Le CNRS encourage ses scientifiques à ne plus payer pour être publiés

Institutionnel

Dans le cadre de la politique de science ouverte du CNRS, les articles scientifiques doivent être disponibles en libre accès. Le CNRS encourage ses chercheurs et ses chercheuses à se tourner vers les modèles de publication gratuits à la fois pour les auteurs et les lecteurs. Directeur général délégué à la science, Alain Schuhl détaille ces recommandations.

Le libre accès exigé par la politique de science ouverte du CNRS peut-il engendrer des frais pour les laboratoires ?

Alain Schuhl : Certaines revues proposent de payer des frais de publication (ou APC pour « Article Processing Charges ») pour mettre un article en accès libre dans une revue dite « hybride », c’est-à-dire déjà financée par les abonnements (système auteur-payeur). Même si un contrat de recherche, par exemple issu de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou de l’Europe, permet parfois d’utiliser le financement pour payer des APC, le CNRS demande instamment à ses chercheurs et à ses chercheuses de ne surtout pas payer pour publier un article dans une de ces revues. Ce serait payer deux fois. La solution recommandée et gratuite pour l’auteur est de déposer son manuscrit dans les archives ouvertes. Il est donc possible de publier en accès ouvert gratuitement dans les revues hybrides.

En quoi le système auteur-payeur n’est-il pas vertueux ?

A. S. : Que la revue soit « hybride » ou en accès ouvert intégral (full open access), ce système a de nombreux défauts. D’abord, il remplace l'inégalité de l’accès aux résultats par l'inégalité dans la capacité à publier. Il peut aussi suggérer que payer suffirait pour être publié, ce qui potentiellement contribue à décrédibiliser la recherche. Et pour celles et ceux qui disposent des moyens, il favorise la publication inutile. D’autre part, il nourrit le développement d’une édition scientifique dite « prédatrice » multipliant les revues douteuses voire frauduleuses et jette le discrédit sur la production scientifique en général. Enfin, il participe à l’inflation des coûts : les montants d’APC décorrélés du coût du service rendu par l’éditeur ne cessent d’augmenter, année après année, chez la plupart des éditeurs, en particulier ceux qui sont réputés « prestigieux » et ceux qui ont pour objectif principal de faire des profits. En conclusion, il n’y a pas de raison de payer des APC, que l’on pourrait aussi nommer « article prestige charges », pour être publié.

Qu’en est-il des articles déposés dans des revues sous abonnement (système du lecteur payeur) ?

A. S. : Le CNRS demande à celles et ceux qui publient dans une revue sous abonnement de déposer dès sa parution le manuscrit auteur accepté (MAA) dans l’archive ouverte HAL, ce que de nombreuses revues permettent.

Si la revue ne l’autorise pas, il est possible d’utiliser les leviers fournis par la Loi pour une République numérique, qui permet de déposer le MAA sur une archive ouverte avec un éventuel embargo ne dépassant pas 6 mois en sciences, techniques et médecine (STM), ou 12 mois en sciences humaines et sociales. HAL permet une telle option d’embargo et l’accès devient automatique une fois la durée de l’embargo écoulée.

Un guide sur l’application de la stratégie de non-cession des droits (Rights Retention Strategy) sera mis en ligne prochainement par le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. L’application de cette stratégie permet de publier le MAA sans embargo sur une archive ouverte, ce qui sera d’ailleurs obligatoire pour les projets financés par l’ANR ou Horizon Europe. Le CNRS recommande l’application de cette stratégie.

Quel modèle le CNRS conseille-t-il à ses chercheurs et ses chercheuses ?

A. S. : Il est possible de publier dans une des nombreuses revues en accès ouvert qui n’exigent pas de frais de publication. Ce modèle dit « diamant », financé par des subventions académiques, permet aux chercheurs et aux chercheuses de diffuser leurs travaux en accès ouvert sans payer de frais de publication et d’y lire les articles gratuitement. L’ANR, Science Europe1 , l’infrastructure de recherche OPERAS et la « cOAlition S »2  ont d’ailleurs publié ce 2 mars 2022 le plan d’action d’accès ouvert « diamant » annoncé lors des Journées européennes de la science ouverte (OSEC). Le CNRS recommande cette voie depuis longtemps, afin de diversifier les voies de publications en accès ouvert, et est l’un des premiers signataires de ce plan. 100 % des articles du CNRS en accès ouvert sans frais supplémentaire pour les scientifiques, c'est possible !

En savoir plus : https://www.science-ouverte.cnrs.fr/ - Plan données de la recherche du CNRS - Feuille de route pour la science ouverte du CNRS

  • 1Créé en 2011, Science Europe est une association rassemblant les principales organisations de recherche et de financement de la recherche. Elle compte 38 membres issus de 29 pays européens.
  • 2La cOAlition S est un consortium européen d'agences et d'organisations de financement de la recherche, qui vise à accélérer la transition vers un accès libre et immédiat aux résultats de la recherche scientifique.

L’évaluation s’adapte aussi

La réforme de l’évaluation des chercheurs et chercheuses s’attache à donner plus d’importance à la qualité de la recherche qu’à la quantité de publications ou qu’au type ou nom de la revue où sont publiés les résultats. Elle propose aussi de valoriser les multiples aspects du travail des scientifiques : publications mais aussi logiciels, données, actions de médiation scientifique, activités collectives, enseignement, ou envers l’accès ouvert. Lors des évaluations, il n’est ainsi plus demandé la liste exhaustive des productions scientifiques et les sections du Comité national ont adopté des principes d’évaluation conformes à la science ouverte. ​​Avec l’Appel de Paris, la France invite les institutions à rejoindre une coalition d’acteurs de la recherche européenne qui s’engagent à mettre en œuvre ces transformations dans leurs pratiques d’évaluation.