Un accord pour pérenniser les formations d’enseignantes et enseignants de mathématiques en labos de recherche

Institutionnel

L’INSMI a élaboré un cadre de formations, décliné par des membres des unités de mathématiques du CNRS et de ses partenaires, permettant aux professeurs du secondaire de découvrir en laboratoire l’actualité et la réalité de la recherche en mathématiques. Avec l’aide de l’ADIREM et malgré la crise sanitaire, cette opération a connu un grand succès et se voit pérennisée par une entente entre les deux structures.

Ce n’est pas parce que l’on enseigne que l’on n’a plus rien à apprendre. Profitant de l’Année des mathématiques, qui s’est tenue en 2019-2020 à son initiative, l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI) a proposé de nouvelles formations aux enseignants et enseignantes de lycée. Ces ateliers les mettaient au contact des travaux actuels de la recherche en mathématiques. « Nous voulons montrer à la société que les mathématiques sont une science vivante, qui ne s’est pas arrêtée avec Thalès et Pythagore, explique Emmanuel Royer, directeur adjoint scientifique de l’INSMI. Les enseignantes et enseignants du secondaire nous ont pour cela semblé être le meilleur relais. »

Une approche qui s’inscrit dans la lignée du rapport Villani-Torossian sur l’enseignement des mathématiques en France, rendu en 2018 et comportant vingt et une mesures. « Nous partageons la volonté de rapprocher le monde de l’enseignement secondaire de celui de la recherche, poursuit Emmanuel Royer. Des liens existaient déjà, mais nous avons voulu les amplifier. » Le rapport prônait cependant une méthode un peu différente, où les scientifiques se déplaceraient dans les établissements scolaires. L’INSMI a préféré l’inverse, attirant les professeurs dans les laboratoires afin de leur montrer directement où et comment la recherche est produite.

Visuel Année des maths
L’année des mathématiques a proposé de nouvelles formations aux enseignants et enseignantes de lycée en 2019-2020. ©INSMI

« Tout le monde s’attend à ce qu’un professeur d’anglais écoute la radio et lise des livres dans cette langue, ou parte régulièrement dans des pays anglophones, prend comme exemple Louise Nyssen, chargée de mission au CNRS pour l’année des mathématiques et moteur de ces formations INSMI. Nous voulons aider les enseignants de mathématiques à faire de même à l’échelle de leur discipline. »

Une démarche complexe

Forte de ses quarante-trois unités de recherche en mathématiques, l’INSMI avait proposé près de quatre-vingts formations différentes. La moitié a malheureusement dû être annulée pour cause de crise sanitaire, mais environ cinq cents professeurs ont tout de même pu participer à un atelier en laboratoire.

« Une fois la formation organisée, les enseignants doivent en avoir connaissance et être libérés de leurs obligations pour pouvoir y assister. Elle doit pour cela être proposée dans le programme de formation continue des académies, une démarche très compliquée quand on n’en a pas l’habitude, précise Louise Nyssen. Il faut savoir mettre la proposition en forme sur un logiciel dédié, puis qu’elle soit acceptée par le rectorat et, enfin, qu’elle recueille suffisamment d’inscrits. Grâce à leur expérience, les IREM nous ont aidés à surmonter toute cette partie administrative et à entrer en relation avec les inspecteurs pédagogiques régionaux afin qu’ils relaient les informations. »

Ces Instituts de recherche sur l’enseignement des mathématiques (IREM), au nombre de vingt-sept en France, étudient principalement des solutions et des méthodes directement utilisables en classe par des professeurs. « Nous nous intéressons à la didactique et à l’histoire des mathématiques, mais aussi à la sociologie, aux sciences cognitives ou encore à la philosophie, détaille Anne Cortella, présidente de l’Assemblée des directeurs d’IREM (ADIREM). Nous formons également les enseignants, y compris du primaire, lors des changements de programme et les aidons à préparer des concours comme l’agrégation interne. »

Les IREM ont ainsi apporté leurs compétences dans les échanges avec les enseignants et les rectorats, afin de convaincre le plus de professeurs possible de profiter des formations de l’INSMI. Celles-ci suivent généralement le même modèle. La matinée est consacrée à des exposés sur différents thèmes de recherche en mathématiques, systématiquement présentés par des scientifiques travaillant sur le sujet. L’après-midi, ces mêmes scientifiques animent des ateliers où les professeurs peuvent approfondir ce qu’ils ont vu plus tôt et réfléchir aux applications possibles dans leur pratique. Comme les enseignants se déplacent au laboratoire, ils peuvent aussi interagir avec d’autres chercheurs, qui ne contribuent pas directement aux formations.

Cinq personnes autour des signatures
Une entente a été signée le 9 juillet entre l’INSMI et l’ADIREM pour pérenniser les actions de formation. © CNRS

Avec des retours enthousiastes de la part des participants et des organisateurs, une entente a été signée le 9 juillet entre l’INSMI et l’ADIREM pour pérenniser ces actions et améliorer le partage du savoir hors des laboratoires. « L’entente cherche à aider les professeurs et les inspecteurs à connaître les formations disponibles, tandis que le CNRS et l’INSMI s’engagent à ce que les membres de leurs unités se portent volontaires pour des ateliers de qualité, précise Anne Cortella. L’objectif global est d’augmenter le niveau de connaissance des professeurs et de mieux diffuser les résultats de la recherche jusqu’aux élèves. »

De nouvelles idées pour enseigner

 « À moyen terme, nous espérons en particulier que les lycéens vont s’en emparer pour le grand oral du bac, complète Emmanuel Royer. Nous pourrons alors observer concrètement l’impact de ces formations. Plus tard, nous verrons également si de nouveaux profils de lycéens s’orientent vers les mathématiques. »

Les IREM aident aussi les enseignants à se préparer aux nouveaux programmes. Ceux-ci incluent justement, en plus du grand oral, l’entrée dans les lycées de l’histoire des mathématiques ou de l’option « mathématiques complémentaires », où les outils mathématiques sont utilisés pour répondre à des problèmes venant d’autres disciplines. Les formations de l’INSMI peuvent aider les professeurs à aborder ces thèmes.

Le plan Villani-Torossian a abouti à l’ouverture de labomaths dans certains lycées et collèges, des espaces où les professeurs peuvent échanger et monter des projets ensemble. Les enseignants ayant suivi une formation de l’INSMI y apportent de nouvelles idées, ce qui pourrait convaincre leurs collègues de se rendre aussi aux ateliers en laboratoire.

Parmi eux, Isabelle David-Metzmeyer est professeure de mathématiques au lycée Marguerite Yourcenar d’Erstein (Bas-Rhin). Un établissement de campagne dans lequel le personnel monte de nombreux projets pour les élèves, afin de compenser leur accès moins naturel à l’université, aux musées et activités scientifiques des grandes villes. La professeure a suivi une formation INSMI sur les métiers des mathématiques, présentant une grande variété de parcours et de postes. « La semaine suivante, j’ai eu une réunion parents-profs où une famille m’a demandé ce que pourrait faire leur fille si elle continuait à étudier les mathématiques, se souvient-elle. La formation m’a donné plein d’éléments pour répondre à ce genre de questions directes. » En tant que professeure principale, elle compte disséminer ces informations tout au long de l’année afin d’aider à l’orientation des élèves.

Mathématicien expliquant un concept mathématique avec un modèle en bois
Exposé de Hoel Queffelec lors de l'Année des mathématiques à l’Institut montpelliérain Alexander Grothendieck : « Théorie des noeuds : des maths avec des bouts de ficelles ». ©INSMI

Du côté des laboratoires, Nicolas Billerey, maître de conférences à l’Université Clermont Auvergne et membre du LMBP1  où il étudie la théorie des nombres et les représentations galoisiennes, a aussi été enthousiasmé par la formation qu’il a délivrée. Le matin a été consacré à la présentation de son thème de recherche, puis Nicolas Billerey a mis cela en pratique en accompagnant les professeurs sur la programmation d’algorithmes permettant de développer certains nombres issus de ses travaux. Deux autres chercheurs du LMBP ont fait de même sur leurs propres thèmes. « J’ai eu des retours très positifs et nous avions pas mal d’inscrits pour la première journée, se réjouit Nicolas Billerey. Une seconde était prévue, mais elle a été annulée à cause du COVID. Avec les collègues du laboratoire, nous avons vraiment discerné deux publics. Certains professeurs voulaient s’évader de la contrainte des programmes scolaires, quand d’autres étaient demandeurs d’éléments plus applicables en classe. »

Un échange qui a satisfait toutes les parties impliquées et donc justifié de sa poursuite via l’entente entre l’ADIREM et l’INSMI. « Les formations permettent aux chercheurs d’échanger avec des professeurs du secondaire et de prendre conscience de ce que les élèves apprennent au lycée, conclut Louise Nyssen. Cela permet, bien sûr, de mieux accueillir les étudiants qui arrivent en licence, mais aussi de connaître le bagage mathématique des élèves qui ne poursuivent pas des études scientifiques, et donc de tous les futurs citoyens. »

  • 1Laboratoire de mathématiques Blaise Pascal (CNRS/Université Clermont Auvergne).