La conception de la station de 400 m^2 est respectueuse de l’environnement et adaptée au milieu guyanais. © Tanguy Maury/LEEISA

Guyane : construire la recherche ensemble

Institutionnel

L’inauguration d’une station de recherche de l’Ouest guyanais est l’occasion de rencontrer les acteurs locaux pour co-construire des recherches qui répondent aux enjeux sociétaux.

« Avec la station de recherche de l’Ouest guyanais, le CNRS répond à un double objectif : soutenir sur le long terme les équipes de recherche qui étudient ces écosystèmes sensibles, et fournir des connaissances qui pourront éclairer les décisions politiques et sociétales locales vers une meilleure gestion de l’environnement. », affirme Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, à l’occasion de l’inauguration de cette station le 10 octobre 2023. Une importante délégation de l’Institut écologie et environnement du CNRS (INEE) était sur place pour l’événement.

Un terrain exceptionnel mais fragile

Couverte de forêts tropicales humides à 95 % et hôte du surprenant récif sous-marin de l’Amazone, la Guyane française représente en effet un terrain de recherche exceptionnel. Elle fait face aujourd’hui à d’importantes transitions, que les scientifiques veulent mieux comprendre en étudiant les dynamiques de la biodiversité, du littoral et de l'écosystème dans son ensemble. « Sentinelles du changement climatique, ce territoire est également l’objet de transitions démographiques importantes : aucun littoral au monde ne subit des évolutions aussi importantes sur un temps aussi court. », explique Dominique Joly, directrice adjointe scientifique chargée des grands équipements et infrastructures de l’institut. « Il est important de développer des recherches pluri et inter-disciplinaires – des géosciences aux sciences humaines et sociales – pour obtenir une vision plus systémique de l’évolution du territoire. », ajoute Stéphane Blanc, directeur de l’institut.

Guyane, un littoral en mutation | Reportage CNRS

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Mais les écosystèmes étudiés sont fragiles et souvent difficiles d’accès. « Il y a un risque d’impact de la recherche elle-même. », reconnaît Dominique Joly qui insiste sur la nécessité d’organiser les équipes nationales et internationales qui s’y rendent, et d’optimiser et mutualiser les équipements à la fois scientifiques et de vie quotidienne. C’est justement le rôle de la nouvelle station, qui offrira toute la logistique indispensable à des suivis de long terme des objets de recherche dans l’ouest de la région.

4 hommes souriants dont les deux au centre tiennent les deux bouts d'un ruban d'inauguration que celui de droite vient de couper
Une partie des promoteurs et financeurs du projet de station de recherche de l’Ouest guyanais étaient présents à l’inauguration : ici de gauche à droite, M. Patrick LECANTE, président du Comité de l’eau et de la biodiversité de Guyane ; M. Stéphane BLANC, directeur de l'INEE du CNRS ; M. Jean-Paul FEREIRA, maire d’Awala-Yalimapo ; M. Antoine POUSSIER, préfet de la région Guyane. © Université de Guyane/Loane Bade

Initiative du CNRS, ce projet a été soutenu par de nombreux partenaires locaux et nationaux. Dans son intervention en vidéo lors de l’inauguration, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France, Christophe Béchu, a ainsi indiqué que son ministère est « fier d'avoir contribué à sa réalisation qui permettra d'apporter un éclairage complémentaire précieux à la connaissance des dynamiques en cours et donc à la construction de nos politiques publiques pour mieux juguler le réchauffement et nous adapter à ses conséquences, pour partie d'ores et déjà inéluctables ». « C'est tout l'objet de la stratégie nationale d'adaptation que nous développons en ce moment même. », a-t-il ajouté.

Co-construire la recherche

Cette inauguration prend place dans un programme de rencontres organisées toute la semaine. « Toutes les parties prenantes sont invitées à exprimer leurs attentes et leurs besoins vis-à-vis des potentialités qu’offre cette station », indique Dominique Joly. En plus des scientifiques des organismes nationaux et de l’université de Guyane, sont ainsi présents la Communauté de Communes de l’Ouest Guyanais et plusieurs maires, la Direction générale des territoires et de la mer de la Guyane, des associations, des représentants du port ou des réserves nationales, ou encore des agences de l’État comme l’Office français de la biodiversité. Le but : développer des programmes scientifiques qui apportent les connaissances nécessaires pour répondre aux enjeux, à moyen et long termes, de ce territoire en pleine expansion démographique.

Un projet de zone atelier1  sera aussi discuté, sur le sujet des dynamiques des socio-écosystèmes littoraux et côtiers de Guyane, de la forêt jusqu’à la mer. Cette zone atelier vise à co-construire à la fois la recherche elle-même et la manière dont les connaissances devront être diffusées aux différents types d'acteurs, dont les décideurs pour éclairer des pratiques et des usages plus résilients. « Comprendre comment l'humain peut habiter de façon durable et soutenable un territoire en y conservant la diversité des ressources, et in fine rendre son occupation sur place possible, est vraiment l’objet des zones ateliers. », traduit Dominique Joly.

Le dernier jour verra, quant à lui, la présentation du « laboratoire vivant » MAGELLAN qui devrait devenir un des sites d’étude à long terme de la zone atelier. Lancé dans le cadre du programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) Solu-BioD, il doit apporter une meilleure connaissance des dynamiques des mangroves guyanaises face aux changements climatiques et aux activités humaines. L’objectif est de proposer des solutions fondées sur la nature pour préserver et valoriser ces socio-écosystèmes fragiles, en lien là aussi avec les acteurs locaux. « Cette nouvelle station est un équipement d’avenir pour la Guyane et un formidable outil pour développer la science et l’enseignement supérieur dans l’Ouest guyanais. », conclut Stéphane Blanc.

  • 1Constituées en réseau national, les zones ateliers ont comme problématique de recherche de décrire, comprendre et prédire la réponse des socio-écosystèmes au changement global, pour formaliser et théoriser leur fonctionnement, et aider ainsi à leur gestion et à leur gouvernance. Elles se focalisent autour d’une unité spécifique (un fleuve, un paysage agricole ou urbain, un littoral, ou encore la vie dans des environnements caractérisés par une irradiation chronique d’origine naturelle ou naturelle renforcée). https://www.inee.cnrs.fr/fr/zones-ateliers

Une station intégrée au tissu local de recherche et d'infrastructures

Bâtiment
L’implantation de la station à Awala-Yalimapo est symbolique de l’importance historique des recherches sur les tortues marines menées ici depuis plus de trente ans. © Charline Leroy/LEEISA

La station de recherche de l’Ouest guyanais vient enrichir un ensemble de dispositifs complémentaires, dans lesquels le CNRS investit depuis des dizaines d’années pour soutenir les efforts de recherche dans la région. En écho aux recherches sur les tortues marines suivies par ses équipes depuis 30 ans, l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien1  de Strasbourg est ainsi moteur dans la construction de cette station, tout comme le Laboratoire écologie, évolution, interactions des systèmes amazoniens2  créé en Guyane en janvier 2016. Une première station, en pleine forêt amazonienne, a été installé aux Nouragues, dans l’est de la région dès 1986, et plusieurs places forestières expérimentales sont opérées par le laboratoire Écologie des forêts de Guyane3  à Paracou. Ses dispositifs sont tous intégrés dans l’infrastructure nationale AnaEE dédiée à l’analyse et à l’expérimentation sur les écosystèmes continentaux. S’ajoute aussi un Observatoire Homme-Milieu qui étudie l'impact de la construction d’un pont sur le fleuve Oyapock. Le labex CEBA (Centre d'étude de la biodiversité amazonienne) anime, quant à lui, une communauté de recherche nationale4 et internationale et tiendra pendant la semaine ses journées annuelles : elles apporteront des éléments scientifiques autour des questions évoquées le premier jour par les parties prenantes, le labex CEBA étant déjà un partenaire central dans le développement des politiques publiques en matière de gestion de l’environnement dans la région.

  • 1CNRS/Université de Strasbourg.
  • 2CNRS/Ifremer/Université de Guyane.
  • 3CNRS/Agroparistech/Cirad/Inrae/Université de Guyane.
  • 4Il fédère depuis 2011 un réseau de 13 équipes de recherche françaises issues des établissements suivants : AgroParisTech, CIRAD, CNRS, IFREMER, INRAE, Institut Pasteur, IRD, MNHN et Université de Guyane.