Agathe Euzen assise à une table de conférence, un micro à la main
Agathe Euzen, directrice adjointe scientifique « développement durable » à l’Institut écologie et environnement © Patrice Diaz Photographe

De nombreuses recherches au CNRS contribuent aux Objectifs de développement durable

Institutionnel

Lors du Sommet des Nations unies du 25 septembre 2015 à New York, 193 pays ont adopté 17 objectifs de développement durable à l’horizon 2030, visant à transformer nos sociétés pour les rendre plus justes, paisibles et prospères dans le respect de notre planète. Cinq ans après, Agathe Euzen, directrice adjointe scientifique « développement durable » à l’Institut écologie et environnement (INEE), précise la contribution du CNRS dans la réalisation de ces objectifs.

Quels sont les enjeux des Objectifs de développement durable (ODD) ?

Agathe Euzen1  : Les ODD visent à mettre fin à toutes les formes de pauvreté, à lutter contre les inégalités et à préserver les écosystèmes, tout en garantissant la prospérité de tous dans un contexte de changement global. L’enjeu est certes connu de tous mais nécessite de l'ambition : il s’agit de façonner un monde viable, équitable et soutenable dès aujourd’hui et pour nos enfants. L’ensemble des États membres des Nations Unies se sont engagés sur 17 objectifs globaux et 169 cibles, qui vont de l’accès à l’éducation, l’eau et l’énergie, à la santé, à l’égalité femme-homme, à la préservation des milieux et tant d'autres : c’est un programme universel qui concerne aussi bien les pays les plus pauvres que les plus riches. Il intègre, dans une approche globale, l’ensemble des accords et conventions sur le climat, la biodiversité et la désertification, issus de la Déclaration de Rio2  de 1992. Cet agenda à l’horizon 2030 est décliné dans les politiques nationales et internationales des États et doit être davantage encore approprié et déployé par l’ensemble des acteurs de la société à toutes les échelles.

Quel est le rôle de la science dans ces engagements ?

A. E. : Les ODD s’inscrivent dans un agenda politique au sein duquel les chercheurs et les chercheuses ont toute leur place : il s’agit de reformuler en questions scientifiques cet agenda politique, de considérer chacun des objectifs et de s’intéresser aux enjeux issus de leurs interactions. C’est notamment grâce à l’ensemble des recherches engagées depuis plusieurs années que l’on est à même d’évaluer et de mieux comprendre l’état du monde, la complexité de ses socio-écosystèmes et ses dynamiques. Prendre en compte les derniers résultats scientifiques est essentiel pour co-construire le monde de demain. Aujourd’hui, les scientifiques se mobilisent, directement ou indirectement, pour répondre aux défis soulevés par les 17 objectifs, lesquels sont souvent interdépendants. Toutes les disciplines sont concernées pour relever ce défi. À travers leurs recherches, les scientifiques mettent tout en œuvre pour observer, expérimenter, modéliser et traiter des données contemporaines comme celles du passé, afin de mieux comprendre les enjeux environnementaux et de sociétés et d’apporter des solutions innovantes. La diversité des connaissances acquises et en cours, produites au CNRS, vise à mieux connaître le monde qui nous entoure et ses trajectoires de développement et ainsi venir en appui à la décision de l’ensemble des acteurs politiques, économiques, industriels pour atteindre les cibles des ODD.

Comment le CNRS s’implique-t-il ?

A. E. : Le CNRS a participé à l'élaboration de la feuille de route de la France pour l’Agenda 2030 qui a rassemblé l’ensemble des acteurs de la société dans un travail collaboratif. Présentée l’année dernière pour les 4 ans des ODD, elle « fixe le cap pour une France entreprenante, solidaire et écologique ».

Plus quotidiennement, l’ensemble des recherches qui sont menées dans les laboratoires contribuent de près ou de loin aux ODD et à leurs interfaces. À long terme, la recherche fournit la connaissance nécessaire à toute innovation, il est essentiel de la poursuivre même si les applications ou utilisations ne sont a priori pas immédiates. Car si l’urgence guette, le temps long de la recherche n’en reste pas moins indispensable. La création de nouveaux capteurs ou de matériaux durables contribuent à la transition énergétique, la modélisation des mobilités urbaines aide à l’aménagement des territoires, le génie des procédés vise à trouver les moyens les plus efficaces et les plus propres de produire des aliments, des médicaments ou des hydrocarbures. D’autres travaux portent sur l’optimisation des systèmes de phytoremédiation3 , les enjeux liés à la croissance urbaine et la littoralisation, les différentes formes de migrations sur les territoires… Tous les instituts du CNRS sont concernés ainsi que la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) du CNRS qui lance des appels à projets sur des thématiques en liens avec les ODD comme celui sur le changement climatique, les processus techniques d’apprentissages, Environnement-Santé, ou encore les nouveaux matériaux. Les nombreux exemples présentés dans la plaquette « Le CNRS et les ODD à l’horizon 2030 » s’enrichiront d'ailleurs régulièrement des dernières connaissances produites par les chercheurs.

17 cases présentant les titres des 17 ODD suivies d'un graphe montrant les 17 ODD reliés par 6 défis sociétaux
Les 17 objectifs de développement durable participent de 6 grands défis de société que le CNRS a identifié dans son Contrat d'objectifs et de performance 2019-2023.

C’est aussi au sein de l’alliance AllEnvi4  que le CNRS promeut l’importance des scientifiques pour répondre aux ODD, en valorisant notamment la science de la durabilité. Cela se traduit également par l’implication du CNRS dans les programmes internationaux comme Future Earth5 , outil de coordination de la recherche pour le développement durable et l’aide à la décision.

Participer aux conférences internationales de haut niveau de l’Onu et de l’Unesco est également un moyen de diffuser, à tous les niveaux, les connaissances produites par des scientifiques. En plus de sa participation aux conférences des parties (COP) et autres conférences sur le climat, la biodiversité, l’eau, l’océan ou la ville par exemple, le CNRS est présent depuis ces cinq dernières années au Forum politique de haut niveau pour le développement durable de l’Onu ou au Forum des sciences, technologies et innovations : il y promeut la recherche et des connaissances utiles à la prise de décision.

La diffusion des connaissances est-elle importante pour remplir les objectifs fixés ?

A. E. : Elle est essentielle. La mission du CNRS est de produire des connaissances, grâce à ses grands équipements, ses plateformes et l’implication de ses chercheuses et de ses chercheurs sur le terrain. Sa mission est aussi de diffuser ces connaissances au sein de la société, dont il est une composante essentielle. Les décideurs publics, dépositaires de la politique nationale et locale en matière de recherche et d’innovation, sont l’une de ses cibles. Il a ainsi vocation, lorsqu’elle la lui est demandée, à leur apporter une expertise scientifique sur des sujets spécifiques et à venir en appui à la décision publique.

Cela se matérialise par des relations renforcées avec l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, organe chargé de réfléchir aux enjeux scientifiques pour le Parlement, mais aussi par des auditions dans le cadre de l’examen de textes de loi ou encore, par la signature, au niveau local, de partenariats avec les Régions. Cela permet en définitive de mieux faire connaître la richesse et la diversité des travaux et actions du CNRS et de faire bénéficier  tout un chacun d’un éclairage scientifique exigeant.

Dans la même idée et pour marquer les 5 ans du Sommet de New York, la Task Force « Agenda 2030 » du CNRS (voir encadré) a produit, à partir des contributions de chacun des dix instituts et directions fonctionnelles, des fiches sur les 17 ODD qui proposent les résultats et actions de recherches, projets, publications ou dispositifs qui apportent des réponses aux ODD ainsi qu’à leurs cibles. Ces fiches sont un état des lieux, à un moment donné, sur des sujets qui se développent en permanence : les chercheurs et chercheuses sont d’ailleurs invités à faire parvenir à la task force leurs résultats en les ciblant par ODD, afin de continuer à nourrir ces fiches.

Enfin, l’enjeu des Objectifs du développement durable pour les générations futures concerne également notre présent. En tant que scientifiques, nous devons fournir aux citoyens, notamment les plus jeunes, les éléments pour comprendre, attiser leur curiosité et les aider à développer un regard critique pour être à même de proposer des solutions éclairées, et leur donner envie de  s’engager et de poursuivre les recherches menées aujourd’hui. C’est pourquoi le lien avec nos partenaires universitaires est indispensable, tout comme la publication d’ouvrages comme la collection À découvert ou Inventer l’avenir, l'ingénierie se met au vert.

  • 1Directrice de recherche CNRS, directrice adjointe scientifique « développement durable » à l’Institut écologie et environnement (INEE).
  • 2Lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro en juin 1992, 120 chefs d'État et de gouvernements et 189 pays ont adopté un texte fondateur de 27 principes et un programme d'action pour le XXIe siècle qui énumère 2500 recommandations concernant la mise en œuvre concrète des principes de la déclaration.
  • 3Utilisation de plantes pour dépolluer des sols, épurer des eaux usées ou assainir l’air intérieur.
  • 4Avec 12 membres fondateurs, dont le CNRS, et 15 membres associés, l'alliance nationale de recherche pour l'environnement AllEnvi fédère, programme et coordonne la recherche environnementale française pour relever les grands défis sociétaux de l'alimentation, de l'eau, du climat et des territoires.
  • 5Le consortium français impliqué dans Future Earth est administré par le CNRS, en collaboration avec le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), l’alliance AllEnvi et l’Agence nationale de la Recherche (ANR). Il est hébergé par Sorbonne Université à Paris.

La Task Force « Agenda 2030 »

En 2015, le CNRS a créé une Task Force « Agenda 2030 » pour traduire en questions scientifiques l’agenda politique des Nations Unies et promouvoir les découvertes et innovations qui s’inscrivent au sein des 17 ODD. Ce groupe de réflexion se compose de représentants de l’ensemble des directions et des instituts. Il marque l’engagement de l’organisme au niveau scientifique et fonctionne en lien avec le groupe « Les pratiques de la recherche et le développement durable » qui vise à faire du CNRS un acteur du développement durable au sein de l’écosystème de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Contact : agenda2030@cnrs.fr

Le programme de développement durable a été signé le 25 septembre 2015 par 193 pays, avec des objectifs à l’horizon 2030. Cinq ans après, pensez-vous que cet horizon sera respecté ?

A. E. : Je suis plutôt de nature optimiste, mais je suis inquiète. Il y a encore de sérieux efforts à faire. Nous avons besoin d’une volonté politique qui permette le réel changement de paradigme qui est nécessaire. Depuis la crise sanitaire du COVID-19, on parle beaucoup d’un « monde d’après » plus écologiste, plus égalitaire et moins consommateur, mais de nombreuses résistances rendent difficile son façonnage… Pourtant, le confinement et le ralentissement soudain et drastique des activités humaines dans tous les pays du monde ont montré à la fois que l’impact de l’activité humaine sur notre environnement est important et que de réels changements sont rapidement visibles dès que l’humain ralentit (baisse des gaz à effets de serre et de l’activité sismique, retour de la nature dans les villes...). Mais il faudra pallier les coûts économiques et sociaux de telles modifications de la société.

À l’échelle européenne, les décisions récentes sont plutôt encourageantes, avec par exemple la volonté de la Commission européenne d’augmenter les exigences sur la réduction des gaz à effets de serre6  d’ici 2030. Au-delà des paroles, il faut agir et accepter qu’il y a des choix à faire, qu’on ne peut plus rester dans une logique d’intérêts individuels. Je suis convaincue que l’intelligence de chacun peut nous amener aux bonnes décisions, mais il faut un accompagnement pour que le changement se fasse avec le minimum de heurts possible. Les sociétés humaines ont une réelle capacité d’adaptation, il s’agit de trouver de nouvelles harmonies pour continuer à partager ce bien commun qu’est notre planète Terre. 2030, c’est bientôt hier : agir dès aujourd’hui tous ensemble est encore possible pour atteindre les objectifs.

  • 6L’objectif est aujourd’hui d’atteindre une diminution de 40 % par rapport au niveau de 1990 d’ici 2030, en visant la neutralité carbone en 2050. La Commission européenne souhaite passer à une diminution de 55 % d’ici 2030.