Sept conseils au Forum des NIMS

Institutionnel

Organisé le 29 septembre 2021 par le CNRS et la CPU, le Forum des NIMS a rassemblé les acteurs du monde de la médiation scientifique pour discuter des innovations, possibilités et évolutions des métiers, notamment dans une société marquée par la crise sanitaire.

Comment inclure et engager les publics dans une société post-covid ? C’est la question posée cette année par le Forum des NIMS – les nouvelles initiatives de médiation scientifique – rendez-vous annuel organisé par le CNRS et la CPU1  depuis 2016 pour discuter de médiation avec les acteurs du secteur. La crise sanitaire a en effet questionné en profondeur les pratiques en matière de médiation, rendant impossible les actions classiques telles que visites de musées, conférences, expériences et ateliers dans les centres de culture scientifique, visites de laboratoires, etc. Mais de nouveaux formats sont apparus, surtout virtuels, qui ont pu combler un vide auprès de certains publics.

Expositions trop « descendantes », conférences pas assez engagées politiquement, un tout numérique qui ouvre des opportunités mais peut rester excluant et modifie les métiers… L’équilibre est difficile à trouver et les enjeux vertigineux : inclure toutes les catégories de population, rendre accessibles les contenus, tout en engageant les publics et diffusant au plus grand nombre, mais sans reproduire les schémas de culture dominante. Des défis relevés par la dizaine d’intervenants et les 7 stands et démonstrations présents cette année au Centre International de conférences de Sorbonne Université pour cette cinquième édition du Forum des NIMS qui a accueilli plus de 250 professionnels et amateurs du secteur, en plus d’une diffusion en ligne.

Par cet événement, le CNRS a voulu saluer « toutes les actions qui foisonnent, tout le temps passé et toutes les petites pierres posées pour mettre la science au cœur de la société », a déclaré Marie-Hélène Beauvais, directrice de cabinet, lors de son discours d’ouverture au nom d’Antoine Petit, président-directeur général du CNRS. La diffusion de la culture scientifique est une mission « portée par le CNRS à tous les niveaux – professionnels de la médiation scientifique en unités et délégations – et par toutes les actions de la direction de la communication, ainsi que dans les protocoles signés avec les régions ».

Une mission également de l’Université, a précisé Virginie Dupont, vice-présidente de la CPU et présidente de l’Université Bretagne Sud pour qui le Forum a été « un moment de rencontres, de prolongement du travail qui se fait dans les laboratoires mais aussi dans la société civile ».

L’engagement des « passeurs de sciences » est particulièrement reconnu par les médailles de la médiation scientifique du CNRS. La journée s’est ainsi conclue par la première cérémonie de remise de ces médailles à un palmarès qui traduit la diversité de ces actions de médiation scientifique. Une médiation « vivante, créative et dynamique », selon Antoine Petit, qui doit sans cesse se renouveler pour transmettre à la fois les résultats scientifiques et la manière dont les sciences se construisent.

Tour d’horizon de 7 façons de faire présentées au Forum des NIMS cette année :

  • 1Conférence des Présidents d’Université.

Réinventer un musée en éteignant la lumière

Vue d'oeuvres du musée du Louvre éclairées à la torche
© Forum des Nims CNRS-CPU – Musée du Louvre

Cheffe du service ateliers et visites au Musée du Louvre, Nathalie Steffen a partagé l’ensemble des dispositifs mis en place pour transformer le musée, d’une destination touristique pour les étrangers à un lieu de proximité pour les Français et les Franciliens. En accueillant chaque visiteur individuellement aux Nocturnes gratuites du samedi depuis 2019 et en mettant à disposition des bus sur le territoire, le Musée du Louvres voulait faire tomber les barrières économiques, géographiques, symboliques. Deux à trois milles personnes chaque soir ont ainsi pu se réapproprier les lieux, profitant d’activités inédites comme un coin puzzles, des spectacles vivants ou des visites à la lampe torche. Visites mini-découverte de 20 minutes sans inscription, kits d’activités gratuits pour que parents et enfants puissent « se passer des médiateurs », ouverture prochaine d’un nouvel espace de médiation de 1200 m2 qui s’inspire de tout cela… Le rapport au musée s’en trouve simplifié.

Susciter l’émotion pour engager… même les décideurs !

Groupe interviewant une personne sur bord de mer
© ePOP

Avec les petites ondes participatives (projet ePOP), l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et RFI Planète Radio donnent la parole aux invisibles directement impactés, déjà aujourd’hui, par les bouleversements globaux liés aux changements climatiques. Depuis 2017, dans 31 pays et 45 langues, de jeunes réalisateurs créent des reportages courts en faisant par exemple témoigner leurs aînés, afin d’attirer le regard sur une problématique locale. Des vidéos qui sont l’occasion de temps de dialogue et de débat entre scientifiques, citoyens, artistes et pourquoi pas, élus et décideurs. Ces derniers sont aussi impliqués, parfois avec difficultés, dans le projet Val d’herens2  : les habitants y racontent les transformations progressives des paysages qui font leur quotidien et partagent des photos de famille qui servent de témoins. Les scientifiques y étudient la perception des paysages et ce qu’un paysage apporte à une société : une question de recherche mais des savoirs co-construits avec les habitants et médiateurs. Et une suite du projet qui devrait s’appuyer sur les questions mêmes des participants.

  • 2Université de Lausanne.

Renouveler les classiques toujours efficaces

Présentation de l'action panneaux aux NIMS (intervenante, écran)
© Forum des Nims CNRS-CPU – David Pell

Où sont les laboratoires dans la ville et qu’étudient-ils au quotidien ? Pour aider ses étudiants et personnels à répondre à cette question qu’eux-mêmes se posent parfois, et pour susciter la curiosité du grand public qui passe devant le campus, l’Université de Saint Etienne a mis en place des panneaux sur ses grilles. En une phrase chacun co-construite avec les scientifiques, ils décrivent le sujet de recherche de 13 laboratoires et sont accompagnés d’articles courts pour les personnes souhaitant en savoir plus.

Jouer pour mieux s’interroger

Présentation du jeu La Sellette aux NIMS (intervenante, animateur, écran)
© Forum des Nims CNRS-CPU – David Pell

Condamne-t-on de la même manière une femme ou un homme à toutes les époques ? La condition sociale d’une personne influence-t-elle le prononcé de sa peine ? Pourquoi tant de pays ont aboli la peine de mort ? Pour transmettre des connaissances historiques et déclencher une réflexion sur le sens de la peine, le jeu de plateau La Sellette place le joueur dans la posture d’un juge qui s’interroge sur la peine à infliger à un coupable dans quatre affaires criminelles distinctes, dans l’Ancien Régime ou à la période post-révolutionnaire. Développé au Centre d’histoire judiciaire3 , il sera bientôt proposé dans les établissements scolaires de la région.

Porté par l’Ifremer et l’association Les Petits Débrouillards, le jeu « Mon lopin de mer » incite le jeune public à se créer un lien avec le monde marin et littoral, grâce à un « espace à soi » qui permet une reconnexion avec la nature. Un jeu collaboratif, intergénérationnel, pour se poser des questions et faire le lien entre transformation de ces mondes et activités du quotidien. Une version commerciale du jeu devrait être disponible fin 2022.

  • 3CNRS/Université de Lille.

Engager tous les sens pour éveiller la curiosité

Homme devant un micro présentant un nez en plâtre blanc tenant dans une boîte de la taille d'un portefeuille
© Forum des Nims CNRS-CPU

Que ce soit le projet « Des mondes au creux de l’oreille »4  qui amène dans la ville de Marseille l’environnement sonore capté par sept micros dispersés à travers le monde pour sensibiliser à la beauté de la nature et à la fragilité de la biodiversité, les dix espèces d’animaux disparus que le Museum national d’Histoire naturelle ravive en réalité augmentée au milieu de ses collections dans un parcours conté qui apporte du contenu sans modifier la scénographie de la salle patrimoniale, « Cubiculum Musicae »5  et sa salle noire mobile insonorisée pour s’immerger dans la musique de la Renaissance, ou encore « Nez à nez – expériences olfactives »6  qui propose un voyage individuel, émotionnel et intime pour (res)sentir des connaissances scientifiques dans une expérience multisensorielle en transat suivie de temps de discussion avec des chercheurs et chercheuses, les projets impliquant des sens parfois peu sollicités se multiplient. Une expérience à la dimension spectaculaire forte qui ne doit pas négliger le contenu scientifique et se faire vecteur du message de médiation sans s’y substituer.

  • 4CNRS/Aix-Marseille Université.
  • 5CNRS/Université de Tours.
  • 6CNRS/Centre imaginaire.

Éviter de vieillir avec son public et embrasser les possibilités offertes par les nouvelles technologies

Cinq personnes sur des fauteuils sur scène devant un grand écran, animateur à droite
© Forum des Nims CNRS-CPU – David Pell

Avec 7e science, Sorbonne Université utilise le cinéma comme porte d’entrée vers les sciences. Lancée juste avant la crise du Covid-19, cette série de podcasts a permis de toucher un nouveau public, les personnes présentes sur la plateforme Binge qui héberge le podcast et avec laquelle l’université collabore étroitement. Alain Riazuelo, chargé de recherche CNRS à l'Institut d'astrophysique de Paris qui a participé à un épisode sur le film Interstellar, a décrit les podcasts comme « une émission de radio sans le stress du direct » qui serait plus efficace aujourd’hui pour s’adresser aux jeunes et sans doute faire venir à ce type de vulgarisation des chercheurs et chercheuses qui hésiteraient à participer à du direct. Seul regret : le format restreint en durée. Une contrainte levée par les émissions en direct sur des plateformes comme Twitch, à l’image des Cephalus Live proposés par l’association Collectif Conscience qui détournent les codes de la plateforme pour attirer un nouveau public vers les sciences. La même association présentait également un autre dispositif, Mondes imaginaires, qui se déploie d’une part en conférence théâtralisée et interactive « dont vous êtes le héros » laissant le public s’approprier des connaissances scientifiques sur les exoplanètes, et d’autre part en format atelier ou hackathon pour mettre la science au service de la créativité et comprendre l’impact des choix de création sur l’exoplanète créée. « Il ne faut pas vieillir avec son public mais tâcher de se renouveler », a résumé Alain Riazuelo.

Créer du lien avec la science

Un migrant observant dans un télescope sur un parking pendant qu'un autre le prend en photo
© Hervé Dole

Professeur à Institut d'astrophysique spatiale10 et vice-président de l'Université Paris-Saclay en art, culture, science et société, Hervé Dole a notamment présenté quelques actions autour de l’observation astronomique. La première, qui s’est déroulée à la sortie du RER B dans des quartiers prioritaires, proposait aux passagers curieux une séance improvisée d’observation de la Lune. L’expérience a été renouvelée auprès de 75 migrants accueillis dans un gymnase de la ville d’Orsay. L’occasion d’une « expérience humaine incroyable » pour Hervé Dole et ses étudiants, car parler de sciences a finalement mené les migrants à partager leurs parcours de vie, souvent difficiles : « on est tous des humains avec une histoire à raconter ». Cette dernière action fait écho au projet MigSan7 , présenté plus tôt dans la journée, qui valorise le programme de recherche du même nom, associant sciences humaines et sociales, médecine, santé publique et théâtre, à travers une lecture-spectacle accompagnée de débats pour restituer, avec bienveillance, des récits de parcours humains, sociaux et médicaux de personnes récemment arrivées sur le territoire français.

  • 10CNRS/Université Paris-Saclay.
  • 7CNRS/Université de Rennes.