Le patrimoine au cœur des enjeux européens

Institutionnel

La Fondation des sciences du patrimoine organise les 15 et 16 mars le colloque ‘Un patrimoine pour l’avenir, une science pour le patrimoine’. Développement durable, numérique et résilience feront partie des enjeux abordés.

« Les sciences du patrimoine recouvrent de nombreux enjeux allant de la résilience d’une société, à la gestion de ce patrimoine, jusqu’à sa préservation face au changement climatique », présente Isabelle Pallot-Frossard, conservateur général du patrimoine et présidente de la Fondation des Sciences du Patrimoine (FSP). C’est dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, que la FSP organise les 15 et 16 mars, avec la Commission européenne et en partenariat avec le ministère de la Culture, le CNRS et les universités de Paris-Saclay et Cergy Paris, un colloque sur les sciences du patrimoine en Europe, au Musée du Louvre et à la Bibliothèque national de France (BnF) qui sera également retransmis en ligne. L’occasion pour une centaine d’intervenants invités et ceux qui ont été sélectionnés dans le cadre de l’appel à communications international lancé à l’automne 2021, de retracer l’histoire des sciences du patrimoine et de présenter les avancées en termes de recherche.

« Pour le CNRS, ce colloque constitue une opportunité majeure pour souligner la dimension interdisciplinaire des sciences du patrimoine qui, en son sein réunissent en particulier les sciences de la chimie, celles de l’environnement, les sciences humaines et sociales, et pour l’instrumentation de pointe, la physique ; pour mettre en avant des démarches innovantes, par exemple dans le domaine des arts visuels ou la constitution d’un patrimoine numérique ouvert, toujours en prise avec les grands enjeux de notre époque (inclusion, changement climatique, etc.) et de plus en plus inscrite dans des pratiques impliquant divers acteurs de la société et des institutions publiques. N’oublions pas non plus que la science et la démarche scientifique elles-mêmes sont partie prenantes du patrimoine de notre société ! », souligne Marie Gaille, directrice de l'Institut des sciences humaines et sociales du CNRS. 

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Séchage d'échantillons d'éléments métalliques provenant du chantier de Notre-Dame de Paris. 
© Cyril FRESILLON / IRAMAT / NIMBE / ArScAn / CEA / Chantier Scientifique Notre-Dame de Paris / Ministère de la culture / CNRS

Une communauté en évolution

« La notion de patrimoine culturel a des racines très lointaines. Objet d’attachement, d’admiration, de reconnaissance, de ciment d’identités, mais aussi de volontés de destruction, otage des conflits politiques et des controverses idéologiques, le patrimoine est aussi, depuis plus de deux siècles, sujet de recherche », explique Isabelle Pallot-Frossard. Cette « archive souvent muette des sociétés », représente des cultures et des technologies du passé qui doivent être décodées, préservées et valorisées, le tout par les disciplines des sciences humaines et sociales, des sciences expérimentales, et dorénavant des sciences du numérique et de l’ingénierie. « Les sciences du patrimoine désignent aujourd’hui un champ scientifique vaste et interdisciplinaire, qui contribue à l’identification, à la compréhension, à la conservation et à la transmission du patrimoine, qu’il soit matériel, immatériel, naturel ou numérique ».

Les sciences du patrimoine au sein des grandes initiatives européennes
Aujourd’hui, la communauté des sciences du patrimoine regroupe plusieurs milliers de chercheuses et de chercheurs en France et à travers l’Europe. Cette thématique s’est imposée au sein de l’écosystème scientifique européen, rassemblant scientifiques, professionnels du patrimoine, ONG et associations. Les sciences du patrimoine s’articulent dorénavant au sein des grandes initiatives européennes telles que le Pacte vert pour l’Europe, qui vise la neutralité carbone du continent, la stratégie numérique de l’Europe, les actions en direction des industries culturelles et créatives et le Nouveau Bauhaus européen1 . « Cette manifestation se veut le reflet de cette évolution majeure qui a pour ambition d’aboutir dans les prochaines années à la formation d’un Partenariat au sein du programme-cadre pour la recherche et l’innovation de l’Union Européenne, Horizon Europe2 . »

Parmi les projets de recherche européen qui seront représentés lors du colloque, le projet HERACLES, porté par 16 organismes de 7 pays, pour concevoir et promouvoir des solutions qui permettront une meilleure résilience du patrimoine face aux effets du changement climatique au travers par exemple de la modélisation ; le projet ODEUROPA qui – en appliquant l’IA à des corpus de textes et d’images du patrimoine culturel couvrant 4 siècles d’histoire européenne – identifiera et retracera comment ‘l’odeur’ était perçue et exprimée ; ou encore le projet SCORE pour des solutions vertes de restauration et de réhabilitation au travers du développement de matériaux basés sur l’économie circulaire.

Quatre grandes thématiques
Articulé autour de quatre grandes thématiques - un patrimoine réflexif pour une société́ résiliente ; une gestion pérenne du patrimoine culturel ; le patrimoine culturel dans un contexte changeant ; le patrimoine face au changement climatique et environnemental -, le colloque mettra en lumière le rôle central des sciences du patrimoine pour répondre aux grands enjeux contemporains. « Nous aborderons les questions de changement climatique en lien avec le patrimoine - aussi bien concernant son altération, que comme source de préservation du climat ; ou encore les questions d’accumulation de connaissances grâce aux bases de données et au numérique pour une meilleure transmission et valorisation à long terme, et bien sûr on devra évoquer en cette période de crise la question de la reconstruction et du maintien du patrimoine dans les zones en conflit », indique Isabelle Pallot-Frossard.

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Utilisation d’un colorimètre sur une tapisserie du 18e siècle. © Cyril FRESILLON / IRAMAT-CRP2A / CNRS Photothèque

Comment isoler un bâtiment du 17e siècle ?

Le colloque sera aussi l’occasion de présenter les dernières avancées de la recherche dans ce domaine. Au programme, notamment une table ronde sur la gestion du patrimoine et la mise en œuvre de nouveaux matériaux. « Si l’on souhaite transmettre le patrimoine aux générations futures, il faut développer des méthodes de conservation qui protègent au maximum l’intégrité des œuvres », explique-t-elle. Ou encore une table ronde sur l’adaptation du patrimoine culturel au changement climatique, un discours novateur. « Souvent, on va penser de manière manichéenne que les nouvelles normes environnementales ne vont pas de pair avec le patrimoine ancien. Comment isoler un bâtiment du 17e siècle par exemple ? Pour autant, la conférence va montrer que plusieurs solutions s’offrent à nous notamment grâce à une analyse plus pointue de ces bâtiments. » Le défi du numérique sera également à l’ordre du jour avec notamment la modélisation et le développement d’outils complexes. « Nous n’avons pas poussé jusqu’au bout toutes les logiques que les évolutions du numérique permettent en termes de fouilles de données par exemple ou de modélisation prédictive. On a peu utilisé les données accumulées pour se projeter vers l’avenir. Il y a matière à faire plus de prévisionnel en s’appuyant sur l’existant. Le projet d’EquipEx + ESPADON3 , porté par la Fondation des sciences du patrimoine s’inscrit dans ces objectifs », conclut Isabelle Pallot-Frossard.

Pour en savoir plus

  • 1Le New European Bauhaus est une initiative créative et interdisciplinaire qui relie le Green Deal européen aux espaces de vie pour construire un futur plus inclusif et durable.
  • 2Les partenariats prévus dans le programme-cadre Horizon Europe sont des initiatives où l'U.E. et les états membres s'engagent avec des acteurs privés et publics à soutenir conjointement le développement et la mise en œuvre d'un programme d'activités de recherche et d'innovation.
  • 3"En Sciences du Patrimoine, l’Analyse Dynamique des Objets anciens et Numériques".