Le centre AISSAI, au carrefour des sciences et de l'IA

Institutionnel

Comment faire dialoguer l’ensemble des disciplines scientifiques concernées par l’IA ? C’est l’ambition du centre AI for science, science for AI, né en réponse à l’un des six grands défis sociétaux du CNRS.

« Des six défis qu’a inscrits le CNRS dans son Contrat d’objectifs et de performance [COP] 2019-2023, l’intelligence artificielle [IA] émargeait à la fois en tant que défi sociétal et en tant que priorité scientifique sur le numérique », souligne Jalal Fadili, délégué scientifique à l’Institut des sciences de l’information et de leurs interactions et directeur du centre AI for science, science for AI (AISSAI) depuis son lancement en novembre 2021. Cette dernière entité a l’ambition, selon son directeur, de se positionner comme « le fer-de-lance du CNRS sur les défis scientifiques pluridisciplinaires en lien avec l’IA ».

L'IA impacte toutes les disciplines scientifiques

La profusion de programmes scientifiques autour de l’IA s’explique par les bouleversements qu’elle introduit dans tous les domaines, partout sur la planète : santé, innovation et, bien sûr, recherche. Dans cette optique, c’est une priorité pour le CNRS du fait du spectre scientifique unique de l’organisme. Comme le précise Jalal Fadili, « l’IA est devenue un moyen disruptif dans la conduite de la science et l'accélération de découverte scientifique en transformant les méthodes scientifiques, en transcendant les frontières entre disciplines et en faisant émerger de nouvelles approches interdisciplinaires ». Dès lors, au sein de l’établissement, les méthodes de l’IA se déploient aujourd’hui très rapidement dans le contexte des grandes infrastructures de recherche et des plateformes expérimentales nationales et internationales que le CNRS porte ou auxquelles il contribue. Et ce, dans toutes les disciplines, aussi bien en biologie – avec la plateforme Flagship Human Brain –, en physique des hautes énergies – à l’instar du Large Hadron Collider – que dans l’étude de la biodiversité – témoin le Pôle National de Données de Biodiversité. AISSAI s’inscrit ainsi dans ce paysage scientifique très diversifié, avec pour particularité de faire dialoguer toutes les disciplines scientifiques autour de l’IA.

Pour ce faire, le centre AISSAI, jusqu’ici sans murs, recourt à plusieurs modalités d’action pour mettre en relation des scientifiques issus de domaines éloignés : lancement de programmes thématiques interdisciplinaires de trois à quatre mois – IA et physique statistique l’an passé, Causalité cette année ou encore IA et humanités numériques et IA et physique des particules en 2024 –, mise en place d’un programme de fellows1 avec un appel international afin, pour reprendre les termes de son directeur, de « semer les graines de collaborations scientifiques » à venir après leur venue dans des laboratoires français, accueil d’équipes pluridisciplinaires, organisation de hackathons et de challenges autour des données scientifiques, ou encore actions de médiation auprès du grand public.

Après plus d’un an d’existence, l’importance du centre est désormais reconnue, tant à l’échelle nationale qu’internationale. En France, « AISSAI étant une structure CNRS », précise Jalal Fadili, « il a été naturellement co-construit avec des représentants des 10 instituts du CNRS, eux-mêmes tous issus d'unités mixtes de recherche », de sorte que le centre dialogue avec l’ensemble des acteurs scientifiques impliqués dans la recherche sur l’IA. À l’étranger, le centre, qui dispose d’un comité scientifique international de très haut niveau, a notamment suscité l'intérêt du centre IVADO au Québec2 , lui-même lauréat d’un projet au concours du Fonds d’excellence en recherche Apogée du Canada3 auquel AISSAI a été associé. Ce rapprochement a débouché, au terme d’une visite au CNRS du directeur du centre IVADO en mai 2023, sur une feuille de route établissant un programme de coopération sur plusieurs années.

Un positionnement scientifique original

Cette proximité entre les deux centres s’explique en partie par leur positionnement scientifique original. Dans un secteur très concurrentiel, où États et institutions scientifiques rivalisent pour mettre en place des budgets colossaux, le CNRS a choisi un secteur jusqu’alors moins considéré : le dialogue entre disciplines scientifiques autour de l’IA. Jalal Fadili explicite très clairement l’ambition d’AISSAI : « Nous ne sommes ni un organisme de recherche ni une université. Nous voulons ramener les gens pour qu’ils se parlent entre eux et promouvoir des échanges scientifiques internationaux au plus haut niveau entre IA et sciences ».

Pour atteindre cet objectif, le directeur du centre a en tête un modèle qui existe depuis près d’un siècle : l’institut Henri-Poincaré4 , une unité d’appui et de recherche (UAR) reconnue depuis sa naissance en 1928 dans la communauté internationale des mathématiques pour la qualité de son animation scientifique. À l’instar de l’IHP, AISSAI deviendra une UAR au 1er janvier 2024, avec un double rattachement INS2I/INSMI, dotée d’un budget et de personnels propres.

Comme le note Jalal Fadili, l’étude de la relation entre l’IA et les autres disciplines scientifiques tend à monter en puissance au niveau mondial depuis que le CNRS l’a inscrit dans son COP en 2019. Mais, grâce à son inscription au sein du CNRS, le centre a la particularité de bénéficier d’une vision panoramique des sciences et de toucher ainsi des disciplines auxquelles les scientifiques qui travaillent sur l’IA ne pensent pas de prime abord. Face à la concurrence internationale, le directeur d’AISSAI insiste pour mettre à profit le caractère pluridisciplinaire du CNRS : « Il est temps d’accélérer et de changer d’échelle si l’on veut atteindre notre ambition d’IHP de l’IA ».

  • 1Cet appel invite les chercheurs, en particulier les chercheurs d'institutions académiques étrangères, à soumettre des projets de recherche individuels à réaliser lors d’un séjour de 12 ou 24 mois dans un laboratoire du CNRS et dans le cadre du centre national AISSAI.
  • 2Consortium de recherche, de formation et de mobilisation des connaissances en intelligence artificielle, IVADO engendre, stimule et appuie les initiatives en intelligence artificielle (IA), en mettant en interaction la communauté de recherche, les organisations et les institutions.
  • 3Le Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada (le fonds Apogée) cherche à renforcer les points forts existants d’établissements d’enseignement postsecondaire canadiens afin qu’ils puissent se distinguer à l’échelle internationale dans des domaines de recherche qui génèrent des avantages sociaux et économiques à long terme pour le Canada. Au moyen d’un processus d’évaluation par les pairs hautement concurrentiel, le fonds Apogée investit environ 200 millions de dollars par année pour aider des établissements d’enseignement postsecondaire canadiens à transformer leurs principales forces en compétences de calibre mondial.
  • 4IHP, CNRS/Sorbonne Université

Les six défis du COP

Le CNRS a inscrit dans son COP 2019-2023 six défis auxquels nous faisons face dès aujourd’hui et que l’organisme souhaite éclairer de manière déterminante dans les prochaines années, via une mobilisation coordonnée de ses dix instituts. Des défis complexes qui ont été révélés ou sont portés par les sciences, comme le changement climatique et l’intelligence artificielle, ou qui peuvent être éclairés par celles-ci, comme la transition énergétique. Dans un dialogue inter-institut coordonné par la Direction générale déléguée à la science, des groupes de travail dédiés ont identifié les actions et projets déjà menés au sein des laboratoires sur les six défis sociétaux sélectionnés.

Les six défis :

  • Changement climatique
  • Inégalités éducatives
  • Intelligence artificielle
  • Santé et environnement
  • Territoires du futur
  • Transition énergétique