour rappeler comment le gouvernement a procédé pour faire petit á petit émerger sa stratégie et ses priorités dans le secteur de la recherche. 1) La priorité á l'emploi Lorsque ce gouvernement
est arrivé, il voulait avant tout faire face, au delá
de toutes les questions particuliéres, á un probléme
commun aussi bien á la recherche française qu'á
d'autres secteurs de son économie : I'emploi. Ceci s'est
immédiatement traduit par un certain nombre de
décisions : 2) Le constat Le ministre était d'autre
part confronté á un certain nombre d'observations : 3) Les premiéres grandes priorités Le ministre a donc
décidé de réagir, en défendant au sein du
gouvernement d'abord la recherche en général et le CNRS
en particulier. Il fallait imaginer de nouvelles
structures pour conseiller le gouvernement et pour
coordonner l'action des organismes de recherche. La
discussion a été engagée au niveau du gouvernement
dans son ensemble. Deux réunions de ministres y ont
été consacrées, conduisant le 15 juillet dernier á un
premier CIRST (Conseil Interministériel de la Recherche
Scientifique et de la Technologie). Deux questions
essentielles y étaient posées : Le gouvernement a
également indiqué ses premiéres grandes priorités : 4) La clarté des procédures Ces évolutions doivent se faire dans le souci permanent de la clarté des procédures ; le gouvernement le souhaite pour tous et se l'applique á lui-même, qu'il s'agisse du nucléaire, des organismes génétiquement modifiés ou de la recherche. 4a) Dés
juillet 1997, nous avons demandé aux organismes de
recherche de se réformer de l'intérieur, avec quelques
priorités simples : 4b) Une
note récemment envoyée á tous les organismes de
recherche leur demande l'état de leur réflexion sur les
objectifs. Plusieurs points sont évoqués pour cette
réflexion, qui doit conduire en 1999 á la signature de
contrats quadriennaux d'objectifs : 4c) Une lettre de cadrage, qui a fait l'objet d'un aller-retour entre le ministére et les organismes, fixe les grandes orientations dans lesquelles doit être construit le budget voté par le Parlement pour 1999. Elle a le mérite d'une transparence qui n'a pas toujours été respectée : que savait-on en effet auparavant de ces cadrages, décidés par les gouvernements successifs et qui existaient naturellement á chaque budget ? Les années suivantes, le contrat d'objectifs servira évidement de base á l'application annuelle que représentent ces lettres de cadrage ; I'aspect gestion des ressources humaines y revêtira une place trés importante. Il s'agit bien lá d'une action de transparence, et non de directivisme. La prospective et l'évaluation de chaque organisme, dans chaque organisme, ne doivent pas être des activités formelles, n'aboutissant qu'á un ouvrage épais que personne ne consulte. Ce doit être des activités qui vont de soi, permanentes, constamment remises á jour. Le ministre a ainsi récemment fait parvenir aux dirigeants des organismes une lettre, dans laquelle il leur demande de lui faire connaître leurs grandes priorités pour le 10 janvier. Un second CIRST aura en effet lieu á la fin du mois de janvier, qui cette fois arrêtera les premiéres priorités précises en matiére de programmes coordonnés et d'actions incitatives. 5) Indépendance, autonomie et évaluation Comme tous les autres organismes de recherche, le CNRS ne méne évidemment pas une politique indépendante. Dés lors que le budget de la recherche atteint un certain pourcentage du PIB, il ne peut rester du seul ressort des chercheurs, pas plus que le budget de la sécurité sociale ne peut rester de celui des seuls médecins. Avec l'argent du contribuable, le CNRS suit des orientations données par le gouvernement : il s'agit des grandes options, comme celles que j'ai rappelées ci-dessus, élaborées par le gouvernement et le parlement, contrôlées par la nation. Mais il ne s'agit pas (et il ne doit pas s'agir) d'un contrôle pointilleux et d'ailleurs inefficace ; il ne s'agit pas de se substituer á ceux qui ont la compétence pour évaluer. Tout reste soumis á la qualité de cette évaluation dont, pour le CNRS, vous devez être les garants. Le gouvernement a nommé
directeur général Catherine Bréchignac, il y a un an.
Il a confié au président Edouard Brézin, conjointement
avec le Conseil d'administration qu'il préside, le soin
de faire des propositions en matiére de réforme des
statuts du CNRS. Il vient de le renommer en Conseil des
ministres, ce qui, en période de cohabitation notamment,
revêt une signification particuliére. Les points de la
réflexion demandée concernent : Comme les autres organismes, le CNRS dispose pour la réalisation de ses missions d'une grande autonomie. Cette autonomie n'est pas remise en cause, au contraire. Ce gouvernement n'a, je le redis, nulle intention de piloter les recherches faites dans les organismes de la maniére pointilleuse que j'entends évoquer parfois çá et lá. Si tel était le cas, pas plus moi que le ministre n'accepterions de le servir. Mais cette autonomie réaffirmée, il faut savoir ce qu'elle signifie, ce qu'elle implique. Il faut savoir l'utiliser. Et quand tel ou tel " court-circuite " son président de section, le président de son Conseil de département, le directeur général et même le président, pour aller directement, par-dessus leurs têtes, présenter au ministre lui-même telle ou telle exigence, telle ou telle revendication, il signifie ainsi que tous les niveaux inférieurs ont fait défaut. Cet hypothétique collégue se rend-il compte de l'extraordinaire manque de confiance qu'il montre á ses propres collégues placés aux divers niveaux de responsabilité ? C'est le meilleur moyen de saper cette autonomie du CNRS, si clairement revendiquée. 6) La mission confiée au président Brézin Le président Brézin a donc reçu mission de faire, avec son Conseil d'administration, des propositions d'évolution de ses statuts permettant d'aller dans le sens des priorités indiquées par le gouvernement au CIRST de juillet. Edouard Brézin a entrepris cette mission depuis cinq mois comme il l'entendait : rédaction d'un premier jet (provisoire et ouvert) de texte aprés diverses consultations, consultation du CA, premiéres modifications, consultation de l'ensemble des partenaires sociaux, de l'Académie, du CSRT (Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie), mise en place de sites d'échange, organisation de cette journée, puis, si je le comprends bien, synthése de quatre tables rondes, pour finir par un ensemble de propositions qui devront avoir été validées par le CA et qui seront alors seulement transmises au ministre. Je ne sais évidemment pas aujourd'hui ce que seront ces propositions. Le gouvernement les analysera alors, passera par diverses étapes de consultation réglementaires, puis arrêtera ses décisions. C'est le processus normal de la démocratie. Bien des changements antérieurs n'ont pas suivi une voie aussi rigoureuse. 7) Une évolution nécessaire, des propositions attendues Dans un article récent, le ministre a mis en garde contre les " révolutionnaires de l'immobilisme ". Il sait de quoi il parle ; voilá l'avantage d'avoir un ministre qui connaît le terrain et qui ne découvre pas ces dossiers. Refondation de l'institut de physique du globe de Paris, création de la réunion annuelle des sciences de la terre, création du département des sciences de la terre de Paris 7, création de l'Union européenne des géosciences, création de l'Institut universitaire de France, création des Instituts universitaires professionnalisés, lancement du Plan université 2000, á chaque fois les résistances ont été nombreuses ; elles n'ont pas empêché toutes ces réalisations de voir le jour. Et je crois que tout le monde s'en félicite. Vous voyez donc, et je sais que vous en avez pleinement conscience, que votre rôle dans ce processus est extrêmement important. Vous êtes, je le redis, les garants de l'évaluation des chercheurs, des équipes et des projets du CNRS, seul ou avec ses partenaires, et nous n'avons nulle intention de changer cela. Vous êtes á la bonne place pour connaître dans le détail vos communautés, assurer le lien entre les aspirations des chercheurs individuels et les grandes orientations voulues par le gouvernement. Vous pouvez avoir un rôle extrêmement efficace, á condition de ne pas vous tromper d'objectif.La France est dotée d'une vingtaine de grands établissements publics de recherche. Une dizaine ont comme vous, le statut d'EPST. Chacun a son champ d'action, ses missions, ses responsabilités. Comme vous, les autres organismes ont commencé, ou vont commencer á réfléchir á leurs objectifs. Malgré un titre que je connais bien, qui est hérité de l'histoire, et dont l'application littérale ne reléverait plus que du mythe, vous êtes le Comité national du CNRS. Il est capital pour le CNRS et sa communauté, il est capital pour le gouvernement que vous nous disiez ce que vous pensez devoir être les évolutions pour faire de ce fantastique organisme le meilleur possible pour le pays (et pour sa contribution á la recherche mondiale). Je sais que vous êtes conscients de la nécessité d'évolutions et les appelez de vos vux. Vous savez évidemment qu'un organisme (au sens le plus large du terme) qui n'évolue pas, qui ne s'adapte pas, est condamné á disparaître. Je pense que Catherine Bréchignac et Edouard Brézin attendent, je sais que le gouvernement attend pour sa part de votre travail des propositions réfléchies, précises, et données á temps pour qu'elles puissent pleinement être prises en compte. Si cette journée ne débouche pas rapidement sur des propositions innovantes, le Comité national et le CNRS entier en sortiront trés affaiblis.Je vous souhaite donc une excellente journée de travail. J'espére qu'elle sera fructueuse, que les suggestions seront riches et á la hauteur des enjeux. Bref, je souhaite que le Comité national du CNRS soit á la fois dans ce débat ce qu'il rêve d'être et ce que nous souhaitons tous qu'il soit, vivant, tourné vers l'avenir. Par avance, je vous remercie pour votre contribution. |