Des ateliers participatifs pour réduire l’empreinte carbone de la recherche

Institutionnel

L‘atelier « Ma Terre en 180 minutes » propose aux agents de la recherche d’imaginer des scénarios pour réduire leur empreinte carbone. Plusieurs sessions ont été organisées au printemps. Une session massive a lieu en visioconférence mi-Juin.

C’est à son retour du Vietnam en 2019 et durant les manifestations des gilets jaunes que Nicolas Gratiot, chercheur en hydrologie à l’IRD1 réfléchit à un outil pour aider la communauté à s’engager dans sa transition : « On ne peut demander aux gilets jaunes de faire des efforts si les chercheurs se sentent exempts de cette logique de réduction », explique-t-il, soulignant : « contrairement à beaucoup d’actifs, les personnels du monde académique, les chercheuses et chercheurs et les laboratoires ont une vraie capacité d’action pour orienter leurs choix ». Cela est vrai pour la nature de leurs activités de recherche, mais aussi pour la façon dont ils les réalisent. Car entre les missions de terrains, les nombreuses conférences, le calcul numérique ou encore l’utilisation de grands instruments, l’impact environnemental de la recherche est loin d’être nul, même si inégalement réparti selon les disciplines et les professions.

Avec d’autres chercheurs de Grenoble, Fabienne Giraud, Benoit Hingray, Florence Michau, Géremy Panthou et Géraldine Sarret, l’imagination se débride autour d’un concept qui permettrait, au travers d’ateliers participatifs, « de simuler » une équipe type d’un laboratoire de recherche pour inventer des scénarios de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est ainsi que nait puis se développe  « Ma Terre en 180 minutes » .  

L’atelier, qui se pratique en ligne, débute par une phase de sensibilisation autour des travaux du GIEC2 , de l’empreinte carbone de différents laboratoires ou encore des initiatives naissantes en leur sein. Vient la phase de « jeu de rôle » : les six participants incarnent différents personnages d’une équipe de recherche. Tous les profils sont présents : on y retrouve l’à-quoi-boniste - « à quoi bon réduire, si les autres ne font rien ? », le colibri - « je suis conscient de l’enjeu, j’ai changé mes pratiques individuelles », le « bulldozer » - « ma notoriété et mes fonctions justifient mes déplacement, point », ou encore le militant - « je suis engagé dans des actions collectives pour le climat ». L’objectif pour les participants : suivre les accords de Paris et réduire de 50% l’empreinte carbone de leur équipe virtuelle.

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Lors d'un atelier participatif, les participants incarnent différents personnages d’une équipe de recherche. © Ma Terre en 180 minutes

Les participants, qui ont chacun un rôle spécifique dans l’équipe (directeur de thèse, gestionnaire, doctorant, ingénieur…), commencent une négociation libre, puis guidée par un responsable d’équipe. « C’est aux participants d’imaginer des scénarios originaux pour réduire leur empreinte, liée à leurs déplacements, au calcul intensif, à l’utilisation des grands instruments de recherche… », souligne Henri-Claude Nataf, chercheur en Physique de la Terre au CNRS et chargé de diversifier les jeux. « J’ai été très agréablement surprise de la facilité avec laquelle nous sommes rentrés dans nos personnages, explique Audrey Sabbagh, participante d’un atelier Ma Terre en 180’ et chercheuse en génétique à l’IRD. Lors de la phase de sensibilisation, on découvre les autres participants et, très vite lors de la phase du jeu de rôle, on bascule dans le virtuel : les mêmes visages harborent des personnalités et des convictions différentes. »

Chaque atelier est accompagné par un parrain ou une marraine de table, issu de la société civile ou du monde de l’entreprise, qui anime un « débrief » collectif autour des interactions entre joueurs et des solutions proposées. Sa présence permet de dépasser l’entre soi, de faire le pas de côté pour revisiter les pratiques, d’établir un lien Science Société. Il y a douze « jeux » disponibles actuellement et dix nouveaux en préparation. « Chacun représente une situation d’équipe unique dans des laboratoires différents. Il y a celle qui a des missions en mer, celle qui utilise des grands instruments de calcul, etc… », souligne un autre co-fondateur, Benoit Hingray, chercheur en hydroclimatologie au CNRS. Et tous les bilans d’émission de GES simulés dans les ateliers participatifs proviennent de bilan GES et de calcul d’empreinte carbone réels (hors achats), donnant une vision tout à fait réaliste de l’empreinte de la recherche pour les participants.

Débuté en novembre 2020, Ma Terre en 180 minutes a organisé une cinquantaine d’ateliers participatifs, pour déjà plus de 300 agents de l’ESR. La massification de l’approche puis l’analyse des parties pourrait en faire un véritable outil d’expérimentation puis d’accompagnement. « Avec les possibilités que nous offre la visioconférence qui s’est largement démocratisée avec le Covid-19, nous comptons atteindre les 2/3 de l’ESR français, notamment avec l’aide et l’appui des différentes tutelles de la recherche », indique Nicolas Gratiot.  Par ailleurs, Ma Terre en 180’ est l’un des outils de sensibilisation mis à disposition dans l’expérimentation nationale que porte le Groupement de Recherche Labos 1point53 , pour imaginer des scénarios réalistes permettant de réduire notre empreinte carbone.

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Une table de jeu virtuelle Ma terre en 180 minutes © Ma Terre en 180 minutes

Les ateliers participatifs déjà réalisés ont montré que, si la visio-conférence s’imposait comme une solution notamment pour réduire les déplacements aériens, d’autres leviers sont possibles : « La mutualisation des activités est la seconde alternative mise en avant et plébiscitée par les participants », souligne Nicolas Gratiot avant de conclure : « Cet atelier c’est la vraie vie. Le jeu de rôle permet de virtualiser les choses et de réfléchir en liberté, sans affect par rapport à ses propres activités de recherche et ses propres contraintes professionnelles ».

Pour participer à la session massive entre le 14 et le 18 juin : https://materre.osug.fr/Session-massive-de-Ma-terre-en-180

 
  • 1Institut de recherche pour le développement. La mission première de l’IRD est de conduire des recherches sur la zone intertropicale et méditerranéenne, fondées sur un partenariat scientifique équitable avec les communautés d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) des pays et régions concernés.
  • 2Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
  • 3Créé en 2019 par Tamara Ben Ari et Olivier Berné, Labos 1point5 est un collectif qui vise à mettre en cohérence les pratiques de travail de la recherche avec les objectifs de réduction de l’empreinte humaine sur l’environnement.