Nomination d’un référent intégrité scientifique au CNRS

CNRS

Après la nomination d’un référent déontologue fin 2018, le CNRS met en place une fonction spécifiquement dédiée à l’intégrité scientifique. Rémy Mosseri, nommé référent intégrité scientifique du CNRS, revient sur ce nouveau poste et ses enjeux.

Qu’est-ce que l’intégrité scientifique ? Pourquoi le CNRS a-t-il fait le choix de créer la nouvelle fonction de référent intégrité scientifique ?

L’intégrité scientifique renvoie aux différentes règles qui gouvernent la pratique de la recherche. Lorsqu’il y a manquement à ces règles, on parle d’une méconduite scientifique. Il en existe trois grands types : la fabrication de résultats, la falsification et le plagiat, ce dernier pouvant se décliner différemment selon les disciplines. Il existe par ailleurs ce que l’on appelle une « zone grise » qui comprend un spectre assez large de méconduites à degré de gravité différent comme, par exemple, des mauvaises pratiques concernant les publications ou bien encore la dissimulation de liens d’intérêts lors d’expertises. L’intégrité scientifique est une nécessité absolue au regard de la notion de confiance : confiance entre scientifiques, pour faire progresser la connaissance, mais aussi celle du grand public. La société doit avoir confiance dans le travail de chercheurs, condition pour le succès d’approches rationnelles sur des questions sociétales. L’ensemble des opérateurs de la recherche, et non pas uniquement le CNRS, se donnent aujourd’hui les moyens de traiter ces questions de méconduites de façon coordonnée et transparente. Il existe ainsi plus de 80 référents intégrité scientifique en France. J’ai moi-même été nommé le 1er août 2018 en tant que référent intégrité scientifique du CNRS.

Quelle sera votre rôle en tant que référent intégrité scientifique du CNRS ?

Mon premier rôle est de recevoir les allégations de méconduites scientifiques, de les traiter, d’évaluer la réalité de la méconduite par une enquête et le cas échéant de la qualifier plus précisément. Tous les personnels travaillant dans des entités CNRS, mais également les personnes extérieures au CNRS, peuvent adresser des allégations. Il faut noter par ailleurs que je peux également jouer un rôle de conseil avant d’enclencher toute procédure. Je suis principalement en charge d’un cas à traiter si la personne lésée ou la personne accusée est agent CNRS. Si des personnes extérieures au CNRS sont impliquées dans la plainte, une enquête mixte sera organisée avec d’autres référents intégrité scientifique.

Le deuxième volet de ma mission relève de la prévention et de la formation, pour promouvoir au CNRS une culture commune de l’intégrité scientifique. Cela passe par exemple par des interventions auprès des directeurs d’unités ou des entrants. Nous allons également, avec le référent déontologue, Joël Moret-Bailly, et la Direction des ressources humaines, réfléchir ensemble au contenu à donner à des actions de formation permanente à l’intégrité scientifique.

 

Quelles vont être vos premières actions ? Comment se déroulera votre mission ?

En 2018, le président-directeur général du CNRS, Antoine Petit, a commandé un premier rapport à un groupe animé par Olivier Le Gall, président du conseil de l’intégrité scientifique de l’Office français de l’intégrité scientifique (OFIS), pour préfigurer la mission du référent intégrité scientifique au CNRS. Sur cette base j’ai construit mon plan d’action, qui intègre des spécificités au regard de la taille, de l’implantation géographique et du très large spectre disciplinaire de l’établissement.

Je vais ainsi mettre en place un « bureau de l’intégrité scientifique » de cinq personnes comprenant un chargé des questions de formation et quatre autres personnes en charge, avec moi, du traitement des allégations - chacune apportant sa connaissance de champs disciplinaires distincts : ainsi, au-delà de mes propres connaissances, par nature limitées,  les Sciences humaines et sociales, la Biologie, les Sciences de l’observation de la nature et de la biosphère, les Sciences de l’information et de l’ingénierie seront ainsi représentées. En tant que référent intégrité scientifique, je serai le point d’entrée unique des allégations. Aucune allégation anonyme ne sera acceptée ; en contrepartie, nous garantirons la confidentialité à chacun (cette dernière s’appliquant jusqu’au président-directeur général du CNRS). Toute personne accusée sera rapidement informée et assurée de la présomption d’innocence pendant toute la durée de l’enquête. Les enquêtes se feront le plus souvent avec l’aide d’experts, issus du monde académique, qui travailleront de façon individuelle ou collective, et dont nous garantirons la confidentialité. Si le cas le rend nécessaire, l’enquête sera organisée de façon « externe », ce qui signifie qu’alors elle ne comportera pas d’experts agents du CNRS. 

Les enquêtes ont pour but de confirmer ou infirmer un manquement à l’intégrité scientifique, et se concluent par un rapport à destination du président-directeur général du CNRS qui décidera, le cas échéant, des éventuelles procédures disciplinaires à enclencher. Si la conclusion est qu’il n’y a pas eu méconduite, le CNRS prendra ses responsabilités en le faisant savoir par courrier à l’agent, ce qui pourra être lui être utile s’il est l’objet de rumeurs infondées.  

Rémy Mosseri

Directeur de recherche au CNRS, Rémy Mosseri est spécialiste de la physique théorique de la matière condensée, en particulier des matériaux désordonnés et quasicristallins, et du traitement quantique de l’information. Entré au CNRS en 1980, il a par ailleurs enseigné à l’École polytechnique de 1996 à 2008, puis de 2014 à 2015 et est depuis 2016 professeur invité de l’université de Xiangtan (Chine). Intéressé aux questions relatives à l’évaluation de la recherche, il est nommé en 2012 au comité de pilotage des assises nationale de l’enseignement supérieur de la recherche. En 2015, il devient membre du Collège du haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Lauréat du prix « Paul Langevin » de la Société française de physique en 1992, auteur de plus de 130 publications et co-éditeur de quatre ouvrages dans la collection À découvert de CNRS éditions, sur le climat, l'énergie, l'eau et les big datas, il est depuis 2016 membre du comité d’éthique du CNRS.

Le référent intégrité scientifique peut être contacté via l’adresse mail : remy.mosseri@cnrs.fr