Sylvie Benzoni prend la tête de l’Institut Henri Poincaré

Institutionnel

Nommée directrice de l’Institut Henri Poincaré en janvier 2018, Sylvie Benzoni prend les rênes d’un établissement en pleine extension avec la très attendue Maison des mathématiques et de la physique théorique qui ouvrira ses portes en 2020. La mathématicienne investie dans la diffusion des sciences par l’enseignement se lance le défi de faire cohabiter grand public, scientifiques et entreprises sous un même toit, le tout pour la promotion des mathématiques.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

J’ai réalisé une thèse à caractère industriel pour l’Institut français du pétrole. Elle consistait en une analyse de modèles pour les écoulements multiphasiques dans les conduites. Recrutée comme chercheuse au CNRS en 1992, je deviens en 2003 professeure à l’université de Lyon au sein de l’institut MAPLY qui par la suite de fusions a été intégré à l’Institut Camille Jordan dont je suis devenue directrice en 2016. Cette expérience a été très formatrice sur le plan humain notamment vis-à-vis du travail avec les jeunes chercheurs ou encore la gestion des imprévus administratifs.

En tant que mathématicienne, quel regard portez-vous sur l’IHP ?

Je suis entrée pour la première fois dans l’Institut Henri Poincaré pour mon audition au concours d’entrée au CNRS. Par la suite, j’ai eu l’occasion d’y retourner à de multiples reprises lors de rencontres scientifiques ou de réunions. J’ai par la suite intégré le Comité de culture mathématique de l’IHP en 2016.

L’IHP présente plusieurs aspects majeurs. Le premier, que j’ai moi-même expérimenté, est l’aspect « lieu de rendez-vous ». Les mathématiciens français et européens se retrouvent pour travailler ensemble. Il y a bien-sûr les trimestres, véritables lieux de rencontres nationales et internationales, qui regroupent plus d’une centaine de chercheurs et font la réputation de l’IHP au travers du Centre Émile Borel. Enfin, ces dernières années et cela sous l’impulsion de l’ancien directeur Cédric Villani, le travail de diffusion auprès du grand public s’est beaucoup développé. La bibliothèque de l’IHP est également incontournable avec ses collections historiques et ses modèles. Elle a ce rôle de conservation des ouvrages ainsi que d’animation aux travers d’expositions et représente une vraie attractivité pour les chercheurs qui y viennent à la fois pour consulter des livres et pour profiter de l’espace de travail.

Comme vous l’avez mentionné, l’IHP est un lieu de rencontres qui permet aux chercheurs français et internationaux de discuter et de travailler ensemble, quelle est la place de l’IHP à l’international ?

L’IHP n’est pas le seul institut de ce type dans le monde et il sera d’ailleurs important de soutenir la collaboration entre les différents instituts afin de permettre aux grandes thématiques mathématiques et physique théorique actuelles de se développer au niveau international. Cependant, parmi tous ces instituts analogues, l’IHP a des spécifiés uniques : il est au cœur d’une grande ville, à la fois ouvert aux choses informelles et organisateur d'événements d’envergure internationale tout en ayant pour vocation d’accueillir le grand public. Tous ces aspects font de l’IHP un institut incontournable.

L’IHP mène en ce moment un grand projet d’agrandissement prévu pour 2020, celui de la Maison des mathématiques et de la physique théorique. A qui s’adresse cette maison ?

La Maison des mathématiques et de la physique théorique accueillera des publics variés. D’abord, le grand public avec les scolaires, les curieux ou encore les amateurs de sciences qui souhaiteraient en savoir plus sur les mathématiques. Ensuite, les chercheurs qui seront accueillis en plus grand nombre grâce au projet d’extension. Enfin, la Maison des mathématiques et de la physique théorique marque également une volonté d’ouverture aux entreprises. Cette nouvelle maison se veut ainsi être un lieu d’échange et de convivialité, de recherches et de partages interdisciplinaires et de transmission vers le public et la société. La fréquentation commune de ces trois publics reste à inventer. Tous les chercheurs, par exemple, ne sont pas ouverts aux questions de diffusion vers le grand public. Il faudra réussir à créer une réelle motivation parmi eux. Cette extension de l’IHP a été également pensée vis-à-vis de nos partenaires. Nous hébergeons au sein de nos murs des sociétés savantes et la Fondation sciences mathématiques de Paris, qui finance beaucoup de thèses et de post-doc. L’extension de l’IHP va permettre d’assurer de meilleures conditions pour cette cohabitation.

Comment se déclinera cette maison ?

Les architectes responsables du projet ont été retenus et la partie architecturale est maintenant définie. La Maison des mathématiques et de la physique théorique présentera une partie muséale permanente et un espace pour les expositions temporaires. Cet agrandissement marque une volonté de développer des événements scientifiques supplémentaires au niveau des mathématiques appliquées pour les chercheurs. Nous envisageons à mettre en place un quatrième trimestre thématique annuel. Enfin, la maison sera ouverte aux entreprises avec des événements, des collaborations qui restent à définir. Un espace de coworking pourrait aussi voir le jour. Ce projet représente pour moi l’un des grands défis de ma nomination : il faudra le mener à bien autant du point de vue architectural que scientifique ou encore humain. Notre mission finale consiste à contribuer à une meilleure insertion en entreprise des mathématiciens, à intéresser plus de jeunes aux mathématiques et évidemment à la promotion d’une meilleure image des mathématiques.

Comme vous l’avez mentionné, l’IHP s’est engagé et s’engage fortement pour la promotion des mathématiques envers le grand public et les entreprises. Pouvez-vous nous parler des programmes additionnels mis en place ?

Le Comité de culture mathématique s’est bien développé sous la direction de Cédric Villani et nous discutons actuellement à son évolution. Constitué d'une quarantaine de représentants de sociétés savantes et d'entreprises, il s'attèle à la programmation de l’IHP et à l’organisation de célébrations et d’événements scientifiques. L’audiovisuel joue également un grand rôle dans notre travail de diffusion. Depuis quelques années l’IHP s’est doté, en coopération avec CNRS Images, d’un service de haut niveau. Les visées sont majoritairement grand public avec des reportages orientés sur la recherche discutée et développée à l’institut, les films institutionnels tel la présentation de la Maison des mathématiques et de la physique théorique, mais aussi des documentaires comme « Einstein et la relativité générale ».

Que souhaitez-vous apporter à l’IHP au cours de votre direction ?

J’aimerais faire en sorte que cette belle maison puisse développer toutes les activités qui ont été lancées tout en préservant l’humain. Je compte être très attentive au pilotage des activités telles que les trimestres, les programmes Research in Paris ou les animations grand public. Le défi majeur sera de réaliser la Maison des mathématiques et de la physique théorique en 2020. Et 2020, c’est demain. Je souhaite également développer des partenariats par exemple avec l’Agence pour les mathématiques en interaction avec les entreprises et la société (AMIES). Véritable institution qui fait le lien entre les entreprises et les mathématiciens, il faudrait avancer avec elle pour développer des activités avec les entreprises et la société. L’IHP pourrait accueillir par exemple plus régulièrement des Semaines d’étude maths-entreprises au sein de ses murs.

Quelle place ont les mathématiques dans notre quotidien et qu'elle devrait-elle être selon vous ?

Les mathématiques sont omniprésentes et sont nécessaires dans la plupart des applications technologiques mais elles sont cachées. Le problème est que les mathématiques sont méconnues car leur enseignement donne une impression d’immobilité et ne permet pas au public de comprendre leur ampleur. De nos jours, il n’y a pas de mathématiciens pour maitriser l’ensemble de cette vaste discipline. Le défi est d’arriver à faire sentir cette ampleur.

L’IHP fait partie du Labex Carmin qui sera évalué durant l’année. Quel impact cela peut-il avoir sur l’IHP ?

Il faut savoir que les labex sont pour la plupart des « métalabos », tandis que Carmin représente une fédération de quatre centres de recherches en mathématiques qui ont uni leurs forces. Cédric Villani s’est battu pour obtenir ce labex. La question des finances va être présente en 2018 car le Labex Carmin, comme les autres labex, va être évalué durant cette année. L’impact se fera ressentir sur les ressources financières de l’IHP si le labex devait ne pas être reconduit et cela influerait lourdement sur notre capacité à accompagner notamment les événements scientifiques.