Emmanuel Jullien
Chargé de communication,
Patrick Dolegieviez
Chef de projet SPIRAL2 accélérateur,
Jean-Luc Biarrotte
DAS Accélérateurs et technologies, 01 44 96 44 51,
Ils n’en croyaient pas leurs yeux les scientifiques de la salle d’expérience NFS quand un premier faisceau de protons accélérés à l’énergie de 33MeV a jailli du LINAC de SPIRAL2 et affolé leurs instruments. Certes ils n’ont enregistré qu’un simple spectre de test à partir d’un faisceau de quelques watts, mais pour eux qui attendaient ce moment depuis des années, c’est la preuve tant attendue qu’enfin la science va bientôt pouvoir commencer.
C’était le 5 décembre dernier, et pendant que les équipes de NFS se réjouissaient, technicien.nes et ingénieur.es de SPIRAL2 n’étaient pas en reste. Pour eux, cette bouffée de protons envoyée dans la salle d’expérience marquait la fin de 6 mois de travail sans relâche à faire battre le cœur de SPIRAL2. Car dès le feu vert donné ils étaient sur le pont. Récit. Nous sommes au lendemain du 8 juillet, le LINAC déjà porté à sa température de fonctionnement de 4K depuis plusieurs semaines par anticipation. Plus rien ne s’oppose au réveil progressif de la machine. Mais il faut progresser consciencieusement et par étapes. La première consiste à faire monter en puissance une première cavité. « Il nous fallait dans un premier temps roder les procédures de sécurité et de test » indique Patrick Dolegieviez. « Cette première phase initiale s’est achevée avec la montée à 8 méga volts par mètre de la cavité, bien au-dessus des 6,5 MV/m requis pour le fonctionnement. »
Des tests avec d’infinies précautions
Dans la foulée, le test des 26 autres cavités démarre. Mais toujours avec d’infinis précautions car certaines cavités attendent leur mise en route pour certaines depuis 6 ans. « On ne savait pas du tout si nous n’allions par avoir des surprises » se souvient Patrick Dolegieviez, « mais heureusement tout s’est bien passé. » Le 24 septembre tout est bouclé sans accroc et l’accélérateur prêt à recevoir ses premiers protons. Là encore, les équipes ont bien anticipé les événements et à la faveur d’une autorisation partielle ils avaient testé et réglé les premiers faisceaux dans l’injecteur un an plus tôt. Les protons sont donc disponibles à foison, par contre il faut consacrer du temps à la préparation de la salle et à la mise en route d’une vingtaine de systèmes de sécurité qui la protègent. « Injecter des protons dans l’accélérateur revient à se mettre en situation de fonctionnement réelle du LINAC avec tous les systèmes au vert » explique le chef de projet. La première bouffée de protons entre symboliquement dans le LINAC un mois plus tard, le 28 octobre, signant ainsi l’état opérationnel de l’installation. Le mois suivant est dès lors consacré à la montée en puissance du faisceau. Les 33 MeV sont atteints le 27 novembre. Et finalement une semaine plus tard, cerise sur le gâteau, le système de déviation du faisceau fait merveille en faisant voler quelques neutrons dans la salle d’expérience NFS.
Objectif 10% de puissance en 2020
Ce sera tout pour 2019, depuis le 13 décembre, l’installation est entrée dans sa phase de maintenance annuelle. Elle est à présent réchauffée et mise au repos pour la trêve hivernale. Une trêve qui ne sera pas de trop pour tirer les leçons de ces premiers mois de mise en service et régler les soucis détectés. Le LINAC reprendra ensuite du service en avril et profitera du printemps pour monter progressivement en puissance. « Le faisceau actuel ne fait que quelques watts, il devra atteindre 200 kW à terme » précise Patrick Dolegieviez. « Cette puissance ne sera atteinte qu’à la condition de se livrer à un réglage extrêmement fin de la machine et d’en ramener les pertes à maximum 1 watt par mètre. Une valeur vraiment infime au regard d’un faisceau de 200kW de puissance. » Si tout se passe bien, les équipe de NFS passeront enfin à l’action. Ce sera à partir de septembre 2020 avec 10% de la puissance maximale. Le LINAC sera encore en rodage, mais il sera déjà suffisamment puissant pour que les expériences de neutrons puissent démarrer. Le temps sera alors partagé entre la science à NFS et la montée en puissance du LINAC.