« Aider les chercheurs à valoriser leurs connaissances, c’est passionnant »

Institutionnel

Nouveau directeur de CNRS Innovation depuis juin, Mehdi Gmar présente son parcours, sa vision de la valorisation et les ambitions renouvelées de l’organisme pour l’avenir.

Vous êtes le nouveau directeur de CNRS Innovation depuis le mois de juin dernier. Pouvez-vous revenir sur votre parcours et ce qui vous a donné envie d'en prendre la direction ?  

Mehdi Gmar : C’est un parcours à la coloration très « transfert technologique ». J’ai débuté en tant qu’ingénieur de recherche en 1999 dans un laboratoire du CEA qui faisait partie de la Direction de la recherche technologique, à Saclay. J’avais d’ailleurs effectué ma thèse dans ce laboratoire. J’ai ensuite poursuivi au sein du CEA, jusqu’en 2016, une carrière dédiée à l’encadrement et au pilotage de structures dont les objectifs étaient de mener des travaux de recherche partenariale avec les entreprises. Une véritable expérience de « terrain ». En 2016, j’ai eu l’opportunité de rentrer au Commissariat Général à l’Investissement en tant que directeur adjoint du programme Valorisation de la recherche. Durant ces deux années, j’y ai découvert le fonctionnement de l’État et les outils de financement des programmes d'investissements d'avenir. J’ai suivi plus particulièrement le fonds national de valorisation et les structures qu’il finançait, notamment les SATT1 . J’ai par la suite réintégré le CEA pour devenir directeur de l’institut CEA tech en région, institut né de la volonté du CEA d’avoir des implantations dans les régions pour être au plus près des PME et des ETI2 . Cette expérience m’a permis de mieux comprendre le monde des PME, et leur rapport à l’innovation, et la volonté des régions d’être des acteurs du financement de l’innovation. Enfin en 2021, j’ai eu l’opportunité de rejoindre le cabinet de Frédérique Vidal, alors ministre de l’Éducation Supérieure, de la Recherche et de l’Innovation comme conseiller en charge de la recherche et de l’industrie. J’ai pris alors particulièrement conscience de l’importance du CNRS dans le paysage de la recherche française et mondiale.

Le poste de directeur de CNRS innovation me permet de retrouver tout ce qui me plait : avoir la capacité de développer des structures, des outils et des équipes au service du transfert technologique et des chercheurs, pour leur donner l’opportunité de valoriser leurs connaissances. Et c’est une activité passionante. Il y a peu de domaines où l’on peut être à la fois émerveillé par la science et la technique, et être séduit par l’enthousiasme d’un chercheur et embarqué par sa pugnacité.

Quel est votre rapport à la recherche et plus particulièrement à l’innovation technologique ?

M. G. : Ma conviction est que la recherche fondamentale est à la base de tout, c’est également ce qui explique mon envie de travailler au CNRS. Elle est source de connaissance, pour éclairer les citoyens, la société et les décideurs, mais aussi de valeur économique par le transfert technologique. Cette recherche est à l’origine de nombreuses innovations de rupture. Nous devons tout faire pour qu’elle continue à se développer dans des conditions optimales. D’ailleurs, cette notion est au cœur de la devise du CNRS : la recherche fondamentale au service de la société.

Voilà maintenant plusieurs années que nous n’opposons heureusement plus recherche fondamentale et transfert technologique. Cette évolution s’est opérée au sein de tous les organismes, des start-ups et des PME et de l’Etat. La jeune génération de chercheur pousse pour plus d’ouverture vers la société.  Et le CNRS a tous les atouts et a mis en place tous les facteurs de réussite pour accélérer le transfert des connaissances et des technologies vers la société.

Quelle est votre perception de la mission de valorisation du CNRS, notamment via le rôle moteur de CNRS Innovation ?

M. G. : La valorisation est l’une des missions du CNRS, inscrite dans le décret de 1982. L’organisme s’est donc structuré pour accélérer et accroitre sa capacité à faire du transfert technologique, avec deux atouts.

D’une part, la structuration de la recherche au travers de ses 10 instituts qui portent de grandes thématiques et travaillent en interdisciplinarité, et d’autre part une organisation territoriale qui permet au CNRS d’être implanté dans toutes les régions et d’avoir une proximité avec les écosystèmes socio-économiques. Ce maillage entre science et implantation territoriale est assuré par les chargés de valorisation des instituts et les Services partenariat et valorisation3  (SPV) en région, qui permettent à CNRS Innovation d’avoir une interface très efficace avec le CNRS au service de la valorisation. La mise en place de la Direction générale déléguée à l’innovation (DGDI) il y a quelques années, de la Direction des relations avec les entreprises (DRE), le recrutement des 100 ingénieurs transferts4 … Tous ces éléments montrent que le CNRS accompagne activement cette dynamique.  

Quelles sont vos ambitions et votre vision pour CNRS Innovation ?

M. G. : CNRS Innovation vient compléter tout un dispositif qui existe déjà : les SPV qui travaillent en proximité en région, les instituts qui ont une vision thématique... CNRS Innovation est là pour accompagner les chercheurs, les instituts et les délégations régionales, leur apporter une expertise et une vision consolidée au niveau national. Renforcer ce trait d’union est ma première ambition. Il nous faut être un tiers de confiance dans la relation avec les instituts et l’extérieur (notamment les SATT et les autres ETT5 ). CNRS Innovation doit être une ETT à vision nationale.

J’arrive à un moment où CNRS innovation - sous l’impulsion de son ancienne directrice Johanna Michielin et de Jean-Luc Moullet, Directeur délégué à l’innovation du CNRS- a fait un vrai travail de structuration et de mise en visibilité. Ce travail doit être salué. Pour moi, il s’agit de l’amplifier et de le renforcer, avec toujours comme leitmotiv l’accompagnement, le suivi des chercheurs et de leur projet. Pour cela, nous pouvons encore renforcer nos liens avec les délégations régionales et les instituts, développer de nouveaux programmes d’accompagnement pour compléter ceux existant comme le programme de prématuration ou le programme RISE6  sur l’accompagnement à la création de start-ups, ou encore renforcer notre expertise en propriété intellectuelle. Bien sûr il nous faut poursuivre dans l’efficacité opérationnelle mais là je suis également serein, nous avons des équipes supports très professionnelles.

Les équipes de CNRS Innovation sont essentielles pour assurer ce lien de proximité avec le chercheur. Elles sont composées d’experts dans leurs domaines - scientifiques, techniques, juridiques, – mais aussi forts de compétences uniques permettant un accompagnement sur mesure en prématuration, en création de start-up, en protection intellectuelle ou encore en licensing.  Une double casquette que l’on retrouve peu ailleurs.

Ma stratégie s’inscrit donc dans la continuité avec pour ambition de renforcer notre spécificité nationale. Pour cela, nous devons nous inscrire en complémentarité avec les acteurs qui font la valorisation de la recherche, notamment en région, avec les SATT qui interviennent sur le volet maturation, et en étroite collaboration avec les SPV en région et les instituts, pour accompagner le plus loin possible le projet des chercheurs. Je souhaite également renforcer nos liens avec la DRE car nos missions s’inscrivent au service du même objectif, la valorisation de la recherche. Nos compétences doivent être liées et nous avons tous à apprendre de nos expériences respectives en prise avec le monde économique.

Que pensez vous, d’une façon plus générale,  du transfert de technologie en France en 2022 ?

En 10 ans, avec notamment la création des SATT, nous avons observé une véritable professionnalisation de ce secteur et de ses métiers. Entre les SATT, les ETT des grands organismes (CNRS, Inserm) mais aussi les personnels dédiés dans les organismes, au sein des universités… la France dispose désormais d’une communauté de professionnels du transfert technologique au service du monde de la recherche. Un secteur qui attire de plus en plus de jeunes ingénieurs d’ailleurs. Nous devons maintenant apprendre à travailler de manière plus articulée et plus efficace.

  • 1Les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) assurent le relais entre les laboratoires de recherche et les entreprises et financent les phases de maturation des projets et de preuve de concept.
  • 2Entreprises de taille intermédiaire.
  • 3Le SPV assure un accompagnement de valorisation auprès des laboratoires en région.
  • 4L’ingénieur transfert a pour mission de renforcer l’activité de valorisation sur des pôles économiques régionaux et/ou des domaines économiques identifiés comme prioritaire par le CNRS.
  • 5Entreprise de transfert technologique.
  • 6Le programme d’accompagnement RISE du CNRS, piloté par CNRS Innovation, a pour objectif d’accompagner les projets de start-ups deeptech ayant vocation à exploiter les technologies développées au sein des 1 000 laboratoires du CNRS, de l’idée à la structuration, jusqu’à la création et les premières phases de financement.