En Arizona, le CNRS crée son premier « International Research Center »
Le CNRS et l’Université d’Arizona signent ce 14 avril un accord de partenariat marquant la création du tout premier International Research Center de l’organisme autour de la recherche environnementale et spatiale et des sciences des données.
Crise sanitaire oblige, c’est en vidéoconférence qu’Antoine Petit, président-directeur général du CNRS a signé avec Robert C. Robbins, président de l’Université d’Arizona, la création de son tout premier International Research Center (IRC), le « France-Arizona Institute for Global Grand Challenges » à Tucson aux États-Unis. Cette cérémonie de signature virtuelle s’est déroulée en présence notamment de Philippe Etienne, ambassadeur de France aux Etats-Unis, de Edith Heard, Directrice Générale du European Molecular Biology Laboratory, et Cherry Murray, membre de l’Académie des Sciences américaine et directrice scientifique de Biosphere 2. Une signature historique pour le CNRS qui marque l’inauguration d’une nouvelle structure qui permettra « d’instaurer un dialogue stratégique ambitieux entre deux partenaires pour définir des intérêts communs et des collaborations avec à terme des projets conjoints et cofinancés », explique Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS. L’IRC se pose comme une « structure ombrelle » qui va soutenir les différentes actions communes comme les laboratoires de recherche internationaux (IRL), projets de recherche, réseaux thématiques - qu’elles soient déjà existantes ou à venir. Pour l’occasion, un appel à projets conjoints vient d’être lancé pour financer, pour chacun de ces projets, entre 5 et 10 bourses de doctorat au CNRS et à l’Université d’Arizona.
Un leader en environnement planétaire et extra-planétaire et en science des données
Le choix de l’Université d’Arizona comme partenaire pour ce premier IRC ne s’est pas fait par hasard. « Cette université est leader en environnement des données, environnement planétaire et extra-planétaire », souligne Patrick Nedellec, directeur de la Direction de l’Europe et des relations internationales du CNRS. Trois domaines retenus comme étant au centre de la collaboration de l’IRC et qui s’inscrivent au sein de l’interdisciplinarité du CNRS et de ses instituts. « Sur les 10 instituts, 5 ont indiqué vouloir participer à l’IRC et 5 être intéressés ». Le CNRS avait déjà plusieurs actions collaboratives en cours avec cette université, telles que l’Observatoire Homme-Milieu « Pima County », de multiples collaborations en astrophysique, planétologie, cosmologie et physique des particules, des collaborations en écologie entre Biosphere 21 en Arizona et Ecotron2 en France, mais surtout l’IRL iGLOBES (voir encadré). Spécialisé en géographie, gouvernance des ressources naturelles, et écologie, ce laboratoire est au cœur de la création de l’IRC.
« C’est à Tucson qu’a été lancée la recherche américaine en écologie »
« Nous concevons l’IRC comme un label », explique Régis Ferrière, directeur de l’IRL iGLOBES qui connait bien les atouts uniques de cette université qui bénéficie d’un « environnement exceptionnel » pour l’adaptation en milieu extrême, le désert. « C’est à Tucson qu’a été inventée, aux États-Unis, la recherche en écologie », ajoute-t-il. Avec Biosphere 2, complexe expérimental de plus de 12 000 m2, l’Université d’Arizona propose un site de recherche environnemental « unique de par sa taille », souligne Joaquin Ruiz, professeur et vice-président pour la priorité Global Environnemental Futures de l’Université d’Arizona, et membre de l’équipe en charge de la création de l’IRC au côté de Régis Ferrière et d’Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS.
Quant à la recherche spatiale, elle a démarré à Tucson en bénéficiant d’un « ciel d’exception » et de montagnes qui « tendaient les bras aux installations spatiales ». Aujourd’hui, l’Université d’Arizona pilote plus de 20 télescopes partout dans le monde et construit les plus grands miroirs pour télescopes du monde — de 8,5 mètres, « la taille maximale sinon les miroirs seraient trop grands pour les autoroutes américaines », ajoute Joaquin Ruiz. Et c’est de par l’excellence de ces deux domaines, qui ont très vite généré un flux massif d’informations, que la science des données s’est développée au sein de l’université pour s’imposer comme l’une de ses expertises - avec par exemple l’infrastructure CyVerse pour la gestion et l’exploitation de bases de données géantes.
Vers un hub américain
Les qualités de l’université, classée première aux États-Unis dans ces domaines, en font un acteur incontournable des approches environnementales sur le continent américain alors qu’elle est impliquée dans plusieurs consortiums internationaux. « Sa position pourra permettre de créer un hub stratégique et mener vers d’autres collaborations avec de nouveaux partenaires américains », explique Patrick Nedellec. Quant à l’université d’Arizona, elle pourra bénéficier de l’implantation internationale du CNRS pour ses futurs projets de recherche et utiliser les partenariats déjà développés par l’organisme pour la mobilité de ses chercheurs ou le développement de nouveaux projets de recherche.
« Aujourd’hui cet IRC est marqué par le financement de doctorats, mais à l’avenir nous pouvons imaginer des projets de post-doctorats conjoints entre l’Université et le CNRS, ou encore l’accueil à long terme de chercheurs CNRS dans nos murs », imagine Joaquin Ruiz.
Après ce premier IRC aux États-Unis, le CNRS réfléchit déjà à en lancer d’autres avec des partenaires tout aussi prestigieux.
- 1Site expérimental construit pour reproduire un système écologique artificiel clos situé à Oracle, dans le désert de l'Arizona.
- 2Unité de service de l’Institut d’écologie et d’environnement (INEE) du CNRS. L’Ecotron permet simultanément le conditionnement climatique d’écosystèmes de différentes tailles et la mesure en ligne des flux de matière et d’énergie liée à différents processus écophysiologiques.
iGLOBES
Cet IRL, créé en 2007, accueille 30 à 40 chercheurs et étudiants par an. Relevant de l’INSHS, avec l’INEE comme institut de tutelle secondaire, le laboratoire fonctionne en partenariat avec l’Université Paris Sciences & Lettres et l’Ecole Normale Supérieure de Paris. Etabli à l’origine pour mener des recherches sur l’eau et les politiques de l’eau, il se structure aujourd’hui autour de trois axes supplémentaires. Le premier, la gouvernance des ressources naturelles renouvelables et non renouvelables, alors que l’Arizona exploite certaines des plus grandes mines de cuivre du monde. « Nous étudions l’impact de ces ressources extractives au niveau environnemental et socio-économique », explique le directeur d’iGLOBES. En deuxième axe, l’adaptation et la résilience face au changement climatique « à l’interface entre les SHS et l’écologie, les sciences atmosphériques ou encore les géosciences ». Et enfin le dernier axe : l’Univers, allant des questions de recherche de sciences dures telles que la détection de la vie dans l’espace à des questionnements anthropologiques tels que « comment la notion d’une vie ailleurs modifie notre relation à la nature sur Terre. »