Future Earth : état des lieux des recherches pour la durabilité

Institutionnel

La réunion annuelle de l’Assemblée générale de Future Earth s’est déroulée à Sorbonne Université du 21 au 23 septembre. L’occasion de présenter les enjeux auxquels font face la recherche et la société et les récents travaux de ce programme international sur la durabilité.

Lancé en 2012 lors de la Conférence des Nations-Unies sur le développement durable à Rio (Brésil) et rassemblant des chercheuses et des chercheurs du monde entier, Future Earth est un programme fondé sur une trentaine de réseaux de recherche thématique internationaux et est représentatif des recherches interdisciplinaires et internationales sur la durabilité.

Son objectif ? Renforcer les connaissances sur les aspects socio-environnementaux des changements globaux, et trouver des solutions pour accélérer le développement durable. C’est dans cette démarche que se tenait la réunion annuelle de l’Assemblée générale de Future Earth du 21 au 23 septembre 2022 à Sorbonne Université.

A cette occasion, le Comité national français des changements globaux (CNFCG1 ), partenaire du programme, et le bureau français du Secrétariat de Future Earth ont organisé la matinée du 21 septembre une rencontre pour la communauté française impliquée dans les sciences de la durabilité avec pour objectif d’identifier et de discuter des nouvelles perspectives de recherche associées aux enjeux de durabilité. « L’objectif était de participer à une réflexion essentielle qui concerne la question de la gestion des futures grandes crises environnementales », indique Wolfgang Cramer de l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE2 ) et coprésident du CNFCG. « Dans quel monde nos enfants vivront-ils ? Nous devons être ouverts à un grand nombre d’approches pour soutenir les questions de vivabilité. »

Un besoin d’une vision croisée pour l’environnement

Valérie Masson-Delmotte, chercheuse au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE3 ) et coprésidente du Groupe 1 sur l’évolution du climat du GIEC4  a ouvert la journée, suivie de Paul Leadley du laboratoire Écologie, systématique et évolution5  et membre de l’IPBES6  (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services) lors d’une première session sur les perspectives de recherches suite aux travaux du GIEC et de l’IPBES. La chercheuse en a profité pour rappeler à quel point la recherche scientifique était essentielle pour soutenir et favoriser la durabilité.

« La situation est grave, avec des changements rapides et intensifiés dans chaque région et pour lesquels l’activité humaine est en cause. Il existe des solutions d’ingénierie, des solutions basées sur la nature ou encore sur la protection sociale… Mais celles-ci atteindront leurs limites avec un réchauffement de 1,5° à 2°. » La coprésidente du groupe 1 du GIEC a souligné les cobénéfices de l’adaptation et de l’atténuation pour les politiques sociales et de santé publique, mais également le rôle de la communauté scientifique dans les prises de décision à venir des modes de gouvernance et de financement. Une vision partagée par Paul Leadley qui a affirmé que les grands changements transformateurs se feraient en traitant les problèmes environnementaux et sociaux de concert. « Nous avons besoin d’un travail interdisciplinaire. Il est plus facile de faire des transformations en traitant les problèmes de pauvreté, de santé et de biodiversité ensemble. »

« Une ambiance saturée de techno-optimisme »

Ces prises de paroles ont été suivies d’une table ronde sur les enjeux de la durabilité en France et à l’international. Les questions élaborées autour de la justice climatique ont été soulevées. « Les inégalités sociales et environnementales sont au centre de l’atténuation et de l’adaptation du dérèglement climatique », a indiqué Nathalie Blanc, du laboratoire Dynamiques sociales et recomposition des espaces (LADYSS7 ) rappelant que la capacité à changer de véhicule pour un véhicule moins polluant n’est pas la même selon les classes sociales. Xavier Capet du Laboratoire d'Océanographie et du Climat8  a quant à lui rappelé l’importance de la notion d’humilité dénonçant une « ambiance saturée de techno-optimisme » et de « fantasmes » sur les capacités de la science à offrir des réponses aux défis à venir. « Peut-on produire de la science pour la durabilité sans être soi-même immergé dans la durabilité ? », a-t-il interrogé, mettant en garde contre une recherche qui manquerait de sobriété et donc de pertinence.

La nécessité d’un changement de paradigme

La réunion plénière de l’Assemblée de Future Earth, consacrée à la présentation des principaux travaux récents et en cours, a rythmé la seconde partie de journée. Unai Pascual, chercheur au Basque Center for Climate Change (Espagne) et membre de IPBES a rappelé les interconnections entre société, biodiversité et climat et l’importance d’un « changement de paradigme » dans la priorisation des valeurs dirigeant les choix économiques et politiques - aujourd’hui toujours basés sur des valeurs de marché. Pour Valérie Masson-Delmotte, l’un des plus grands défis de Future Earth est d’accompagner le développement d’outils pour répondre aux grands enjeux, soulignant le besoin d’impliquer des jeunes chercheurs du monde entier.

Une communauté Future Earth mondiale

Lynne Shannon, coprésidente du programme international de recherches interdisciplinaires sur la biodiversité et les écosystèmes, bioDISCOVERY, membre du comité de pilotage scientifique du projet de recherche international sur la durabilité des océans dans un contexte de changement global, IMBeR9  et chercheuse au Marine Research Institute de l’université de Cape Town (Afrique du Sud) a proposé un état des lieux des recherches en sciences marines menées par les différents réseaux et programmes liés à Future Earth, tous indiquant que seul des objectifs forts – avec par exemple une conservation à 90 % des écosystèmes actuels - permettraient de maintenir un océan en bonne santé et acteur de la durabilité.

Autre chercheuse, Kristie Ebi, coprésidente de l’Assemblée de Future Earth, coprésidente du réseau Health Knowledge-Action de Future Earth et professeure au Center for Health and the Global Environment de l’Université de Washington a pour sa part parlé de santé expliquant que plus d’une centaine de défis de santé sont liés au dérèglement climatique avec par exemple les maladie liées à la pollution de l’air, de l’eau ou des sols, ou encore la mortalité causée par les évènements météorologiques extrêmes.

Shuaib Lwasa, membre du comité de pilotage du réseau Urban Knowledge-Action de Future Earth et directeur du Urban Action Lab de l’Université de Makerere (Uganda), a conclu la journée, avec une présentation sur les transitions urbaines en lien avec la durabilité. « Nous produisons beaucoup de recherches et de recommandations, malheureusement il existe toujours un fossé entre ce qui est souhaitable et ce qui est fait », a-t-il regretté. Future Earth a donc sa route toute tracée : porter haut et fort la voix d’une communauté de recherche mondiale et soudée, pour que ses mots se transforment en actes concrets.

  • 1Le CNFCG représente la communauté des scientifiques français travaillant sur les changements globaux, en prenant en compte le caractère interdisciplinaire dans ce domaine de recherche. Il assure le lien permettant d’articuler les activités nationales avec les programmes de recherche internationaux, en particulier Future Earth.
  • 2Aix-Marseille Université/Avignon Université/CNRS/IRD.
  • 3CNRS/CEA/Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.
  • 4Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat chargé d'évaluer la réalité, les causes et les conséquences du changement climatique en cours.
  • 5CNRS/Institut national des sciences et industries du vivant et de l’environnement/Université Paris-Saclay.
  • 6Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques est un groupe international d'experts sur la biodiversité qui construit des scénarios contre changement climatique.
  • 7CNRS/Université Panthéon-Sorbonne/Université Paris Cité/Université Paris Nanterre/Université Vincennes-Saint-Denis.
  • 8CNRS/IRD/Museum national d’histoire naturelle/Sorbonne Université.
  • 9IMBeR se concentre sur la durabilité des océans dans le contexte du changement global.

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