L’innovation révolutionne le sport

Innovation

Alors que Paris accueille les Jeux Olympiques 2024, l’innovation permet d’aller toujours « plus vite, plus haut, plus fort » dans le domaine du sport. Et ce, grâce aux chercheurs - notamment du CNRS -, aux industriels, aux start-up, et bien entendu, aux athlètes. 3, 2, 1, c’est parti !

Technologie des équipements sportifs, analyse des performances et Big Data, médecine du sport, expérience spectateurs, e-sport, billetterie électronique et RFID…,  l’univers sportif est un vaste terrain de recherche pour les scientifiques. Et tout naturellement, pour les chercheurs du CNRS, organisme de recherche multidisciplinaire, dans sa mission de service public. « À l’approche de l’organisation en France de la coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024, le CNRS s’est emparé, depuis 2018, de la thématique recherches, sports et activité physique. Le CNRS a ainsi créé un Groupement de Recherche (GDR) sur le sport et l’activité physique », explique Audrey Bergouignan, Directrice de Recherche au CNRS et Directrice du GDR. Et de préciser : « l’objectif est de fédérer l’ensemble des acteurs du sport et de l’activité physique, en mettant en synergie les laboratoires de recherche, les industriels du sport, et les usagers que sont les fédérations sportives, leurs athlètes et plus généralement le citoyen ». L’organisme rassemble aujourd’hui 1300 chercheurs et environ 150 laboratoires de recherche à travers la France dont une centaine rattachée au CNRS.

L’innovation un sujet de recherche pluri et interdisciplinaire


Étant donnée la diversité des enjeux scientifiques et sociétaux en lien avec le sport et l’activité physique, de nombreuses disciplines sont mobilisées. Tout d’abord, physiologie, biologie, psychologie, biomécanique, neurosciences, sciences humaines et sociales participent à une meilleure compréhension des déterminants morphologiques, psychologiques, intellectuels, socio-économiques des athlètes de haut niveau. Par ailleurs, ingénierie, mécanique, sciences des matériaux, physique, chimie, mathématiques se conjuguent pour créer des équipements sportifs de pointe qui défient les limites humaines. Ce n’est pas tout ! Neurosciences, psychologie et sciences sociales identifient les freins et les facteurs biologiques et socio-environnementaux facilitant la pratique sportive au quotidien. De leur côté, la médecine, la biologie, la génétique et les neurosciences collaborent étroitement pour promouvoir l'exercice physique comme rempart contre les maladies chroniques, redéfinissant ainsi les frontières de la santé publique. Enfin, sciences de l'éducation, de l'aménagement du territoire et du droit permettent de garantir l'accès à une activité physique enrichissante tout au long de la vie, tout en respectant notre environnement précieux.

Retour avec quelques têtes chercheuses sur la dimension terrain de l’innovation dans le sport.

Le laboratoire gagne du terrain sportif


« Pour être crédible en tant que chercheur dans le domaine du sport, il importe d’avoir une connexion forte avec le sport ». D’emblée, Laurent Vigouroux, enseignant-chercheur (MCF, HDR[1]) de Aix-Marseille Université, à l’Institut des Sciences du Mouvement (ISM, CNRS/ Aix-Marseille Université) souligne la polysémie du terme « connexion ». D’une part, ce chercheur-grimpeur est passionné d’escalade. D’autre part, il a créé un outil d’entraînement instrumenté et connecté pour l’escalade sur la base de ses recherches en physiologie et en biomécanique: la SmartBoard. Concrètement, les grimpeurs se suspendent à cette prise d’escalade et réalisent des tractions en utilisant différents types de préhensions. Des capteurs de force disposés dans la prise et une application installée sur une tablette collecte et traite les données pour déterminer la performance réalisée. Sur la base des résultats, des profilages physiologiques et des entraînements individualisés sont proposés. « La recherche sportive est sortie du laboratoire. Aujourd’hui, notre labo, c’est le terrain », se réjouit le chercheur qui salue une « science in situ plus au contact des enjeux des pratiquants, des sportifs de haut-niveau et des entraineurs ». Et d’ajouter : « la SmartBoard apporte avec pédagogie la science au monde de l’escalade ». Après le dépôt du brevet en 2015, l’enseignant-chercheur-grimpeur a lancé en 2019 sa start-up « Science for Climbing » qui commercialise déjà cette innovation dans toute l’Europe. Grâce à sa présence dans les pôles France, les grimpeurs de l’équipe de France se sont entraînés sur la SmartBoard pour préparer les JO de Paris pour tenter d’afficher toujours de meilleures performance et nous régaler de « la beauté du geste 

Test d'une SmartBoard © Cyril FRESILLON/ISM/CNRS Images

Un mental d’acier, car toujours plus connecté !


Dans la pratique sportive, entre deux joueurs, entre deux équipes, c’est souvent le mental qui fait la différence. Entraîner le cerveau des athlètes, c’est justement le champ de recherche de Camille Jeunet Kelway, chercheuse CNRS en sciences cognitives à l'Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d'Aquitaine (INCIA, CNRS/Université de Bordeaux). Elle a mis au point le neurofeedback, une innovation 100 % basée sur la science qui permet d’objectiver, de quantifier, de guider et de motiver les athlètes lors de l’entraînement. « Pour muscler son mental, le sportif peut recourir à de nombreuses techniques : la relaxation, la méditation, l’imagerie motrice… Dans ce dernier cas, quand un joueur de foot, de tennis ou de basket s’imagine en train de faire le mouvement, il active les mêmes zones du cortex moteur que lors qu’il réalise effectivement le mouvement », explique la chercheuse. En entraînement, le sportif, un joueur de tennis par exemple, coiffé d’un bonnet à électrodes, se visualise tapant en coup droit dans la balle. Il ressent toutes les sensations : la pression de la raquette, l’extension des muscles de l’épaule, la température… « Le préparateur mental peut alors savoir ce qui se passe dans la tête du jouer et ainsi, mieux le guider et le motiver. Le neurofeedback est très bien accueilli », se félicite Camille Jeunet Kelway, directrice adjointe du Smart, un gymnase connecté à Bordeaux. Cette innovation conçue pour les sportifs de très haut niveau – la nageuse landaise Assya Morin-Espiau qualifiée pour les JO Paralympiques s’est entraînée avec cette technologie – gagne aujourd’hui les terrains amateurs.

Repousser les limites du handicap


« Notre métier de chercheur, l’innovation, est une façon d’utiliser ce qui existe déjà, pour d’autres finalités. Par sérendipité, le chercheur risque de faire une découverte. C’est rare et de l’ordre de la surprise ». Cela posé, Vance Bergeron, franco-américain, physicien, directeur de recherche au CNRS au Laboratoire de physique de l'ENS de Lyon (CNRS/ENS Lyon), a mis au point une innovation spectaculaire qui révolutionne la vie des personnes paralysées. Cycliste passionné devenu tétraplégique incomplet depuis un accident de vélo sur la route, il travaille sur l’électrostimulation et permet à des personnes en situation de handicap de remonter sur un vélo.

En 2016, il met au point le « Carbon Trike », tricycle couché en fibres de carbone pour concourir, avec l’équipe de l’ENS de Lyon, à l’épreuve de vélo à stimulation électrique du Cybathlon (jeux olympiques pour athlètes augmentés). En 2018, Vance Bergeron crée avec son ancien doctorant Amine Metani, chercheur en rééducation neurologique la start-up Circles et ouvre, à deux pas de son laboratoire, une salle de sport de 150 m2 dédiée aux sportifs handicapés moteur qui, stimulés par des électrodes, y pratiquent du rameur, du vélo à l’électrostimulation, travaillent avec des kinés dans une démarche amateur ou de compétition. Il a créé une association pour gérer cette salle, l’ANTS, acronyme anglais pour Sport et thérapies neuro-rééducatives avancées. En 2019, pour le lancement de ces activités « qui intègrent le public dans la recherche », il est lauréat de la médaille de l'Innovation en 2019. Une deuxième salle vient d’ouvrir à Grenoble.

Aujourd’hui, les équipes de Vance Bergeron intègrent directement les électrodes dans le vêtement des sportifs. Il suffit alors d’enfiler son jogging « sur-mesure » pour stimuler le muscle et actionner le pédalier.

La portée de ces recherches non seulement repousse les limites du handicap mais dépasse le domaine sportif. « Le sport est la chose la plus importante pour la santé, notamment pour les personnes handicapées. Pour ces dernières, aller à la salle garantit également la dose nécessaire de sociabilité. C’est fondamental de sortir de chez soi ! », analyse le chercheur humaniste.

Vance Bergeron au Cybathlon © ETH Zurich/N. Pitaro

La recherche partenariale au service de la performance


« Au CNRS, nous essayons d’appliquer les résultats de notre recherche fondamentale. Cela passe notamment par la création de start-up, le partenariat avec les industriels et avec les fédérations en matière sportive ». Et cela marche ! Ces mots sont ceux d’Antoine Petit[2], président-directeur général du CNRS, lui-même passionné de sport. La pertinence de la collaboration entre les acteurs académiques et industriels n’est plus à démontrer.

Par exemple, avec DECATHLON Sportslab qui rassemble notamment près de 40 ingénieurs de recherche et développement et orchestre divers thèmes concernant l’interaction corps/produit. Équipés d’outils de pointe et de 900 m2 de laboratoire, ils apportent des expertises scientifiques visant la protection du sportif et l’amélioration de sa performance. « La recherche partenariale est fondamentale pour DECATHLON, afin de concevoir des produits qui répondent aux évolutions du sport et des pratiques sportives », affirme Nils Guéguen, chef de projet recherche et développement au DECATHLON SportsLab. Une chaire industrielle a ainsi été initiée il y a quelques années avec l’Institut des sciences du mouvement Etienne-Jules Marey (ISM, CNRS/Aix-Marseille Université) pour guider la conception de nouveaux matériels et assurer l’arrivée sur le marché de produits innovants dont les bénéfices sont prouvés scientifiquement. Un partenariat avec l’ISM et le Laboratoire d’Automatique, de Mécanique et d’informatique Industrielles et Humaines (LAMIH, CNRS/Université Polytechnique Hauts-de-France) a aussi permis de mettre à disposition de DECATHLON une expertise reconnue en traitement des données d’analyse de mouvements en cinématique et dynamique, dans le but de créer des chaussures de tennis pour enfant répondant aux besoins d’un pied en croissance.

Chercheurs des mondes académiques et industriels travaillent ainsi main dans la main pour mettre au point une chaussure de sport, un casque de vélo ou un masque de plongée qui soient les mieux adaptés aux besoins et corps de leurs utilisateurs. Pour le plus grand bonheur des amateurs, des professionnels et des spectateurs !

 

[1] Maîtres de Conférences-Habilités à Diriger des Recherches

[2] Intervention lors du colloque organisé au CNRS par l’ANRT « la recherche partenariale au service de la performance sportive » le 14 mars 2024