La médaille de l'innovation 2020 du CNRS est décernée à Sophie Brouard, Daniel Hissel, Arnaud Landragin et Franck Molina
Sophie Brouard, Daniel Hissel, Arnaud Landragin et Franck Molina sont les lauréats de la médaille de l'innovation 2020 du CNRS. Créée en 2011, la médaille de l'innovation du CNRS reconnaît des personnalités dont les recherches exceptionnelles ont conduit à des innovations marquantes sur le plan technologique, économique, thérapeutique et social.
Les parcours de ces quatre lauréats de la médaille de l’innovation 2020 du CNRS illustrent la qualité, la variété et la richesse des recherches conduites au CNRS, ainsi que la diversité des voies de valorisation empruntées. Dépôts de brevets, programmes de pré-maturation de projets innovants, relais vers les programmes de maturation portés par les SATT, programme RISE d’accompagnement dans la création de start-up, création de laboratoires communs avec des entreprises de toutes tailles, « les scientifiques qui manifestent la volonté de valoriser les résultats de leur recherche vers le tissu socio-économique bénéficient aujourd’hui de toute la panoplie des dispositifs d’accompagnement mis en place par le CNRS ses dernières années », indique Jean Luc Moullet, directeur général délégué à l’innovation du CNRS. Les quatre lauréats 2020 illustrent aussi que des recherches, même très fondamentales, peuvent déboucher sur la création d’entreprises ou s’accompagner de transferts vers le monde économique.
Sophie Brouard, des innovations contre le rejet des greffes transférées vers l’industrie
Vétérinaire de formation, Sophie Brouard s’est progressivement intéressée au problème du rejet des greffes en transplantation rénale et pulmonaire. À présent directrice de recherche du CNRS au Centre de recherche en transplantation et immunologie (CRTI, Université de Nantes/Inserm/ITUN/CHU de Nantes), elle travaille sur la réduction des lourds traitements qui évitent le rejet, mais causent de nombreux effets secondaires. « Avec ma formation médicale et vétérinaire, j’ai toujours eu besoin de savoir à quelles applications allaient pourvoir servir mes recherches », insiste-t-elle. C’est à l’origine en étudiant quelques rares patients transplantés rénaux qui pouvaient se passer de traitement, qu’elle a ainsi mis en évidence des phénomènes de régulation des lymphocytes B et en a scruté les mécanismes d’action en vue d’une possible thérapie. Une partie de sa recherche est également axée sur l’identification de biomarqueurs pour évaluer, prévoir et diagnostiquer le risque de rejet du greffon rénal et pulmonaire afin de mieux l’anticiper et adapter les traitements. En fine connaisseuse des besoins de l’industrie et des acteurs de la valorisation, elle a su mettre à profit ses recherches pour répondre aux besoins du monde de l’entreprise. Forte de 163 publications scientifiques et 13 brevets, il est essentiel pour elle de rappeler que « la recherche est un travail d’équipe ». Elle est ainsi à l’origine, en partenariat avec quelques collègues académiques, de la fondation de deux entreprises : TcLand Expression et Effimune, devenue OSE Immunotherapeutics, qui développe des outils thérapeutiques dans les domaines variés du cancer et des maladies auto-immunes.
Daniel Hissel, co-fondateur d’une start-up pour des piles à hydrogène plus performantes
Les piles à hydrogène se répandent de plus en plus dans le secteur de l’énergie et des transports, et de nombreuses applications voient le jour : groupes électrogènes, véhicules industriels, systèmes électriques de secours…. Daniel Hissel, professeur de l’université de Franche-Comté et chercheur à l’Institut FEMTO-ST1
(CNRS/Université de Franche-Comté/Université de Technologie Belfort-Montbéliard/ ENSMM) diagnostique en temps réel les piles à hydrogène afin d’en augmenter les performances et d’allonger leur durée de vie, grâce à des approches couplées matériel-logiciel. Il conçoit également des algorithmes pour optimiser les systèmes hybrides électriques en vue d’augmenter leur efficience énergétique. En moins de 15 ans, ses travaux ont permis d'amener cette thématique émergente jusqu'à un niveau de maturité technologique élevé. « La diffusion des savoirs des laboratoires CNRS vers la société compte énormément pour moi, afin d’avoir un impact direct sur les plans économiques, sociétaux et environnementaux », explique Daniel Hissel. Son projet de système de pile à combustible destiné à alimenter un nouveau type de groupe électrogène, écologique et silencieux a ainsi été soutenu par le programme de pré-maturation porté par la région Bourgogne Franche-Comté, puis par le programme de maturation de la SATT Sayens. Fondée en 2017 la start-up H2SYS valorise aujourd’hui ses travaux avec succès. Elle emploie dix salariés en Bourgogne Franche-Comté et poursuit son développement.
Arnaud Landragin, des capteurs ultra précis pour des applications en géosciences
Arnaud Landragin, directeur de recherche du CNRS et directeur du laboratoire Systèmes de référence temps-espace (Syrte, CNRS/Sorbonne Université/Observatoire de Paris-PSL)2
, utilise le principe quantique de dualité onde-corpuscule pour séparer par laser un atome en deux ondes. La gravité modifie la propagation de ces deux ondes et peut alors être mesurée après leur recombinaison. Arnaud Landragin conçoit grâce à cela des gravimètres à atomes froids absolus, qui sont commercialisés par la société Muquans, qu’il a cofondée. Il a également simplifié ces systèmes avec un réflecteur pyramidal : une série de miroirs qui permettent à seulement deux lasers de remplir la tâche de six. Ces appareils trouvent des applications dans la mesure des accélérations, des champs de pesanteur ou encore, à partir de leur impact sur la gravité locale, pour sonder fluides et matériaux présents dans les sous-sol. « J’ai toujours essayé de valoriser même mes résultats les plus fondamentaux » souligne Arnaud Landragin, grâce à qui la communauté française est aujourd’hui extrêmement bien positionnée dans le domaine du « quantum sensing » avec l’enjeu d’industrialiser à l’horizon 2030 une nouvelle génération de capteurs exploitant pleinement les propriétés d’intrication offertes par la physique quantique.
Franck Molina : l’alliance avec l’industrie pour des recherches fondamentales de qualité
Pionnier de la biologie des systèmes et de la biologie synthétique, Franck Molina3
, directeur de recherche du CNRS et directeur du laboratoire Modélisation et ingénierie des systèmes complexes biologiques pour le diagnostic (Sys2Diag, CNRS/ALCEN) est passé de la modélisation des systèmes biologiques, comme les cellules, à leur fabrication. Grâce à la biologie synthétique, il parvient ainsi à concevoir et programmer des cellules artificielles comme des biomachines dans le but de leur confier des tâches non naturelles. Ces cellules servent en particulier à réaliser des diagnostics ultrarapides, bon marché, qui ne nécessitent pas la présence de professionnels de santé. Ces diagnostics concernent pour l’instant le diabète et la détection de pesticides « L’alliance avec l’industrie forme un cercle vertueux, indique Franck Molina. Contrairement à certaines idées reçues, cela n’empêche pas du tout de produire une recherche fondamentale de qualité, au contraire. ». Les travaux de Franck Molina qui concernent des solutions pour des biopsies liquides, certaines maladies psychiatriques ou un sexage quasi instantané des œufs de poule en élevage par exemple ont fait l’objet de nombreux transferts industriels vers des entreprises telles que Skillcell, BioRad, Alcediag, Tronico ou DiaDx.
Pour télécharger les photos des lauréats : https://phototheque.cnrs.fr/p/823-1-1-0/
Pour en savoir plus, un article du CNRS Le Journal : https://lejournal.cnrs.fr/nos-blogs/de-la-decouverte-a-linnovation/champions-de-linnovation
- 1Institut Franche-Comté électronique mécanique thermique et optique — sciences et technologies
- 2Le laboratoire Syrte a également des liens forts avec le LNE.
- 3Franck Molina a été nommé le 26 mars 2020 au Comité Care, chargé de conseiller le gouvernement français dans le cadre de l’épidemie due au SARS-CoV-2, pour son expertise sur les tests de diagnostics