Le CNRS et l'AID renouvellent leur partenariat pour la défense

Institutionnel

Le CNRS et l’Agence de l’Innovation de Défense (AID) ont officialisé le renouvellement de leur accord cadre lors d’une cérémonie de signature ce 14 octobre à l'Innovation Defense Lab, à Paris. Cette collaboration, débutée en 2020, repose sur une approche de la recherche, où les défis scientifiques rencontrent les enjeux de souveraineté nationale.

« L’AID a été créée en 2018 avec un objectif clair : accélérer l’innovation pour répondre aux besoins de nos forces armées », présente Emmanuel Gardinetti, chef de la cellule Science et Technologies de l’AID. Créée en 2018, l’AID est la branche « recherche & innovation » du ministère des Armées. Avec un budget de 1 milliard d’euros en 2024 et environ 130 personnels, l’AID vise à orienter et conduire l’innovation de défense avec son actif des travaux très diversifiés, comme le développement ou l’évaluation de drones de nouvelle génération d’une part ou encore des études pour les systèmes d’armes hypersoniques d’autre part.

« Nous savons que les cycles de développement de nos programmes d’armement sont longs — un porte-avion reste en mer pendant 40 ans. Il est donc crucial d’avoir des systèmes modulaires et de pouvoir intégrer les avancées technologiques au plus tôt pour anticiper les menaces futures. » Pour l’AID, les collaborations avec les organismes de recherche nationaux lui permettent de s’appuyer sur l’expertise scientifique de ces derniers pour déployer ses propres axes de recherche, mais également  capitaliser sur l’existant en lui donnant une coloration défense : l’idée en quelque sorte de profiter des avancées de la voiture autonome civile pour aller vers le robot martien ou l’engin militaire autonome en tout terrain.

Patrick Aufort, Directeur de l'AID et Antoine Petit, président-directeur général du CNRS ont signé l'accord-cadre entre les deux organismes le 14 octobre à l'Innovation Défense Lab. @CNRS

« Chaque année, l’AID propose des thèses qui s’appuient sur l’expertise de nos instituts. C’est un travail d’équipe qui aboutit à la sélection de sujets pertinents pour la défense, en s’assurant d’impliquer les meilleurs laboratoires scientifiques du CNRS.  Cet accord cadre est imaginé dans le temps pour permettre une normalisation des démarches administratives, notamment pour la gestion des thèses et le financement des collaborations », explique Alain Foucaran, directeur adjoint scientifique Valorisation et Partenariat au sein de CNRS Ingénierie.

L'innovation au service de la souveraineté

L’AID, en s’appuyant sur les travaux de recherche des 10 Instituts du CNRS, cherche à anticiper les évolutions technologiques et les menaces émergentes. Emmanuel Gardinetti souligne notamment l’importance des grands domaines de recherche. En effet, l’AID est actuellement engagée sur 15 domaines scientifiques clés, parmi lesquels l’intelligence artificielle, la cybersécurité, les nanotechnologies, les sciences cognitives, les sciences humaines et sociales ou encore les matériaux de nouvelle génération dont l’importance pour le blindage des engins ou la lutte contre corrosion pour les bâtiments maritimes est évidente.

Au-delà des technologies de pointe, l’accord permet aussi de répondre aux nouveaux enjeux géopolitiques. Par exemple, la maîtrise des grands fonds marins, où se trouvent des câbles sous-marins de communication, est devenue une priorité. Il en est de même de l’espace où des constellations de nanosatellites s’accumulent. « Demain, ces zones et ces ressources pourraient devenir des sources de conflits futurs », prévient le chef de la cellule Science et Technologies de l’AID. Ces projets, qui touchent à la fois aux domaines économiques et écologiques, illustrent l’importance de prévoir des solutions technologiques adaptées aux besoins stratégiques à venir. On voit bien ici le besoin de s’appuyer sur la richesse des 10 instituts du CNRS. 

Dans le cadre des SHS où on attend moins les ingénieurs militaires, les collaborations entre l’AID et le CNRS permettent de mieux comprendre l’acceptabilité sociétale des innovations de défense. L’intégration des sciences humaines et sociales (SHS) dans les projets de défense est une démarche essentielle pour s'assurer que les nouvelles technologies soient non seulement techniquement performantes, mais également connaitre leur degré d’acceptabilité du grand public qui n’accueillera pas de la même manière les systèmes de surveillance ou les robots militaires. Il en est de même des Sciences de l’Homme pour optimiser l’appropriation des systèmes technologiques et l’efficience du couple homme-machine. 

IA et matériaux : des innovations concrètes et une vision à long terme

Sous l’ancienne convention, de nombreuses avancées ont été réalisées dans des domaines clés comme l’intelligence artificielle, les matériaux et les technologies quantiques. Par exemple, la collaboration entre l’AID et le CNRS a permis de lancer en 2023 la convention TAL (Traitement Automatique des Langues), un projet qui explore de nouvelles applications de l’intelligence artificielle dans le langage. Alain Foucaran explique : « Par exemple la reconnaissance de la parole en temps réel pour les environnements de calcul restreints1 ». Dans la prochaine phase, une feuille de route commune entre l’AID et le CNRS sera établie pour orienter les futures recherches en intelligence artificielle.

En parallèle, des avancées significatives ont été réalisées dans le domaine des matériaux et des antennes compactes – élément essentiel à la discrétion en télécommunication. En septembre 2023, la journée GIS HEAD a réuni des chercheurs et industriels autour des hautes énergies en fabrication additive - qui permet par exemple de travailler sur la rigidité et le poids de structure telle que celles des avions et améliorer ainsi leur furtivité, ouvrant la voie à des innovations dans l’aéronautique et la défense. « La collaboration avec l’industrie est cruciale pour transformer les idées en technologies concrètes », affirme Alain Foucaran. De plus, le lancement en janvier 2024 du projet OPALE, centré sur des systèmes d’antennes innovants pour la furtivité et la communication, illustre l'ambition de ce partenariat. Pour l’avenir, des groupes de travail mixtes AID/CNRS se pencheront sur des technologies de pointe comme la 5G/6G en environnement contraignant, témoignant de la volonté commune de préparer les systèmes de communication du futur.

Une vision prospective pour anticiper les menaces futures

Le partenariat de l’AID avec la recherche ne se limite pas à répondre aux enjeux actuels, il permet aussi d’anticiper les menaces futures. L’AID s’appuie sur la Red Team, une équipe de réflexion réunissant des experts – notamment du CNRS, des universitaires, des écrivains de science-fiction, et des journalistes, pour imaginer des scénarios d’avenir. L’objectif ? Identifier les risques émergents et explorer des solutions innovantes. « La Red Team nous aide à réfléchir à des scénarios improbables mais potentiels, afin d’aiguiser nos capacités de réponse stratégique », conclut Emmanuel Gardinetti.

L’accord entre le CNRS et l’AID ouvre la voie à une accélération des innovations en matière de défense. Avec une équipe dédiée au sein de l’AID pour définir les grandes orientations scientifiques, et un réseau de chercheurs et de laboratoires du CNRS, ce partenariat se pose en levier stratégique pour anticiper les défis de demain. « C’est un partenariat basé sur la complémentarité », explique Alain Foucaran, et Emmanuel Gardinetti de conclure « Qui mieux que le CNRS pour nous apporter cette rigueur scientifique et cette neutralité qui sont essentielles à nos travaux ? »

  • 1Un environnement de calcul restreint dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA) fait généralement référence à un cadre où les ressources de calcul, comme le processeur (CPU), la mémoire vive (RAM), ou la capacité de stockage, sont limitées par rapport à des environnements plus robustes. Cela peut concerner des cas où les algorithmes d'IA doivent être exécutés sur des dispositifs avec des capacités réduites, comme des objets connectés, des smartphones ou des systèmes embarqués, où les contraintes de ressources sont importantes.