La science reprend ses quartiers au Palais

Institutionnel

Après cinq ans de travaux, le Palais de la découverte entame sa séquence de réouverture le 11 juin prochain. La nouvelle programmation a été accompagnée par le CNRS, partenaire scientifique de référence du projet.

« C’est une institution vivante, qui occupe une place unique dans l’histoire de notre pays, d’un point de vue culturel, scientifique ou politique. » Quand Bruno Maquart, président d’Universcience1 , évoque le Palais de la découverte, on mesure immédiatement toute l’importance de ce musée emblématique, dont la rénovation se termine bientôt.

Situé à Paris, au pied des Champs-Élysées, il fut la première grande institution française consacrée à ce que l’on appelle aujourd’hui la diffusion de la culture scientifique. Conçu pour l’Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne en 1937, il visait à l’origine à promouvoir la science comme levier de progrès pour la société française et, plus largement, de coopération intellectuelle internationale et de la paix. Sa création, concomitante à celle du CNRS est portée par les milieux intellectuels et scientifiques de l’époque, tout particulièrement le prix Nobel de physique Jean Perrin. À son ouverture, plus de 2 250 000 visiteurs le fréquentent en l’espace de six mois et la presse est élogieuse. « Le Palais de la découverte a été l’un des – sinon le – clou de l’Exposition de 1937. », confirme Charlotte Bigg, historienne des sciences.

Un positionnement complémentaire 

Ce succès n’a jamais été démenti puisque le musée accueillait plus de 500 000 visiteurs par an et avait cumulé plus de 36 millions de visiteurs à sa fermeture pour travaux en 2020. Le Palais de la découverte reste l’un des atouts d’un paysage parisien riche d’une grande diversité d’établissements de diffusion et de promotion des sciences. Ces institutions présentent des points de vue et objectifs qui se complètent et se répondent : par exemple, les techniques sont présentées dans une approche historique et patrimoniale au musée des Arts et Métiers, les sciences naturelles sont au Muséum national d’Histoire naturelle, et la Cité des sciences et de l’industrie – autre composante d’Universcience – met en valeur les sciences et technologies contemporaines face aux grands enjeux de société. Mais au Palais de la découverte, la recherche fondamentale est un thème central. Dans cet écrin, le visiteur en appréhende une vision d’ensemble cohérente, faisant le lien entre les connaissances établies et les développements les plus contemporains.

Le jour de l'inauguration de l’exposition temporaire qu’est alors le Palais de la découverte, en 1937, le président de la République Albert Lebrun visite la salle de cristallographie en compagnie notamment de Jean Perrin (au centre). © Palais de la découverte

Au-delà de son sujet, c’est également sa posture particulière qui fait la spécificité du musée. Celui-ci « a inventé le musée de sciences moderne », précise Bruno Maquart, du moins en France. En rupture avec les collections d’objets ou de spécimens qui étaient le modèle dominant des musées à sa création, le Palais propose des démonstrations immersives en direct. Ce sont des médiateurs et médiatrices, mis au cœur du musée, qui permettent au public d’« expérimenter concrètement » les questions de sciences, de développer sa curiosité, d’attiser son esprit critique et de tester sa capacité de jugement.

Un musée vivant

« La médiation humaine – réactive, à l’écoute des publics, en prise directe avec la recherche contemporaine – est un format irremplaçable, si l’on veut montrer l’importance de mobiliser la démarche scientifique pour répondre aux grands défis du monde contemporain. », ajoute Matteo Merzagora, directeur de la médiation scientifique et de l'éducation d’Universcience.

Un démonstrateur du Palais de la découverte anime une médiation scientifique d'astronomie en s'appuyant sur une maquette présentée dans la "salle de la Lune", en 1937. © Palais de la découverte

Ce choix « révolutionnaire » est devenu la marque de fabrique du Palais. « C’est d’abord pour participer aux démonstrations et exposés que l’on y va », témoigne ainsi le physicien Jean-Michel Courty, médaille de la médiation scientifique du CNRS 2021. Comme de nombreux scientifiques français qui disent lui devoir leur vocation, il sait de quoi il parle : « Adolescent, j’y ai passé de longues journées à suivre et resuivre les exposés et à tenter de comprendre les expériences présentées en vitrine ».

Aujourd'hui, il est l’un des neuf commissaires scientifiques nommés par le CNRS pour accompagner la rénovation du Palais de la découverte, l’organisme étant le partenaire scientifique de référence du projet.

Une expertise et une vision d’ensemble

Le CNRS a nommé neuf commissaires scientifiques pour accompagner les équipes d’Universcience dans l’élaboration du programme muséographique du nouveau Palais de la découverte :

  • pour l’astronomie, Karim Benabed, enseignant-chercheur à Sorbonne Université, à l’Institut d'astrophysique de Paris (CNRS/Sorbonne Université)
  • pour les sciences humaines et sociales (SHS), Charlotte Bigg, chargée de recherche au CNRS au Centre Alexandre-Koyré (CNRS/EHESS/MNHN)
  • pour la physique, Jean-Michel Courty, professeur à Sorbonne Université, au Laboratoire Kastler Brossel (CNRS/Collège De France/ENS – PSL/Sorbonne Université)
  • pour les mathématiques, Clotilde Fermanian, professeure à l’Université d’Angers, au Laboratoire angevin de recherche en mathématiques (CNRS/Université d’Angers)
  • pour les géosciences, Jérôme Gaillardet, professeur à l’Institut de physique du globe de Paris, dans l’UMR-Institut de physique du globe de Paris (CNRS/Institut de physique du globe de Paris/Université Paris Cité)
  • pour l’informatique et les sciences du numérique, Christian Jutten, professeur émérite à l’Université Grenoble Alpes, au laboratoire Grenoble images parole signal automatique (CNRS/Université Grenoble Alpes), et membre honoraire de l’Institut universitaire de France
  • pour la chimie, Claire-Marie Pradier, directrice de recherche émérite au CNRS, et Anne-Valérie Foillard Ruzette, chargée de recherche au CNRS, à l’institut CNRS Chimie
  • pour les sciences de la vie, Jean-Louis Vercher, directeur de recherche émérite au CNRS, à l’Institut des sciences du mouvement - Etienne-Jules Marey (CNRS/Aix-Marseille Université)

Cette rénovation d’envergure – le chantier aura duré près de cinq ans – vise à moderniser des espaces qui n’avaient pas connu de travaux d’ampleur depuis l’ouverture du Palais de la découverte il y a près de quatre‐vingt‐dix ans, mais aussi à prendre en compte les évolutions de la science et les possibilités offertes par de nouveaux dispositifs de médiation scientifique. « L’objectif de notre nouvelle approche muséographique est de créer des rencontres dynamiques, mémorables et directes avec la science en train de se faire. », affiche Bruno Maquart.

Une porte ouverte sur la science contemporaine

À terme, lorsque tous les espaces seront ouverts fin 2026, le public retrouvera les emblématiques salles d’exposés – espaces d’échange avec les médiatrices et médiateurs –, les démonstrations spectaculaires dans l’esprit de l’Exposition internationale de 1937, avec des dispositifs de grande dimension illustrant par exemple les hautes tensions et les hautes intensités, ainsi qu’un tout nouveau planétarium, sans oublier un télescope d’observation sur le toit.

S’ajoutent des espaces inédits, dont des « laboratoires » où les visiteurs pourront expérimenter les différentes pratiques des scientifiques : observer, analyser, échanger, tester et simuler. Ou encore une salle immersive qui permettra aux publics de visiter virtuellement de grands équipements ou des lieux de recherche difficilement accessibles comme les grands accélérateurs ou l’Antarctique. « Nous veillons à ce que les choix des technologies utilisées soient toujours au service du contenu », précise Matteo Merzagora : « Parfois, toucher un insecte, une forme géométrique bizarre ou observer une réaction chimique est beaucoup plus intéressant qu’un casque VR. Dans d’autre cas, la réalité virtuelle, augmentée ou les espaces immersifs sont des outils extraordinaires. »

Le Palais des enfants est un nouvel espace conçu avec le GrandPalaisRmn, qui entend établir un dialogue fluide et ludique entre arts et sciences, mêlant esprit critique, curiosité, rêverie et émerveillement. Transparence est sa première exposition. © Studio Bloomer

Le parcours comprendra également plus d’une quarantaine de mini-expositions permanentes, ou « îlots de curiosité », et quelques grandes installations plus temporaires présentant des résultats marquants de la recherche actuelle, les « îlots de recherche contemporaine ». Et un Palais des enfants, à destination des 2-10 ans, proposera une offre inédite d’expositions temporaires art-science coproduite avec GrandPalaisRmn car « art et science partagent un objectif commun : donner du sens au monde ».

Pour que le projet soit une réussite, Universcience a donc souhaité se faire accompagner par le CNRS. Pourquoi ? « Tout simplement parce que c’est le meilleur gage de pertinence que l’on puisse imaginer ! », assure Bruno Maquart.

Un partenariat de long terme

« Grâce à ce partenariat, le Palais de la découverte présentera au public la science de son temps : ses résultats les plus novateurs, les défis qu’elle relève chaque jour, les questionnements et les méthodes qui conduisent à une production de connaissances vérifiées et fiables, et, bien sûr, celles et ceux qui font la science, ces équipes, ces laboratoires, ces scientifiques qui sont une immense richesse de notre pays et que le public connaît trop peu. », développe Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, qui préside également le comité scientifique et culturel du projet de rénovation.

L’organisme contribue ainsi à l’élaboration de tous les contenus du nouveau Palais dans les sept disciplines majeures représentées – astronomie, chimie, géosciences, informatique et sciences du numérique, mathématiques, physique, sciences de la vie – et en assure la validation scientifique. « C’est une co-construction », souligne Charlotte Bigg qui est aussi l’une des commissaires, citant les apports complémentaires indispensables des muséographes, des médiateurs et des scientifiques.

La nouvelle salle d’électricité rassemblera les phénomènes électriques des deux salles emblématiques de l’ancien Palais de la découverte : la salle « électrostatique » et la salle « électromagnétisme ». © CassonMann /Palais de la découverte

« Être commissaire, c’est d’abord faire des choix. », détaille Jean-Michel Courty. Des choix sur les domaines abordés, les contenus présentés, leur mise en scène, etc., tout en restant « au plus près de ce qu’est la science aujourd’hui, telle qu’elle se pense et se pratique dans les laboratoires ». Fort de sa présence sur tout le territoire national et dans l’ensemble des disciplines, aussi bien qu’à leurs interfaces, « seul le CNRS pouvait proposer la vision et la cohérence nécessaires », résume le chercheur.

À travers les commissaires et le comité scientifique et culturel, toutes les communautés scientifiques françaises sont donc sollicitées. Y compris – et c’est nouveau au sein du Palais de la découverte(link is external) – les sciences humaines et sociales : quatre îlots de curiosité, éclairant par exemple la formation des scientifiques ou ce que sont l’incertitude et le consensus en sciences, donneront en effet à voir les « coulisses de la recherche » telles qu’elles sont analysées par les SHS, selon Charlotte Bigg.

Rendez-vous en juin

Il sera indispensable de  valoriser ce travail d’ampleur sur le long terme. « Le projet Palais de la découverte est une opération de vulgarisation majeure de la recherche française pour les 20 ans à venir. », avance même la chercheuse. L’occasion pour le CNRS et les communautés scientifiques de « réfléchir collectivement à ce que l’on veut dire sur la recherche, sur ce que l’on fait, comment et pourquoi on le fait ».

Pendant les travaux de rénovation, les médiatrices et médiateurs scientifiques du Palais de la découverte ont accueilli le public au cœur d’une structure étonnante, les Étincelles, dans le 15e arrondissement de Paris (ici la Fête de la science 2023). © Arnaud Robin/EPPDCSI

Antoine Petit l’atteste : « À une époque où le besoin de science ne s’est jamais fait autant ressentir pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain,  avec une attente forte de nos concitoyens et concitoyennes de connaissances scientifiques leur permettant de mieux comprendre les grands enjeux en particulier climatiques, sanitaires, énergiques, sociétaux, le Palais de la découverte avec ses expositions tant permanentes que temporaires est un instrument indispensable, au même titre que le CNRS. » Et pour préserver nos démocraties, combattre la désinformation, les idées fausses, les solutions simplistes et les théories du complot : « La science et notre pays en ont également besoin. »

Cette collaboration s’inscrit donc dans la continuité des relations entretenues de longue date par le CNRS et Universcience pour mettre en valeur la recherche française et internationale. Elle se poursuivra après la réouverture du Palais de la découverte, qui aura lieu en plusieurs étapes. S’il faudra attendre 2026 pour avoir accès à l’ensemble des espaces, une exposition temporaire sur l’intelligence artificielle et l’exposition Transparence au Palais des enfants, coproduite avec GrandPalaisRmn, seront disponibles dès juin, et une série de médiations et d’événements sera proposée jusqu’à la Fête de la science. Parmi eux, le CNRS organise des Échappées inattendues au sein même du Palais les 28 et 29 juin. En un mot, emprunté à Matteo Merzagora : « On arrive, et on sera à la hauteur des attentes ! ».

Notes

  1. Établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de d’industrie.