Granulats de bois additivés © CCB Greentech

Chaire industrielle SWITCH : accompagner la révolution du béton de bois

Innovation

L’école Polytech Clermont (Clermont Auvergne INP, composante de l’Université Clermont Auvergne) et l’entreprise CCB Greentech ont donné le coup d’envoi de la chaire industrielle SWITCH, avec le soutien de l’Institut Pascal (Université Clermont Auvergne/CNRS). À travers des projets de recherche et des actions de formation, les différentes entités entendent favoriser le recours au béton de bois, matériau de construction innovant et écologique.

« Le modèle actuel de la construction de bâtiments arrive en fin de vie », affirme, sans détour, Sofiane Amziane, professeur des universités à l’Université Clermont Auvergne. « L’impact environnemental des matériaux utilisés ne peut plus être négligé et il est crucial de réduire la dépendance aux énergies fossiles. » Ainsi, de nouvelles réglementations exigent de prendre en compte l’empreinte carbone des bâtiments, à l’image de la RE2020. De même, le code de l’environnement impose le recours aux matériaux biosourcés dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique, à compter du 1er janvier 2030.

Un matériau de construction à faible empreinte carbone


L’entreprise CCB Greentech propose un matériau de construction à même de répondre à ces exigences : TimberRoc. Il s’agit d’un béton de bois, composé à 80 % de granulats de bois, incorporés à du ciment et à de l’eau. Une innovation née de la volonté de François Cochet, cofondateur de l’entreprise, de valoriser les chutes de scierie et aujourd’hui protégée par treize brevets. « Il ne suffit pas simplement de mélanger les trois éléments pour obtenir un béton de bois répondant aux normes et aux exigences techniques », souligne Laurent Noca, cofondateur et directeur technique de CCB Greentech. « Nos granulats sont d’abord issus d’une sélection particulière du bois et d’une technique spécifique de broyage. Ensuite, nous procédons à un traitement visant à favoriser la prise du ciment et à stabiliser le béton de bois. » Ce sont ces granulats traités qui sont livrés aux clients de l’entreprise – des industriels spécialisés dans la préfabrication –, qui y ajoutent l’eau et le ciment pour produire le matériau TimberRoc. 

Celui-ci affiche alors plusieurs propriétés intéressantes : bonne absorption acoustique, résistance au feu, légèreté, résistance mécanique inférieure à celle d’un béton classique, mais suffisante pour de nombreuses applications… Et ce, avec une empreinte environnementale faible, voire négative. « Réaliser le bilan carbone d’un produit revient à analyser son cycle de vie, de l’extraction des matières premières à sa destruction », détaille Laurent Noca. « En effectuant ce travail sur TimberRoc, avec les méthodes de calcul françaises, on note que la quantité de CO2 stockée est supérieure à celle émise. Son bilan carbone est donc négatif, comme l’attestent nos fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES). »

De plus, le béton de bois contribue à réduire la consommation énergétique des bâtiments, grâce à son isolation intégrée et à son inertie thermique. Et il ne s’agit là que de quelques caractéristiques du matériau qui pourrait révolutionner le secteur de la construction. « Le béton de bois possède certaines propriétés (hygrothermie, résistance aux chocs…) qui restent à mieux caractériser et dont nous souhaitons mieux comprendre les effets sur un ouvrage », constate Laurent Noca.

Mise en oeuvre des murs préfabriqués en béton de bois TimberRoc © CCB Greentech

Une chaire pour approfondir la connaissance du béton de bois


C’est pourquoi CCB Greentech s’est rapprochée de l’équipe de Sofiane Amziane, au département Génie Civil de Polytech Clermont[1] . « Au début, l’idée était d’étudier comment profiter des propriétés d’inertie thermique et de transfert hygrothermique du béton de bois pour mieux réguler la température et l’humidité au sein des bâtiments », se souvient le chercheur. « Mais nous avons rapidement remarqué que nous pouvions aborder bien d’autres problématiques. » Une richesse de sujets qui a poussé CCB Greentech et Polytech Clermont à créer une chaire industrielle baptisée SWITCH (Sustainable Wood Insulation concrete for a Transition to low Carbon Habitat), avec le soutien de l’Institut Pascal (Université Clermont Auvergne/CNRS).

Inaugurée le 5 juillet 2024, la chaire vise premièrement à s’appuyer sur le savoir-faire du département Génie Civil de Polytech Clermont pour approfondir l’évaluation des propriétés de TimberRoc. « Nous souhaitons aussi travailler sur de nouvelles recettes de béton de bois », ajoute Laurent Noca. « Le but peut être de diminuer l’empreinte carbone, d’exploiter davantage les ressources locales, ou encore de répondre à d’autres modes de mise en œuvre. » L’équipe de recherche entend également conduire des études sur les systèmes constructifs élaborés à partir de béton de bois, en évaluant et en validant les performances obtenues. Enfin, les chercheurs s’intéresseront au comportement des bâtiments, à travers notamment la réalisation d’un démonstrateur dans le cadre de la chaire.

Un élément de réponse à l’urgence climatique


Cependant, si les deux partenaires ont choisi ce mode de collaboration, c’est aussi pour son volet de formation. « Une technologie, comme celle du béton de bois, ne peut être véritablement adoptée que lorsqu’elle est maîtrisée par la société », assure Sofiane Amziane. « Il est dès lors essentiel de recourir à un dispositif incluant un transfert de connaissance vers les étudiants, ce qui constitue un des piliers d’une chaire industrielle de recherche et de formation. » SWITCH comprendra donc des visites d’entreprises et de chantiers, ainsi que des cours et des conférences données par CCB Greentech.

« En fin de compte, l’enjeu est, ni plus ni moins, de sauver la planète », considère le chercheur. « Les villes prennent désormais totalement conscience de l’impact écologique de leurs bâtiments et la lutte contre le changement climatique est à présent un sujet incontournable dans le secteur de la construction. Il faut donc proposer des solutions, et le béton de bois en fait partie. » La chaire SWITCH vise ainsi à accompagner cette approche innovante d’une nouvelle ingénierie du bâtiment, afin de tirer pleinement parti des propriétés de ce matériau révolutionnaire. Une révolution dont l’impact pourrait même être aujourd’hui sous-estimé, selon Sofiane Amziane. « Nous préparons un projet de recherche autour de la question suivante : si une ville ne possédait que des bâtiments en béton biosourcé, le climat y serait-il plus clément ? Des simulations nous permettront d’évaluer cette influence ».