PhD Joint Programs, la science en réseaux

Institutionnel

Avec 107 bourses doctorales financées par le CNRS depuis leur lancement en 2019, les PhD Joint Programs offrent la possibilité aux doctorants de réaliser leur thèse avec une équipe de recherche étrangère et permettent au CNRS de renforcer ses coopérations avec des partenaires internationaux prestigieux.

Avec ses PhD Joint Programs, le CNRS souhaitait accroître sa position dans le paysage international de la recherche. Et c’est chose faite. En 2023, cinq partenaires académiques seront au cœur de ce dispositif : les universités de Tokyo, de Toronto, de Chicago, d’Arizona et l’Imperial College London (accéder aux appels à projets ouverts). Le CNRS financera 5 bourses de doctorat avec chacun de ces cinq partenaires - qui eux-mêmes en financeront le même nombre – soit 50 bourses au total.

« Cette année, nous avons proposé un calendrier unifié et anticipé des PhD Joint Programs avec un dépôt des candidatures des responsables de projets de recherche de septembre à octobre pour une annonce des projets lauréats en janvier », explique Christelle Roy, directrice Europe de la recherche et coopération internationale au CNRS. Un nouveau calendrier qui permettra d’adresser notamment les meilleurs étudiants de Master 2 qui commencent très tôt à solliciter les laboratoires pour leur thèse. Depuis leur création en 2019, le CNRS a octroyé un financement à 107 projets dans le cadre de 20 programmes soit au total plus de 200 bourses de thèses allouées par le CNRS et ses partenaires internationaux. Et c’est le CNRS, à l’origine de ce programme, qui démarche ses partenaires pour mettre en place ces PhD Joint Programs.

Des projets de recherche interdisciplinaires

Le programme est « bien rodé », avec un directeur de thèse côté CNRS, et côté université partenaire. Ces derniers déposent une demande de financement de deux doctorats conjoints (Joint PhD) en vue de la réalisation d’un projet de recherche sur 3 ans. « Une fois le programme lancé, nous communiquons auprès de nos laboratoires qui se rapprochent de leurs partenaires internationaux. Après la fin du dépôt des candidatures le 2 novembre, les instituts feront une première évaluation des projets couvrant leur périmètre, puis le comité de sélection réuni autour du directeur général délégué à la science du CNRS sélectionnera les dossiers, qui feront l’objet d’une concertation avec le partenaire pour déterminer conjointement les lauréats », indique Christelle Roy. Avant le lancement de chaque campagne, les partenaires se mettent d’accord sur des programmes ouverts ou à fléchage thématique. Par exemple, dans le cadre de l’université de Tokyo, les domaines de recherche tels que les mathématiques, la géologie, la sismologie, la transition énergétique, les humanités digitales ou encore la diversité et l’inclusion ont été retenus, mais également les projets de recherche en lien avec les thématiques des quatre International Research Laboratories (IRL1 ) du CNRS avec l’Université de Tokyo2 .

Tokyo
L'Université de Tokyo en est à son deuxième programme de doctorats conjoints avec le CNRS. © The University of Tokyo 

Un partenariat équilibré

Chaque organisme apporte au doctorant ou à la doctorante un budget additionnel de 5 000 euros par an pour faciliter les échanges entre les deux équipes et donc les mobilités. « J’aime particulièrement cette idée d’équilibre. Le CNRS finance un doctorant et l’université étrangère fait de même. C’est une bonne manière de rationaliser la recherche et rendre la relation la plus saine possible entre les deux partenaires », souligne Laurent Bruxelles, géoarchéologue3  au laboratoire Travaux et Recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés4 ), co-directeur de thèse avec Christine Steininger, paléontologue à l’Université du Witwatersrand, de deux doctorants financés par un Joint PhD Program liant le CNRS et cette université sud-africaine depuis 2022.

Même constat à l’autre bout du monde. « Afin de dynamiser les activités de recherche menées à l'Université de Tokyo et diffuser ses résultats dans le monde, la promotion de la recherche conjointe internationale est très importante », informe James Fegan, coordinateur Projets internationaux au sein de la Direction de la promotion de la recherche à l’Université de Tokyo. « Ce programme est très efficace à cet égard »

Afrique du Sud
Laurent Bruxelles est le co-directeur de thèse de deux doctorants financés par un Joint PhD Program liant le CNRS et l'Université du Witwatersrand. © Laurent Bruxelles

Créer un réseau scientifique

Hugo Toudic, qui a fait partie des premiers doctorants ayant participé à un Joint PhD Program a « pleinement investi » son partenariat avec l’Université de Chicago depuis 2019 en réalisant deux missions longues dans cette ville américaine. Son projet, en philosophie, porte sur l’héritage du philosophe et écrivain français Montesquieu au sein des Federalist Papers, qui dessineront la future constitution américaine. Grâce à ce dispositif, il a pu avoir accès à des documents indisponibles en France et rencontrer des acteurs et des collègues spécialistes de son domaine. « Pour moi, c’est l’avenir de la recherche. La science ne se suffit pas à un seul pays et beaucoup de domaines scientifiques demandent de traverser les frontières pour aller à la rencontre d’experts. Le PhD Joint Program a été une chance exceptionnelle. J’ai bénéficié des images de marque du CNRS et de l’Université de Chicago qui m’ont conféré expertise et reconnaissance », affirme-t-il.  

Une idée partagée et accentuée par Laurent Bruxelles : « Par-delà la simple relation bilatérale entre deux organismes de recherche, on élargit le cercle et on crée tout un réseau scientifique qui va au-delà de la simple thèse. A terme, cela peut permettre de structurer la recherche », raconte le directeur de thèse dont les deux doctorants en paléontologie étudient un terrain couvrant plusieurs pays d’Afrique australe. « On relie deux pays, mais on relie également deux continents qui rayonnent ».

Chicago
Hugo Toudic, qui a bénéficié d'un Joint Phd Program avec l'université de Chicago a pu avoir accès à des documents indisponibles en France et rencontrer des acteurs et des collègues spécialistes de son domaine. © Hugo Toudic

Des doctorants en miroir

Les PhD Joint Progams et leur construction en miroir présentent de nombreux avantages pour les doctorants. « C’est un dispositif vraiment stratégique. Il permet aux deux doctorants de collaborer sur de mêmes thématiques. Les deux partageront les mêmes missions sur le terrain et pourront croiser et acquérir des compétences l’un de l’autre », rapporte Laurent Bruxelles. Dans le cas du géoarchéologue et de ses deux doctorants en paléontologie, l’idée est de passer un maximum de temps ensemble dans l’autre pays. Ils devraient passer 3 mois en Afrique du sud et participer à plusieurs missions d’un mois. « C’est une équipe interdisciplinaire que nous avons mis en place pour les accompagner. En France, nous en avons l’habitude, en Afrique pas tellement. C’est cela aussi les PhD Joint Programs : l’ouverture à l’interdisciplinarité. »

Un outil stratégique pour identifier de grands partenaires

Ce dispositif est aussi central aux International Research Center (IRC5 ) du CNRS, comme celui par exemple avec l’Université d’Arizona, qui participe pour la 3e fois à un Joint PhD Program. Mais il sert aussi d’outil d’amorçage vers de nouveaux IRC. C’est par exemple le cas pour l’Université de Tokyo : « Il existe une grande variété de collaborations entre l'Université de Tokyo et le CNRS, les deux institutions souhaitant renforcer la coopération entre les deux organisations. Une lettre d'intention a été signée le 4 octobre pour créer un IRC entre les deux institutions, alors que des discussions sur des formes et des sujets plus spécifiques de collaboration sont menées à travers des groupes de travail préparatoires », indique James Fegan.

« Les PhD Joint Programs nous permettent de donner une forte impulsion aux coopérations avec certaines institutions étrangères prestigieuses avec lesquelles nous souhaitons construire un partenariat privilégié sur le long terme », indique Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS. « Dans un premier temps, nous avons utilisé cet outil avec des partenaires historiques avant aujourd’hui de les concentrer essentiellement sur des établissements avec lesquels nous souhaitons accroitre nos collaborations et identifier un programme de partenariat stratégique », conclut-il.

  • 1Ces outils structurent en un lieu identifié la présence significative et durable de scientifiques d’un nombre limité d’institutions de recherche françaises et étrangères (un seul pays étranger partenaire).
  • 2Le LIMMS (Laboratory for Integrated Micro-Mechatronics Systems) est un IRL entre le CNRS et l'Institut des Sciences Industrielles de l'Université de Tokyo dont les recherches portent sur les systèmes micro et nano électromécanique. Le JFLI (Japanese-French Laboratory for Informatics) est un IRL dont les recherches portent sur l’IA, l’informatique quantique, les réseaux et la cybersécurité et les fondements de l’informatique ; L’ILANCE (International Laboratory for Astrophysics, Neutrino and Cosmology Experiments) est un IRL dont les recherches portent sur la physique des particules élémentaires, la cosmologie, les astroparticules et l’astrophysique. DYNACOMS (Dynamical Control of Materials) est IRL dont les recherches portent sur le développement de nouvelles fonctionnalités des matériaux.
  • 3Spécialiste qui identifie les processus de formation, naturels et anthropiques, des séquences litho-pédo-sédimentaires dans lesquelles s’inscrivent les vestiges archéologiques et paléontologiques.
  • 4CNRS/Ministère de la Culture/Université Toulouse-Jean Jaurès.
  • 5Un IRC est un dispositif institutionnel qui vise à instaurer un dialogue stratégique de haut niveau entre les gouvernances du CNRS et de son partenaire académique pour définir leurs intérêts communs et les collaborations leur permettant d’y répondre ensemble, sous la forme de laboratoires de recherche internationaux (IRL), de projets de recherche (IRP), de réseaux thématiques (IRN), ou d’autres dispositifs existants ou à développer.