Comprendre le territoire grâce aux données satellitaires : lancement du laboratoire commun Telkante Lab

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Le LETG et la société Alkante s’associent pour créer le LabCom Telkante Lab. Doté d’un financement de 363 000 € sur une durée de 54 mois par l’Agence nationale de la recherche (ANR), le projet vise à intégrer les données issues de la télédétection aux infrastructures de données géographiques. 

Une collaboration pour tirer le meilleur des données géographiques


« Quand j’ai commencé ma thèse il y a vingt ans, on trouvait très peu de données gratuites, et la résolution spatiale était très large, puisqu’un pixel pouvait représenter 250 mètres au sol », introduit Damien Arvor, directeur de recherche CNRS en géographie à l’UMR LETG1  et co-directeur du laboratoire commun. « Aujourd’hui, avec le réseau des satellites Sentinel de l’Union européenne, nous pouvons accéder gratuitement à des données précises à dix mètres tous les cinq jours, sur l’intégralité du globe. » 

Cette prolifération de données est une richesse évidente pour la recherche, mais collecter et traiter ces nouvelles informations demandent des compétences informatiques qui ne sont pas le cœur de métier des géographes. D’où l’intérêt de s’associer avec des acteurs qui possèdent une expertise complémentaire en acquisition, traitement et mise à disposition de larges volumes de données. 

Alkante est une société bretonne active depuis 2003 dans le secteur de l’ingénierie logicielle. Elle développe notamment des outils géomatiques et s’intéresse à l’intégration d’informations issues de données satellitaires dans les infrastructures de données spatiales. À ce titre, la PME mène des projets ponctuels avec des étudiants du LETG depuis une dizaine d’années, notamment dans le cadre de travaux avec Vincent Dubreuil, Jean Nabucet et Damien Arvor. Le partenariat a été formalisé en 2022, via deux projets Space for Climate Observatory2  (SCO), financés par le Centre national d’études spatiales (CNES). « La synergie entre Alkante et le LETG a très bien fonctionné, tant du point de vue humain que de la collaboration technique, entre l’excellence universitaire du LETG et nos savoir-faire liés à la valorisation et à l’exploitation des données » salue Arnaud Bellec, responsable équipe chez Alkante et co-directeur du LabCom.

Milieux ruraux et urbains : deux axes de recherches complémentaires


Le LabCom Telkante Lab s’inscrit dans la suite des projets SCO, dont il reprend les sujets. 

Le premier porte sur l’état brésilien du Mato Grosso, un territoire amazonien grand comme deux fois la France, et que le LETG étudie depuis plus de 30 ans. L’objectif est de suivre les dynamiques territoriales dans un contexte de changement climatique. Pour ce faire, de nombreuses cartes issues de la télédétection et portant sur des thématiques diverses (précipitations, pratiques agricoles, déforestation et dégradation forestière, incendies, hydrologie) sont intégrées dans une infrastructure de données spatiales. 

Le projet CHOVE-CHUVA a développé un outil de suivi des dynamiques territoriales au Mato Grosso, en Amazonie brésilienne
© Alkante

Le deuxième projet s’intéresse aux îlots de chaleur en milieu urbain. Il prend comme terrain de recherche initial la ville de Rennes où une centaine de capteurs de températures ont été installés. Il s’agit ici de montrer comment cette information in situ, couplée avec de l’information satellitaire, peut aider à spatialiser l’îlot de chaleur, à en comprendre les impacts sur les populations et sur les milieux naturels (flore et faune), ainsi qu’à repenser l’aménagement du territoire pour l’avenir. 

Les nouvelles méthodes développées, et notamment l’analyse de séries temporelles, permettent de comprendre les dynamiques spatiales et temporelles en jeu sur un territoire, quel qu’il soit. L’étude des îlots de chaleur se poursuit ainsi en parallèle au Brésil, toujours par l’équipe du LETG. 

Pour Damien Arvor, ces deux projets sont donc complémentaires : « le fait que les sujets soient très différents nous mène à créer des briques technologiques variées, avec une gamme de services large ». C’est également cette pluralité d’usages que vise Alkante dans le cadre de son offre de produits. Arnaud Bellec considère que cette collaboration « répond aux enjeux d’Alkante de production d’outils qui s’appuient sur la recherche avant d’être utilisables sur le territoire ».

Une valorisation de la recherche via des applications concrètes


« Que ce soit en Amazonie ou en France, nous travaillons avec de nombreux acteurs locaux : administrations, collectivités territoriales, associations d’agriculteurs, ONG… explique Damien Arvor. Sur le terrain, on nous demande parfois à quoi sert la recherche. La publication d’articles scientifiques est certes essentielle, mais elle crée peu de retours pour la société. C’est pourquoi transférer les connaissances scientifiques sur des infrastructures de données géographiques consultables par tous nous semble important. »

Outre cette accessibilité, la notion de sciences citoyennes est une composante majeure du projet. Cette participation peut prendre plusieurs formes : mise à disposition d’une station météorologique installée chez un particulier, soumission de données via une application mobile… « Ce volet est passionnant et pose de nombreuses questions : comment inciter les utilisateurs à participer, valider la donnée, la rendre générique… » complète Arnaud Bellec. 

Cette ouverture s’incarne également dans les choix d’infrastructure réalisés, Alkante étant une société experte des logiciels open source dont les serveurs se situent en Bretagne. 

Une connaissance fine du territoire pour aider à la prise de décision 


De nombreuses politiques publiques sont mises en place afin d’organiser l’aménagement du territoire, et les administrations ont besoin d’outils pour suivre les engagements sur des sujets nationaux -  à l’image de l’objectif Zéro artificialisation nette3  - ou internationaux - comme la réglementation européenne sur la déforestation importée. La qualité et la fiabilité des données satellitaires consultées sont alors capitales. 

Les acteurs publics ne sont évidemment pas les seuls concernés : on peut penser aux producteurs de soja au Mato Grosso, confrontés à des aléas climatiques grandissants et qui peuvent utiliser les données pour adapter leur mode de culture. 

« Nous portons les éléments à connaissance, c’est ensuite à la société de s’en emparer, conclut Damien Arvor. À terme, notre ambition est de créer des outils open source permettant à chacun d’intégrer et de manipuler simplement des données satellitaires afin de mener ses propres travaux. »

  • 1CNRS / Université Rennes 2 / Nantes Université / Université Bretagne Occidentale
  • 2Le Space for Climate Observatory, ou Observatoire spatial pour le climat, est une initiative internationale née en 2019 et regroupant un ensemble d’entités publiques et privées impliquées dans le secteur de l’observation de la Terre (OT) afin de favoriser l’émergence d’applications opérationnelles pour le suivi, l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques.
  • 3La loi "Climat et résilience" du 22 août 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation nette à l'horizon de 2050. Cette loi vise à mieux prendre en compte les conséquences environnementales lors de la construction et de l’aménagement des sols, sans pour autant négliger les besoins des territoires en matière de logements, d’infrastructures et d'activités.