Porosity : quand la science rencontre l’art

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Que l’art se nourrisse de la science et que la science se nourrisse de l’art, tel est le projet de Porosity, une plateforme en ligne qui connecte chercheurs et artistes. Alors que le site a ouvert ses portes à la mi-décembre 2018, Léonor Rey, sa fondatrice, revient sur ses objectifs.

L’art s’inspire du monde qui l’entoure et, depuis toujours, la science est présente au sein des plus grandes œuvres artistiques. L’homme de Vitruve de Léonard de Vinci fait le lien entre de nombreuses sciences telles que l’anatomie ou la géométrie que l’artiste italien étudiait. Plus récemment, le très célèbre Damien Hirst se faisait connaitre dans les années 90 en plongeant dans du formol une série d’animaux et en les exhibant dans des aquariums. Citons également les nouvelles technologies qui ont révolutionné le champ artistique de la photographie, de la vidéo en passant par l’installation. « Il y a une juste appréciation de la part du monde artistique du travail scientifique et vice versa. Je pense que ces partenariats permettent à chacun de sortir de son application habituelle, de créer quelque chose de nouveau. Il y a d’ailleurs énormément de créatifs parmi les chercheurs. Dans le fond la démarche d’un artiste et d’un chercheur est assez similaire : on part de rien pour créer quelque chose », explique Léonor Rey.

Léonor Rey est chargée de production dans l’art contemporain et accompagne les artistes dans la production de leurs œuvres, de la conception à la mise en œuvre. Durant sa carrière, elle fait la rencontre de Pierre Huyghe, plasticien français dont l’œuvre se nourrit particulièrement des sciences et nouvelles technologies. Durant deux années, elle met ses compétences au service de l’artiste et est amenée à faire appel à différents corps de recherche scientifique et technologique. De cette expérience, elle tire un premier constat. « La recherche des interlocuteurs scientifiques était très chronophage. Il faut comprendre quel interlocuteur contacter, la spécificité des spécialités et trouver le contact. C’est tout un travail qu’un artiste seul et en dehors du monde scientifique ne peut pas vraiment réaliser. »

Pour autant, elle réalise qu’il y a un vrai intérêt des chercheurs pour la création artistique alors que 90 % de ses demandes reçoivent des réponses positives. Les partenariats science-art s’organisent alors autour de consultations conceptuelles ou encore de supports techniques à la réalisation. Léonor Rey consulte par exemple Jean-Marie Devoisselle, directeur de l’Institut Charles Gerhardt à Montpellier1 dans l’optique de la réalisation d’une série d’aquarium par Pierre Huyghe. « Nous nous posions des questions relatives aux écosystèmes, aux questions organiques. Nous souhaitions faire des tests d’électrolyse sur silex, mais de nombreuses considérations nous dépassaient et le laboratoire était prêt à faire des tests ! »

Suite à ces expériences, Léonor Rey réfléchit à un moyen de favoriser les collaborations entre artistes et chercheurs. Ainsi, dès 2016, elle se lance dans la création de Porosity. La toute récente plateforme web propose aujourd’hui des fonctionnalités aux chercheurs et artistes avec un coût d’entrée gratuit pour la première année et 30 euros annuels par membre par la suite ou 60 euros annuels pour une inscription collective. Un coût qui servira à faire fonctionner la plateforme et ses évènements.

En s’inscrivant à Porosity, l’artiste accède à un moteur de recherche qui le dirige vers un chercheur selon un système de filtres par localisation, domaine, équipement ou encore mot-clé. Le chercheur peut y déposer des petites annonces, sorte d’appels à artiste pour associer un concept ou un travail artistique à ses travaux de recherche. « Porosity permettra de démocratiser la recherche, mais également de montrer qu’il est possible pour deux métiers différents tels que l’artiste et le chercheur de travailler ensemble. Que ceux-là ont des intérêts communs. »

La plateforme fournit également des contenus administratifs tels que des modèles de contrat ou encore des documents relatifs à la propriété intellectuelle. Les chercheurs et artistes inscrits peuvent échanger au sein du forum de la plateforme afin de partager leurs expériences et de proposer un retour sur les projets grâce à la galerie des collaborations qui sera disponible au public afin de valoriser ces derniers. « Nous sommes une association à but non-lucratif. Porosity a vraiment pour vocation d’évoluer selon les retours des utilisateurs pour apporter le meilleur service possible à tous. Nous ambitionnons également à terme d’organiser une table ronde annuelle afin de permettre à tous les membres de se rencontrer. Nous souhaitons vraiment créer une communauté, une grande famille. »

La plateforme aujourd’hui disponible en français ouvrira sa version anglaise pour l’année 2020 afin d’élargir encore plus les frontières de la rencontre art-science.

 

Laurence Stenvot

 

  • 1Université de Montpellier/ENSC de Montpellier/CNRS