Le CNRS et la simplification : focus sur une politique

Institutionnel

Face à une complexité croissante depuis des années, notamment en matière administrative, quelle est la réponse du CNRS ? Echange avec le directeur général délégué aux ressources du CNRS, Christophe Coudroy.

La simplification est-elle un sujet important au CNRS ?

Christophe Coudroy : Oui. C’est même un enjeu majeur depuis plusieurs années. D’abord car l’organisation même de l’ESR conduit les laboratoires à réunir en leur sein les règles et outils propres à chacune de leurs tutelles. Ensuite car la réglementation transversale de l’Etat, qui s’impose au CNRS, a tendance à se complexifier et elle n’est pas nécessairement adaptée aux spécificités de la recherche, insérée dans une compétition à l’international. Enfin, comme le marché du travail public comme privé est tendu, notamment dans les fonctions support, les départs et arrivées plus fréquents dans les services obligent les agents à plus d’efforts de formation, qui s’ajoutent à une charge de travail déjà lourde.

Peut-on agir sur cette charge de travail ?

C.C. : Depuis plus de dix ans, le CNRS s’est fixé comme règle la stabilité du taux de fonctions support. Ce principe, validé par les ministères de tutelle, garantit que, si les effectifs baissent, la charge administrative des scientifiques n’augmentera pas pour cette raison, et réciproquement pour les fonctions support. Précisons qu’à 12,8%, ce taux est comparable à celui du secteur privé. Dans ce cadre, pour agir sur la charge de travail, il faut commencer par pourvoir les postes vacants et ce n’est pas toujours facile, notamment en Ile-de-France. Dans ce but, le CNRS s’est doté à l’automne dernier d’un plan attractivité, ainsi que d’un plan d’amélioration des conditions de travail. Attirer et fidéliser sont des priorités. Au plan salarial, les mesures salariales associées à la loi de programmation de la recherche (LPR) sont particulièrement bienvenues.

Que peut faire le CNRS pour simplifier les choses ?

C.C. : Nous savons que les scientifiques, comme les agents des fonctions support, ont de fortes attentes en matière de simplifications et elles sont parfaitement légitimes. Pour y répondre, il faut bien distinguer ce qui dépend du CNRS et ce qui ne dépend pas de lui.

Pour ce qui ne dépend pas de lui, le CNRS ne reste pas inactif. Il intervient très régulièrement auprès des structures décisionnaires (ministères, Commission européenne, etc), souvent en lien avec les autres organismes de recherche. L’établissement est parfois sollicité en amont des évolutions ; il doit parfois réagir après. Certains arbitrages lui sont favorables, d’autres non. Autant que possible, dans le respect du droit, le CNRS fait preuve de créativité pour trouver des solutions, préserver l’activité scientifique et limiter la complexification. Par exemple, quand le décret Gestion budgétaire et comptable publique (GBCP)1  a modifié les règles des finances publiques, son application directe aux laboratoires les aurait empêché d’engager des achats ou des recrutements à partir des ressources contractuelles avant qu’elles aient été encaissées. Il en aurait résulté potentiellement plusieurs mois de délai. Le CNRS a fait valider alors par ses tutelles un mécanisme d’« autorisations globales de dépenses » au niveau des laboratoires, leur permettant de continuer à engager les crédits dès que le contrat est signé.

Et pour ce qui dépend du CNRS ?

C.C. : Dans un contexte où les marges de manœuvre sont contraintes, l’établissement agit principalement dans deux directions.

D’abord en partant du terrain, avec une démarche d’amélioration continue (DAC)2 , pour des améliorations très concrètes dans des domaines très variés. Ce contact avec le terrain est fondamental pour agir efficacement. Hormis bien sûr le rôle des syndicats, celui des directeurs d’unité est essentiel, comme celui des délégations régionales, qui ont d’ailleurs toutes mis en place des visites croisées avec les laboratoires. Des réunions sont également organisées chaque semaine entre le siège et les délégations régionales. Enfin, les directeurs du siège vont régulièrement en région et je termine moi-même mon huitième « tour de France ». Tous ces échanges permettent d’identifier des difficultés et de vérifier si les actions engagées portent leurs fruits, pour les ajuster le cas échéant.

Le deuxième axe consiste dans l’automatisation et la dématérialisation des processus de gestion, pour dégager du temps. C’est un travail de longue haleine car il consiste précisément à intégrer la complexité dans les systèmes d’information pour faciliter les tâches des agents. Tous les domaines des fonctions support sont concernés.

Quels résultats sont attendus en 2023 ?

C.C. La signature électronique est disponible mais pas encore intégrée dans les processus de gestion les plus courants. En 2023, nous visons la dématérialisation de bout en bout des processus RH, mais aussi de rendre possible celle des bons de commande et de simplifier la gestion des encaissements contractuels dans les DR.

Dans le cadre du projet « user first », pour lequel le CNRS a obtenu un financement du Fonds de transformation de l’action publique, des cahiers de laboratoire électroniques devraient également être mis à disposition en 2023, ainsi qu’un cloud et un outil de travail collaboratif, tous deux sécurisés. Ces réalisations compléteront celles déployées en 2022 pour les laboratoires : le « portail directeur d’unité », le « portail data », un module d’aide au montage de projets ANR et européens, l’interface chercheur dans Webcontrat.

Surtout, nous espérons connecter Etamine missions et le marché missions ESR pour offrir un outil complètement intégré depuis la décision de partir jusqu’à la liquidation de l’état de frais, sans double saisie, que les crédits soient consommés dans GESLAB ou SIFAC. La gestion des missions est très chronophage dans les laboratoires et nous espérons la simplifier significativement.

Comment le CNRS s’articule-t-il avec ses partenaires académiques pour simplifier le quotidien des laboratoires ?

C.C. Le marché missions a été passé avec l’AMUE et est ouvert à tous les partenaires qui le souhaitent. Au-delà de cet exemple, le CNRS met ses outils à disposition de ceux qui sont intéressés. Ainsi, l’INSERM a adopté DIALOG en septembre dernier pour le dialogue de gestion de tous ses laboratoires, même sans co-tutelle CNRS, et plusieurs établissements vont suivre l’INSERM. Pour les contrats de recherche, hormis la politique de mandataire unique, PCRU est un outil de mise en commun entre tutelles qui connaît un succès croissant. De manière générale, comme le CNRS a acquis le statut de centrale d’achat, ses partenaires peuvent profiter des marchés avec ce label. A chaque fois que les outils ou les prestataires sont communs, les laboratoires sont gagnants. C’est notre objectif.

  • 1Le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique est un texte établi par le décret nᵒ 2012-1246 du 7 novembre 2012, qui décrit les procédures de gestion des deniers publics et des deniers privés réglementés dans l'administration française.
  • 2Démarche d’amélioration continue. La DAC, vise à améliorer l’action de l’administration du CNRS et maintenir la qualité de service aux unités, harmoniser et simplifier les processus et faire évoluer l’organisation tout en optimisant les ressources.