Alice GuionnetMathématicienne
Alice Guionnet est directrice de recherche CNRS dans l’Unité de mathématiques pures et appliquées de l’ENS de Lyon (UMPA, ENS de Lyon/ CNRS) qu’elle dirige depuis 2016. Grâce à ses résultats significatifs obtenus dans le domaine des matrices aléatoires, elle devient la première femme à décrocher le prix Loeve en 2009, la plus prestigieuse récompense internationale dans le domaine des probabilités. L’année suivante, elle se voit décerner la médaille d’argent du CNRS et en 2018 la médaille Blaise Pascal de l’Académie européenne des sciences. Depuis 2017, elle est élue membre de l’Académie des sciences pour la section Mathématiques.
Alice Guionnet est mathématicienne, considérée par ses pairs comme une probabiliste influente, pour son rôle moteur et inspirant dans le domaine des matrices aléatoires. « Tout ce que l’on ne connaît pas, tout ce qui est trop compliqué à calculer, on va le modéliser par un événement aléatoire, par des probabilités. J’ai choisi ce domaine, car je trouvais que c’était une spécialité des mathématiques qui était présente dans nombre de sciences, aussi bien en physique qu’en finances, en biologie qu’en médecine. » Chercheuse épanouie en mathématiques, Alice Guionnet mène une vie créatrice et passionnante. « J’aime la liberté qu’offre le métier de chercheuse. Elle est d’autant plus grande que je suis au CNRS. Le privé ne m’a pas spécialement tentée. J’ai été professeure au MIT, et là aussi, c’était très gratifiant. »
Avec un père ingénieur polytechnicien et une mère urbaniste, Alice Guionnet envisage d’abord de devenir ingénieure, pourquoi pas en intégrant une grande école. Finalement elle entre à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et se découvre une véritable passion pour les mathématiques.
Une passion qui ne l’a pas quittée. Aujourd’hui, elle cherche à décrire le comportement global de systèmes de grande dimension, souvent issus de la physique. « Par exemple, si l’on essaie de paver un hexagone avec du carrelage en forme de losanges : quel motif va émerger si l’hexagone est très grand et que l’on a, par conséquent, beaucoup de losanges ? Une question bien compliquée – puisqu’il existe de nombreuses façons de réaliser ce carrelage – qui est, par là même, aléatoire ! »
Alice Guionnet est une femme qui maîtrise sa discipline, pourtant elle remarque que « quand on regarde les exposés, les garçons sont toujours très sûrs d’eux, ils peuvent même raconter des choses qu’ils ne connaissent pas de façon très assurée. Une fille en général va beaucoup plus bosser, et doutera beaucoup plus d’elle. ». Elle se souvient de cette fois où, à l’issue d’un discours lors d’une remise de diplôme, elle s’était étonnée de la disparité des femmes dans les mathématiques. Suite à ce commentaire, elle avait reçu des messages électroniques de jeunes filles qui la remerciaient. Elles y évoquaient leur malaise, le regard des autres et même le poids familial. « Moi-même, jamais je n’aurais pensé que je serais là où je suis aujourd’hui dans le monde des mathématiques. J’avais toujours pensé qu’il y aurait plus professeur Tournesol que moi. Et me voici aujourd’hui un peu au top des professeurs Tournesol… »
Son domaine en quelques mots
Les travaux d’Alice Guionnet étudient des problèmes issus de la mécanique statistique, ou plus généralement des questions où un grand nombre de variables aléatoires interviennent. Par exemple, une représentation microscopique simple permet de comprendre le phénomène de vieillissement, autrement dit comment l’évolution de certaines propriétés des matériaux dépendent de leur passé. Elle est également reconnue pour ses travaux fondamentaux sur les matrices aléatoires (grands tableaux de nombres aléatoires). Celles-ci apparaissent aussi bien en statistique qu’en théorie des nombres ou des algèbres d’opérateurs.