Innovation made in France : un partenariat académique-industriel sur les batteries du futur

Innovation

Le CNRS, le Collège de France et Sorbonne Université renforcent leur collaboration avec l’industriel Blue Solutions pour développer les batteries solides de demain. Ensemble, ils vont accélérer le transfert de nouveaux électrolytes hybrides innovants qui alimenteront des batteries plus sûres et plus durables.

Métronomes de la stabilité énergétique et piliers de la mobilité électrique, les batteries devraient contribuer à soutenir l’indépendance énergétique de notre pays et à réduire de manière significative les émissions de gaz à effet de serre des transports, premier secteur émetteur en France. Les batteries lithium-ion actuelles ne pourront toutefois pas répondre à l’accroissement de la demande du paysage énergétique de demain.

En ce sens, chercheurs et industriels travaillent déjà sur la future génération de systèmes de stockage : les batteries dites « solides » ou lithium-métal. Ces dernières promettent une sécurité renforcée, une durée de vie allongée et de meilleures performances à haute température que les technologies à base d’électrolyte liquide. Toutefois, plusieurs verrous techniques et scientifiques doivent être levés avant de voir ces batteries s’imposer sur le marché de l’énergie.

C’est dans la perspective de développer ces systèmes prometteurs que se sont associés le CNRS, le Collège de France, Sorbonne Université et l’industriel breton Blue Solutions. Leur objectif : tester et développer des électrolytes hybrides basés sur un conducteur ionique inorganique incorporé dans une matrice polymère.

L’union fait la force

« Aujourd’hui, nous n’avons pas de solution hybride idéale à industrialiser et nos ressources seules ne suffiront pas à y parvenir. Cette collaboration met en commun nos forces vives pour accélérer le développement et le transfert de technologies d’avenir », témoigne Marc Deschamps, directeur de la recherche en électrochimie chez Blue Solutions. Spécialiste du lithium métallique qui composera l’anode des batteries, l’industriel s’est alors entouré de différents experts sur les batteries, les matériaux d'électrolyte et la réactivité aux interfaces de la Chaire chimie du solide et de l’énergie du Collège de France, ainsi que les experts des procédés et des matériaux hybrides du Laboratoire de chimie de la matière condensée de Paris1 .

blue solutions
Chercheurs et industriels travaillent déjà sur la future génération de systèmes de stockage : les batteries dites « solides » ou lithium-métal. © Erwan Reaud

Pour cause, la plupart des obstacles fondamentaux de la batterie solide sont liés à la gestion et à la stabilité des interfaces. Ces zones de contact entre les différents matériaux de la batterie sont cruciales lors du transfert des ions et des électrons. Leur performance affecte donc directement l'efficacité, la stabilité et la durée de vie de la batterie. « Travailler avec Blue Solutions va nous permettre d’intégrer dans nos réflexions des démarches plus proches des besoins industriels en termes de procédés et de faisabilité et donc de nous engager dans des voies fondamentales utiles à la société », confie Christel Laberty-Robert, professeur à Sorbonne Université.

Quand le courant passe

Cette collaboration fait suite à plusieurs années de partenariats via des contrats spécifiques ou des co-encadrements de thèses. Si elle se renforce aujourd’hui, c’est parce que les partenaires sont portés par le même objectif final : répondre aux défis d’une transition énergétique propre et durable.

Une quinzaine de personnes est mobilisée pour assurer son succès. Deux ingénieurs de Blue Solutions sont notamment affectés aux équipes de Christel Laberty-Robert et de Jean-Marie Tarascon à Paris. « Leur présence va accélérer l’appropriation de nos développements, mais aussi recadrer la recherche en fonction des besoins de Blue Solutions », précise la chercheuse.

blue solutions
Des thèses seront également amorcées en cours de projet afin de compléter les expertises déjà impliquées. © Erwan Reaud

Des thèses seront également amorcées en cours de projet afin de compléter les expertises déjà impliquées. « Le monde des batteries sera majeur dans les années à venir. La France et l’Europe vont avoir besoin d’acquérir de nouvelles compétences pour suivre ce mouvement. Former des docteurs est aussi un moyen de préparer le futur de la filière », ajoute Marc Deschamps.

Une cuisine un peu particulière

Au lancement des projets, les partenaires académiques et industriels connaissent déjà les ingrédients qui pourraient intégrer la composition des futures batteries. Reste à trouver la bonne recette et la meilleure façon de l’exécuter. Les équipes s’appuient, pour commencer, sur la compréhension fondamentale des processus de dégradation et des réactions aux interfaces pour concevoir des architectures originales. Les résultats les plus prometteurs migreront progressivement vers Quimper où les expérimentations seront menées dans les salles sèches de Blue Solutions.

Finalement, la technologie développée répondra à différentes exigences en termes de sécurité, de densité d’énergie et de coût des procédés. « C’est important de rester sur des procédés compatibles avec les chaînes de fabrication existantes dans le domaine des batteries afin de transformer le moins possible les infrastructures industrielles », ajoute Christel Laberty-Robert.

Le véhicule électrique à l’horizon

Ce partenariat de deux ans aboutira à la fabrication dans les usines de Blue Solutions de cellules opérationnelles, l'unité de base du stockage d'énergie électrochimique. Connectées en série ou en parallèle, ces cellules composeront à leur tour des batteries avec des températures de fonctionnement élargies et des densités d’énergie augmentées. Celles-ci ne seront cependant pas industrialisées avant 2032. C’est le temps qu’il faudra pour assurer la montée en maturité des résultats de ce partenariat jusqu’à leur industrialisation. Une ligne pilote sera installée sur le site d’Ergué-Gabéric, en Bretagne. La production de masse devrait, quant à elle, se réaliser dans la région Grand Est, dans la future giga factory dédiée.

Les batteries qui résulteront de ces recherches alimenteront à terme des véhicules électriques de tourisme, mais pas que. À Marc Deschamps de conclure : « Entrer sur ce marché de masse, c’est aussi s’ouvrir la porte à beaucoup d’autres applications par la suite : le téléphone mobile, les engins industriels ou encore le stockage des énergies renouvelables ».

  • 1Unité mixte CNRS/Sorbonne Université