EXTENDER : piloter un bras robotique pour développer l’autonomie des personnes en situation de handicap
Le projet EXTENDER a pour objectif de faciliter le quotidien des personnes en situation de handicap en développant de nouveaux modes de commande de bras robotique, adaptables à chaque utilisateur. Les sept partenaires impliqués entendent ainsi s’appuyer sur la technologie et la recherche pour agir en faveur de l’inclusion.
La start-up ORTHOPUS, créée en 2018, développe et commercialise des dispositifs médicaux à destination des personnes en situation de handicap. Ces outils d’assistance, reposant sur des technologies de robotique et de mécatronique, visent spécifiquement à soutenir la mobilité des membres supérieurs. « Nous avons déjà un produit sur le marché, ORTHOPUS Supporter, un exosquelette muni d’un moteur permettant de faciliter les mouvements verticaux du bras, et donc d’aider l’utilisateur dans son quotidien », présente David Gouaillier, fondateur et CEO d’ORTHOPUS. « Nous souhaitions dès lors inclure davantage de personnes en situation de handicap, qui n’auraient plus du tout de mobilité au niveau des bras, à travers une solution complète et adaptée à chacun. »
Interfaces de commande personnalisées
C’est pourquoi David Gouaillier s’est rapproché de Guillaume Morel, professeur en robotique à Sorbonne Université, au sein de l'Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (ISIR, CNRS/Sorbonne Université/Inserm). Ils conviennent alors de répondre ensemble à l’appel à projets Défi « Transfert robotique » 2023, opéré par l’Agence nationale de la recherche dans le cadre de France 2030. Son objectif : valoriser les résultats obtenus par des laboratoires de recherche pour mettre au point des solutions robotiques innovantes et répondant à un besoin concret. « À vrai dire, il existe déjà, dans le monde, des bras robotiques qui s’accrochent à des fauteuils roulants électriques et qui peuvent être téléopérés par l’utilisateur », constate Guillaume Morel. « Cependant, les commandes des mouvements du robot s’avèrent bien plus rudimentaires que ce que nous sommes capables de développer en laboratoire. » D’où l’intérêt d’accélérer le transfert entre la recherche et le monde industriel.
En l’occurrence, dans le cadre de ce projet, baptisé EXTENDER, la start-up va s’appuyer sur les résultats de recherche pour mettre au point un nouveau dispositif robotique : ORTHOPUS Explorer. « Il s’agit d’un bras extérieur, fixé à un fauteuil roulant et doté de six moteurs et de doigts robotisés, aidant l’utilisateur à atteindre, saisir et manipuler des objets », précise David Gouaillier. « De plus, nous souhaitons qu'il puisse s'adapter au maximum à l’individu, à son handicap, mais aussi à ses envies. Notre ambition est de réussir à proposer une variété d’interfaces (joysticks, commandes vocales, capteurs de mouvements, réalité virtuelle), en fonction de ce qui sera validé comme pertinent et faisable durant le projet EXTENDER. »
Pour ce projet, ORTHOPUS et l’ISIR ont commencé par réunir des experts pluridisciplinaires, avec, en premier lieu, deux autres laboratoires de robotique : le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes du CNRS (LAAS-CNRS) et l’équipe-projet AUCTUS1 . Deux acteurs ont également été identifiés pour la réalisation des tests précliniques de la solution : l’ESEAN – APF France Handicap et l’Institut Pascal (CNRS/Université Clermont Auvergne).

Analyse socio-anthropologique et coconstruction
« Par ailleurs, une des singularités de ce projet vient de la participation du Centre d'étude des techniques, des connaissances et des pratiques2
», ajoute Guillaume Morel. « En effet, celui-ci apporte son expertise d’analyse socio-anthropologique : il ne s’agit pas seulement d’évaluer la performance du dispositif à l’aune de ses performances techniques et fonctionnelles, mais aussi de considérer plus largement les enjeux sociotechniques des usages, qu’il est impossible d’aborder sans une approche interdisciplinaire. »
Une interdisciplinarité primordiale, dans la mesure où la solution sera coconstruite, tout au long du projet, avec ses futurs utilisateurs et des professionnels de santé tels que des spécialistes de médecine physique et de réadaptation, des ergothérapeutes ou des kinésithérapeutes. Plusieurs phases de tests sont ainsi prévues et seront observées par des chercheurs du CETCOPRA, afin d’éclairer les coconcepteurs sur tout ce qui ne se mesure pas de façon quantitative par des expériences contrôlées en laboratoire, mais qui conditionne fortement le processus d’adoption dans le contexte socioculturel des utilisateurs et de leur entourage.
La robotique au service de l’inclusion
Lauréat du Défi « Transfert robotique » 2023, le projet EXTENDER a été officiellement lancé en janvier 2025. Il débute par une phase de recherche, d’une durée de 30 mois, commençant par l’identification des briques technologiques pertinentes. Si celles-ci ont déjà été développées dans d’autres contextes (robotique industrielle, par exemple), elles nécessitent toutefois des ajustements pour s’adapter à ce nouvel usage. « Un robot collaboratif ne peut pas se comporter de la même façon aux côtés d’une personne à mobilité réduite que d’un grutier expert de son domaine », souligne Guillaume Morel. « Il faut donc être en mesure d’interpréter des commandes potentiellement hésitantes – via diverses interfaces, de surcroît –, tout en analysant les interactions entre l’individu et le dispositif. De plus, le fait que le fauteuil soit en mouvement ajoute une difficulté par rapport à un contexte classique de robot à base fixe. »
À l’issue de cette phase de recherche, comprenant de premiers tests auprès d’utilisateurs en situation de handicap, les résultats seront donc transférés à ORTHOPUS. L’entreprise effectuera alors les démarches pour obtenir les certifications nécessaires à la mise sur le marché et amorcera, en parallèle, l’industrialisation de son ORTHOPUS Explorer. Avec l’ambition de donner davantage de sens à la robotique, la start-up étant d’ailleurs reconnue Entreprise solidaire d’utilité sociale. « Notre démarche n’est pas centrée en priorité sur l’innovation technologique : elle est avant tout portée par la volonté d’aider les utilisateurs dans leur quotidien », insiste David Gouaillier. « À contre-courant de certains discours actuels sur la technologie triomphante, il s’agit d’œuvrer pour l’inclusion et de mettre la technologie au service de l’autonomie des personnes en situation de handicap. »
Notes
- Centre Inria de l’université de Bordeaux
- CETCOPRA, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne