Nicolas Arnaud, directeur de CNRS Terre et Univers © Cyril FRÉSILLON / CNRS Images

« Le CNRS est une référence scientifique vers laquelle enseignants et élèves peuvent se tourner »

Institutionnel

Partenariat entre le CNRS et le ministère de l’Éducation nationale, l’Année des Géosciences vise à renforcer les liens entre recherche et éducation. Nicolas Arnaud, directeur de CNRS Terre et Univers, revient sur les objectifs de cette initiative.

Pourquoi cette année dédiée aux géosciences a été initiée ? A qui s’adresse-t-elle ?

Nicolas Arnaud : L’Année des Géosciences1 , qui couvre l’année scolaire 2024-2025, est une initiative forte et en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale. Cette initiative a pour vocation de sensibiliser les jeunes et le grand public à l'importance des géosciences, de valoriser la démarche scientifique et d’encourager les vocations dans des métiers essentiels pour l’avenir.  Elle fait suite aux années thématiques consacrées par exemple les années précédentes à la chimie, ou encore à la physique, et s’étendra prochainement à l’ingénierie (2025-2026). Cette année s’adresse avant tout aux enseignants, en les aidant à aborder des questions scientifiques et en soutenant une relation qui a vocation à être durable, tant territoriale que nationale, vers un lien renforcé avec la recherche.

Le CNRS et l’Institut CNRS Terre et Univers prennent cette mission à cœur, avec une acception large des géosciences à l’échelle du système Terre, incluant les océans, le climat, et plus globalement le fonctionnement de notre planète. Cette année s’impose naturellement, car l’institut a pour mission de répondre à des enjeux où la science est une clé : changement climatique, ressources naturelles et risques naturels. En outre, le CNRS se positionne comme une référence scientifique vers laquelle enseignants et élèves peuvent se tourner.

Dans le contexte de désinformation et de scepticisme scientifique, cette action se veut un rempart pour diffuser des vérités scientifiques, en montrant comment ces connaissances sont acquises, car la compréhension de la démarche scientifique est aussi essentielle que les résultats. Cette année est aussi une réponse à la demande d’aide pédagogique de la part des enseignants afin d’expliquer le changement climatique de manière tangible et non anxiogène, tout en affirmant qu’il s’agit d’un fait scientifique, et non d’une opinion. Aujourd'hui, des croyances erronées, comme la théorie de la Terre plate, persistent, ce qui montre l’importance de diffuser une information fiable et compréhensible.

Quels sont les principaux piliers de l'Année des Géosciences, et comment cette initiative se décline-t-elle pour répondre aux enjeux éducatifs, scientifiques et professionnels ?

N. A. : L’année des Géosciences a été imaginées selon trois axes. D’abord nous avons souhaité intégrer pleinement l’année aux programmes scolaires autour des sciences de la Terre, en abordant les liens entre la Terre et l’humanité. On y traite de sujets comme les ressources et les risques, en questionnant comment notre planète est devenue un lieu de vie, comment elle le demeure, et quelles en sont les limites. Ce sont des thématiques qui touchent à la fois au cœur des programmes et qui appellent une approche systémique, montrant l’interconnexion de ces sujets. 

Elle souhaite ensuite valoriser la démarche scientifique, car apprendre à raisonner scientifiquement est essentiel pour former les citoyens de demain. Nous voulons encourager un esprit critique et donner aux élèves, et donc futurs citoyens et citoyennes, les compétences nécessaires pour comprendre et analyser le monde qui les entoure. Les géosciences, en partant de l’observation de la nature, permettent de bâtir des modèles intégrés pour comprendre le fonctionnement de notre planète, comme les sols ou la relation entre l’océan et le climat. 

Enfin, cette initiative vise aussi à préparer les jeunes aux métiers de demain. Nous avons besoin de professionnels capables de comprendre et de gérer par exemple les risques naturels et complexes, et les géosciences offrent une formation idéale pour devenir ingénieurs et ingénieures, chercheurs et chercheuses ou techniciens et techniciennes tant dans l’emploi public que dans les entreprises, des métiers qui seront essentiels pour permettre de nous adapter aux défis planétaires à venir.

Quels sont les enjeux actuels les plus cruciaux pour les géosciences, notamment dans le contexte de la transition écologique et du changement climatique ? Comment cette initiative peut-elle influencer la gestion durable de nos ressources et la compréhension des risques naturels ?

N. A. : Expliquer la Terre par les géosciences vise à rendre tangible l’évolution de ce système complexe, aux temporalités longues, mais dont les effets immédiats concernent les jeunes générations. Par exemple, le changement climatique est un phénomène qui s’étend sur des décennies, mais dont l’impact est déjà visible aujourd’hui. Expliquer la différence entre météo et climat, et faire comprendre l’emboîtement des échelles de temps et d’espace propres aux géosciences, sont des enjeux majeurs.

Les géosciences ne sont pas une discipline au sens strict, comme les mathématiques ou la chimie, mais un ensemble de connaissances mobilisant des concepts complexes. Il est essentiel de rendre ces éléments compréhensibles pour que la société prenne conscience des enjeux et puisse réagir de manière éclairée. La finalité est de former une génération de citoyens capables de penser la pérennité de notre société et de faire face aux défis environnementaux, d’autant plus que c’est la première fois que nos sociétés se confrontent à de tels risques.

Comment est construite la collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale, et comment cette initiative va-t-elle se concrétiser dans les établissements scolaires ?

N. A. : De nombreuses actions sont prévues au cours desquelles les scientifiques s’inviteront dans les salles de cours avec une diversité de sujets abordés en classe, autour des océans, des risques, sols et climats. Cette année des géosciences met en avant deux enjeux d’inclusivité : la diversité des métiers (chercheurs, ingénieurs, et techniciens) et la féminisation de la discipline, qui attire encore trop peu de jeunes filles. 

Mais si les scientifiques pourront aller en salle de cours, les scolaires auront également l’occasion d’aller dans les laboratoires. L’initiative, qui associe des institutions comme le BRGM, le Muséum national d’histoire naturelle et la Société géologique de France, intègre aussi une dimension territoriale, grâce à l’appui des Observatoires des sciences de l’Univers de l’Institut, permettant de rassembler la médiation scientifique au service des enseignants. Une attention particulière est portée aux territoires d’outre-mer, avec des relais comme à La Réunion, ainsi qu’aux zones d’éducation prioritaires - la journée de lancement par exemple s’est tenue à Créteil, en présence de plusieurs classes du secteur.

L’initiative inclut également des centaines d’événements, comme des webinaires et des interventions en lycées, et la valorisation de projets existants comme "Adopt a Float" à Villefranche, permettant aux élèves de parrainer une balise de mesure océanique (médaille de la médiation 2023).

Un site web dédié recense les actions et propose un annuaire pour que les enseignants puissent contacter les scientifiques. Enfin, un catalogue des ressources existantes sera mis en ligne avec CNRS Éditions et CNRS Images. L’objectif est de regrouper tout le matériel pédagogique disponible pour qu’il soit accessible à tous et proposer des ressources pérennes. 

Quel message souhaitez-vous adresser aux jeunes et au grand public pour les encourager à découvrir les géosciences ?

La devise de cette année, "Explorer la Terre, inspirer l’avenir," résume bien la démarche. L’exploration de notre monde permet d’espérer un avenir meilleur. C’est en comprenant la Terre que l’on pourra faire les bons choix pour un futur durable.

  • 1Les géosciences regroupent l’ensemble des sciences de la Terre.