ECHOES : un cloud européen pour le patrimoine culturel
Avec une dotation de 25 millions d’euros pour cinq ans, le projet européen ECHOES (A European Collaborative Cloud for Cultural Heritage) a pour objectif de créer un cloud collaboratif - plateforme européenne de référence pour les professionnels du patrimoine culturel matériel et immatériel. Témoignage de son coordinateur Xavier Rodier à l’heure de son lancement.
Pourquoi l’Europe souhaite-t-elle se doter d’un cloud collaboratif dédié au patrimoine culturel ?
Xavier Rodier1 : L’Europe est riche d’une très grande diversité patrimoniale aussi bien matérielle (objets d’art, mobilier, architecture, sites archéologiques et géologiques, etc.) qu’immatérielle (traditions, langues, savoir-faire, etc.). Jusqu’à présent, on dénombre que 30 à 50 % des collections culturelles importantes ont été numérisées et de nombreuses procédures de numérisation sont contrôlées par des entreprises tierces non-européennes.
Face notamment à ce constat, le rapport d’un groupe d’experts internationaux du patrimoine a souligné l’importance d’accroître la numérisation de notre patrimoine, de le faire de manière ouverte afin d’éviter le risque de perte de propriété et enfin de créer un cloud collaboratif pour rassembler et partager ces informations. C’est dans ce contexte que la Commission européenne a décidé de financer le projet ECHOES.
Quels sont les objectifs du projet ECHOES (A European Cloud for Heritage OpEn Science) dont vous êtes le coordinateur scientifique ?
X. R. : ECHOES est un projet européen de cloud collaboratif porté par le CNRS, en collaboration avec le Conseil national de la recherche italien (CNR) et la Fondation des sciences du patrimoine. Il a pour objectif de créer cette infrastructure numérique, de la pérenniser en mettant sur pied une entité légale qui en assurera la gestion, la maintenance et l’avenir, et enfin de mobiliser les communautés du patrimoine culturel pour qu’elles co-construisent et s’approprient ce nouvel espace.
ECHOES va rassembler des solutions numériques existantes pour les mettre à disposition d'un véritable réseau de façon pérenne et durable dans une démarche de science ouverte. En effet, la Commission européenne est particulièrement soucieuse de la préservation des nombreux outils ou bases de données conçus dans le cadre de projets qu’elle finance. Fondé sur un même modèle de connaissances, le cloud va donc s’enrichir de l’ensemble de ces données passées et accueillir celles des projets futurs.
À qui s’adresse ce cloud ?2
X. R. : Il s'adresse à tous les professionnels du patrimoine culturel : conservateurs, restaurateurs, muséologues, archivistes, archéologues, historiens, anthropologues, etc. Tous mobilisent des données et produisent de la connaissance. Cette plateforme doit les aider à partager leurs données et leur fournir des outils numériques innovants pour les traiter.
Ce cloud se veut comme un environnement numérique de partage et d’échange entre tous ces acteurs. Son ambition est donc de faciliter la coopération en vue de créer de nouveaux objets que nous qualifions de « biens communs numériques », ou digital commons. Il s’agit d’objets numériques du patrimoine permettant une nouvelle forme de production de connaissances. Une grande réussite à terme serait de voir émerger, par l’intermédiaire de cet espace, de nouvelles collaborations paneuropéennes qui n’auraient peut-être jamais vu le jour autrement.
Enfin, le secteur culturel manque souvent de ressources financières, de personnel et parfois même d'expertise pour mener à bien sa transformation numérique. En ce sens, ce projet va également accompagner de nombreux petits musées et autres institutions culturelles dans leur transition numérique.
Comment ce cloud va-t-il être construit ?
X. R. : Un premier enjeu est de créer une infrastructure distribuée qui permettra d’avoir des espaces de stockage d’informations aux formats variés et de mettre en relation des jeux de données volumineux. Cela reposera sur des normes et des standards internationaux qui assureront l’interopérabilité de tout ce qui sera accessible via le cloud.
Ce dernier doit également favoriser la création et l’acquisition de jumeaux numériques des objets du patrimoine. Enfin, pour que ce cloud soit une réussite, il faut que les communautés du patrimoine se l’approprient. C’est pourquoi, cet écosystème numérique sera développé avec et pour les communautés. Des comités d’experts et d’utilisateurs finaux évalueront également la pertinence de ses outils.
ECHOES s’appuie sur un consortium de 51 partenaires européens, qui sont-ils ?
X. R. : Nous avons établi un consortium qui regroupe des compétences sur les patrimoines, dans la recherche en sciences humaines et sociales et en informatique. Seize des partenaires sont en quelque sorte des têtes de réseaux de différents secteurs. Ils représentent à eux seuls plus d’un millier d’organisations du patrimoine culturel en Europe. Ces derniers vont jouer un rôle crucial de diffusion de nos développements, mais aussi de mobilisation des communautés autour de la notion de digital commons. En effet, l’influence de ces partenaires clés permet à ECHOES de couvrir l’ensemble des pays de l’Union européenne et le Royaume-Uni.
Qu’est-ce qui peut être fait aujourd’hui pour contribuer à la réussite de ce cloud sur le long terme ?
X. R. : Il est primordial d’inciter les communautés concernées par ECHOES à répondre aux autres appels à projets européens autour du patrimoine culturel. En effet, notre projet est la brique de base qui soutient le vaste chantier européen autour de la valorisation et la préservation du patrimoine à l’ère du numérique. Deux appels à projets ont été lancés en 2023 et de nouveaux appels seront lancés en 2024 et en 2025 sur les données, la conservation et la restauration dont les résultats intégreront le cloud que nous développons. Pour la recherche, c’est très important, car cette vaste initiative offre un coup de projecteur sur ce que les sciences humaines et sociales peuvent apporter et coordonner à l’échelle européenne.
Plus largement, c’est une importante responsabilité qui nous a été confiée, car jamais l’Europe n’avait investi autant de moyens pour la recherche sur le patrimoine culturel. À terme, cette plateforme permettra d'améliorer les procédures de préservation, de conservation, de restauration et bien sûr la connaissance du patrimoine matériel et immatériel.
- 1Ingénieur de recherche CNRS et directeur de la Maison de Sciences de l'Homme Val-de-Loire (CNRS/Université d’Orléans/Université de Tours).
- 2L'ensemble des acteurs du patrimoine culturel intéressés par cette initiative européenne sont invité à se rapprocher d'ECHOES : echoes.contact@services.cnrs.fr