Jussies d'eau, "Ludwigia peploides", sèches, utilisées par Cladue Grison et son équipe dans des biofiltres dépolluants
Jussies d'eau, "Ludwigia peploides", sèches, utilisées par Cladue Grison et son équipe dans des biofiltres dépolluants© Cyril FRESILLON / ChimEco / CNRS Images

CNRS Chimie lance une cellule développement durable

Institutionnel

Le 6 mai 2024, CNRS Chimie lançait sa cellule développement durable, une nouvelle structure qui réfléchit aux possibilités ouvertes par les travaux de ses laboratoires en matière de protection de l’environnement et de la biodiversité.

En juin 2022, la chimiste Claude Grison, directrice de recherche au CNRS, reçoit le prestigieux Prix de l’inventeur européen de l’année, tant pour ses activités de recherche au laboratoire Chimie bio-inspirée et d’innovations écologiques1 , que pour celles menées au sein de sa start-up Bio Inspir'. De la recherche fondamentale à l’innovation, un seul et même combat l’anime : dépolluer les sols et l’eau à l’aide des plantes.

Cette récompense témoigne de l’effervescence des recherches en chimie durable, lorsque celle-ci permet d’analyser les phénomènes qui dérèglent l’environnement ou de trouver des alternatives en matière d’énergie, de matériaux ou de santé. Les travaux des chimistes au chevet de la planète sont légion et ont motivé la création d’une cellule développement durable à CNRS Chimie, l’un des dix instituts du CNRS.

Dix personnes, issues aussi bien de l’institut que de laboratoires2 , composent cette nouvelle cellule. Sandrine Sagan, directrice adjointe scientifique (DAS) de CNRS Chimie, précise les missions de cette jeune instance : « La cellule développement durable de CNRS Chimie se fera l’écho des initiatives et résultats de la recherche qui rentrent dans le cadre du développement durable. Il ne s’agit pas que la cellule traite du mode de fonctionnement des laboratoires, un problème déjà pris en charge par la cellule développement durable nationale, mais essentiellement de la science associée à cette problématique ». La structure aura donc pour objectif d’effectuer une veille, de valoriser, d’animer et de fédérer les laboratoires de chimie engagés sur les thématiques contribuant à la soutenabilité environnementale. Soutiens ciblés, événements scientifiques et communications dédiées aideront à cette mise en œuvre.

Le 6 mai dernier, une journée institutionnelle au siège parisien du CNRS illustrait les pratiques nouvelles des laboratoires de chimie intégrant des enjeux environnementaux. À cette occasion, Alain Schuhl,  directeur général délégué à la science de l’organisme, rappelait certes « la responsabilité de continuer à faire de la recherche d’excellence, mais aussi la responsabilité d’être exemplaire, notamment en effectuant un bilan environnemental de nos activités ou en rationnalisant nos achats », responsables à eux seuls de 74 % des émissions de gaz à effet de serre du CNRS en 2019. De ce point de vue, la cellule développement durable de l’institut complète parfaitement la stratégie de transition bas carbone de l’établissement. La chimie ambitionne d’être un acteur proactif dans la lutte contre les changements globaux et les pollutions de toutes sortes, comme Jacques Maddaluno, directeur de CNRS Chimie, le revendique : « Les chimistes sont parmi les scientifiques les plus à même d’agir, nous devons porter ce changement à travers des propositions concrètes directement inspirées de nos projets de recherche ».

 

La journée institutionnelle au siège du CNRS le 6 mai 2024
La journée institutionnelle au siège du CNRS le 6 mai 2024. ® CNRS Chimie

 

De la santé aux matériaux : les chimistes à la base de solutions environnementales

De fait, lors de cette journée du 6 mai, les interventions successives ont toutes présenté des travaux issus de plusieurs années de recherches ou encore en cours, illustrant la manière dont la chimie peut se pencher sur les problématiques environnementales. C’est le cas de Christophe Gantzer, enseignant-chercheur à l’université de Lorraine au sein du Laboratoire de chimie physique et microbiologie pour les matériaux et l'environnement3 , qui témoignait de l’exponentielle montée en puissance du réseau Obépine. Lancé en mars 2020, en pleine pandémie de Covid-19, cet observatoire épidémiologique a suivi de près la propagation du virus à travers l’analyse des eaux usées, utilisées comme un indicateur quantitatif. Une méthode qui a permis d’estimer finement, avec six ou sept jours d’avance sur les autres indicateurs, les évolutions du virus. Aux yeux du chercheur lorrain, Obépine et ses 200 stations d’observation, transférés en mars 2022 aux agences nationales, représentent non seulement une remarquable « mobilisation multidisciplinaire des laboratoires de recherche en moins de trois mois pour proposer une méthode de surveillance des principales villes françaises et désormais de 40 % de la population », mais offre également un précieux « retour d’expérience pour une préparation à une éventuelle future pandémie ».

Pour sa part, Lenka Svencova, enseignante-chercheuse à Grenoble INP au sein du Laboratoire d'électrochimie et de physicochimie des matériaux et des interfaces4 , dirigeait son regard vers l’avenir en présentant deux nouvelles approches pour recycler les métaux : la solvométallurgie et la ionométallurgie. Ces deux méthodes, utilisant des solvants non aqueux pour extraire et séparer des métaux, pourraient jouer un rôle crucial dans les prochaines années, à l’heure où l’Union européenne, pour des raisons environnementales et de souveraineté stratégique, ambitionne d’ici 2030 de recycler jusqu’à un quart des matériaux dits « critiques », matières à forte valeur économique menacées de rupture d’approvisionnement, comme la bauxite, le cobalt ou encore le lithium.  

Ces potentielles innovations pourront s’accompagner de pratiques de recyclage accrues. Co-directeur pour le CNRS du PEPR5 Recyclage, Recyclabilité & Ré-Utilisation des Matières, Jean-François Gérard insistait, dans son intervention, sur l’importance de promouvoir une véritable économie circulaire en plus d’améliorer l’efficacité technique du recyclage des différents matériaux. Ce PEPR fait d’ailleurs intervenir une collaboration interdisciplinaire entre chimie et sciences humaines et sociales. Sophie Szopa, directrice de recherche au CEA au sein du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement6 , abondait dans ce sens. Brossant le panorama mondial des pollutions de l’air, des eaux et des sols, elle invitait les chercheurs à questionner aussi l’impact environnemental de leurs pratiques.

 

Une mine de lithium. La solvométallurgie et la ionométallurgie pourraient permettre le recyclage partiel de cette matière critique pour l'Union européenne
Une mine de lithium. La solvométallurgie et la ionométallurgie pourraient permettre le recyclage partiel de cette matière critique pour l'Union européenne. © Reinhard Jahn  / Creative Commons

 

Mettre en valeur les applications les plus durables de la chimie

C’est également à cette mise en valeur des applications qui pourront avoir un impact sur la durabilité qu’invitait François Jérôme, directeur de recherche CNRS à l’Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers7 . Aux yeux du lauréat de la médaille de l’innovation en 2021, il importe de préciser que « la chimie est à la fois une science et une industrie, ce qui n’est pas clair aux yeux du grand public. À nous, chercheurs, de communiquer et de dire que les sciences chimiques, ce sont par exemple des pigments qui traversent le temps sur un tableau, une nouvelle molécule pour soigner, la valorisation de la biomasse dans les pays en voie de développement et la valorisation du CO2 ».

Ce faisant, le scientifique rappelle l’une des missions de la nouvelle cellule de CNRS Chimie, que résume d’un trait Sophie Duquesne, professeure à l’École Centrale de Lille au sein de l’Unité matériaux et transformations8 : détecter et promouvoir des résultats obtenus dans les laboratoires de chimie pourraient être utilement repris par d’autres communautés dans une perspective de développement durable.

 

Jussies d'eau, "Ludwigia peploides", sèches, utilisées par Cladue Grison et son équipe dans des biofiltres dépolluants
Jussies d'eau, "Ludwigia peploides", sèches, utilisées par Cladue Grison et son équipe dans des biofiltres dépolluants. © Cyril FRESILLON / ChimEco / CNRS Images

 

  • 1CNRS / Université de Montpellier.
  • 2Une enseignante-chercheuse (Sophie Duquesne), une ingénieure de recherche (Louise-Anne Cariou), le service communication de l’institut (Clément Dupuis et Stéphanie Younès), deux membres (Christophe Cartier dit Moulin et Anne-Valérie Foillard-Ruzette) de son pôle expertise, sa responsable administrative (Stéphanie Lecocq) et l’une de ses DAS (Sandrine Sagan).
  • 3CNRS / Université de Lorraine.
  • 4CNRS / Université Grenoble Alpes / Université Savoie Mont Blanc.
  • 5Les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) visent à construire ou consolider un leadership français dans des domaines scientifiques liés à une transformation technologique, économique, sociétale, sanitaire ou environnementale et considérés comme prioritaires au niveau national ou européen
  • 6CEA / CNRS / Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines / Université Paris-Saclay.
  • 7CNRS / Université de Poitiers.
  • 8CNRS / École Centrale de Lille / Inrae / Université de Lille.