Lancement du projet “Optimisation Énergétique des Circuits Quantiques”, avec le CNRS, EDF, Quandela et Alice & Bob

Innovation

Les ordinateurs quantiques sont porteurs de grandes promesses computationnelles, mais leur efficacité énergétique reste à définir. Le CNRS s’associe à EDF ainsi qu’aux start-up du quantique Quandela et Alice & Bob pour déployer le premier projet transdisciplinaire sur le sujet.

Un projet de recherche & développement unique en son genre


Nommé “Optimisation Énergétique des Circuits Quantiques" (OECQ), le projet a été lancé le 10 juin 2024, pour une durée de quatre ans. Il s’inscrit dans le cadre du programme France 2030 géré par Bpifrance, et bénéficie d’un budget de 6,1 millions d’euros, dont 4,5 millions d’euros subventionnés par l’État français. 

« Jusqu’à présent, les stratégies nationales sur le quantique n'incluaient pas la dimension énergétique, ou alors en l’intégrant à la question de la mise à l’échelle », explique Alexia Auffèves, Directrice de Recherche au CNRS et Directrice du MajuLab[1].

La raison de cette présence insuffisante selon la chercheuse, qui a cofondé en 2022 la Quantum Energy Initiative ? L’absence de cadre méthodologique pour un sujet hautement transdisciplinaire. « La définition de l’efficacité énergétique est simple : la performance divisée par le coût en ressources. Dans le cas d’un ordinateur quantique, la performance résulte de la qualité de contrôle obtenue au niveau du processeur quantique. Mais cela représente un coût en ressources consommées essentiellement par les technologies habilitantes : cryogénie, électronique de contrôle... Optimiser une efficacité énergétique nécessite donc de connecter des expertises au niveau fondamental, quantique et classique. »

Un double axe de recherche s’appuyant sur des expertises complémentaires  


Ce projet sera ainsi l’occasion pour les équipes impliquées au sein du CNRS d’appliquer le premier cadre méthodologique développé pour optimiser l’efficacité énergétique des ordinateurs quantiques.

Le projet comporte deux objectifs étroitement liés : le premier consiste à comparer les performances énergétiques des systèmes de calcul haute performance (HPC) aux systèmes de calcul quantique, et à rechercher les conditions d'un avantage quantique de nature énergétique.

L’acteur industriel EDF fournira pour cela des cas d’usage concrets, comme l’explique Joseph Mikael, Chef de projet Informatique et Technologies Quantiques pour les métiers de l'énergie à la R&D d'EDF. « Nous allons nous focaliser sur les codes de calcul classiques les plus consommateurs en HPC dans le monde, qui sont les codes de simulation physique, de l’échelle atomique à de plus grandes structures, comme la mécanique des structures. » Il est également possible que d’autres cas d’usage, notamment autour de l’IA, soient ajoutés sur la durée du projet. EDF mettra ainsi à disposition ses codes de calcul et un nouvel outil externe qui estimera la consommation énergétique de ces calculs côté HPC. 

Serrage des vis pour fixer la source de photons uniques dans la chambre d'un cryostat © Cyril FRESILLON / Quandela / C2N / CNRS Images

Le deuxième objectif vise à optimiser la consommation énergétique d’un ordinateur quantique, à partir des technologies développées par Quandela et Alice & Bob, deux entreprises innovantes du secteur. 

« Notre savoir-faire porte sur la conception de la puce utilisée pour effectuer le calcul quantique, c’est-à-dire sur le hardware », indique Jeremy Stevens, Technology Development Lead chez Alice & Bob. « Mais on se rend vite compte que le choix de l’algorithme et la pile logicielle ont un impact sur le coût énergétique. Travailler avec les cas d’usage fournis par EDF va nous permettre de tester des hypothèses et de voir ensuite où l’on peut agir sur notre puce physique pour impacter positivement l’ensemble de la pile de contrôle. »

Yara Hodroj et Pierre-Emmanuel Emeriau, respectivement Directrice des partenariats académique et Responsable en algorithmie quantique chez Quandela, complètent la présentation du projet. « Quandela est une start-up spécialisée dans le calcul photonique. Alexia Auffèves a développé puis appliqué avec Robert Whitney et Marco Fellous Asiani une méthodologie portant sur des qbits supraconducteurs, qui est la technologie d’IBM ou Google, entre autres. Le but du projet est d’appliquer cette méthodologie à d’autres technologies, comme justement le calcul photonique, afin de comprendre leur consommation énergétique. Dans le cadre du projet, nous utiliserons Perceval, l’outil en accès libre développé en interne pour simuler notre hardware. »

Représentation simplifiée de l'ordinateur quantique analysé par Marco Fellous Asiani, Alexia Auffeves et leur collègues, similaire à celui en cours de développement par Alice et Bob

Défis et enjeux : vers une technologie plus sobre ?

 

Les deux objectifs présentent des difficultés à la hauteur de l’ambition du projet : intégrer la consommation énergétique des calculs quantiques dès la conception des solutions technologiques, et non pas la considérer comme un élément à analyser a posteriori. 

« La transposition de nos codes de calcul classiques vers une version quantique nécessite de repartir d'une feuille blanche », précise Joseph Mikael d’EDF, mais « innover en prenant en compte la problématique énergétique, contrairement à ce qu’a fait le secteur de l’IA dans le passé par exemple, c’est faire preuve de lucidité » ajoute Jeremy Stevens, côté Alice & Bob. 

« Il existe une compétition saine dans le secteur quantique entre différentes technologies, présentant chacune des avantages et des points à améliorer », ajoutent Yara Hodroj et Pierre-Emmanuel Emeriau pour Quandela. « Il faut maintenant montrer de façon rigoureuse l’efficience en ressources de chacune d’entre elles. »

Pour Alexia Auffèves, les enjeux de ce projet sont conséquents et se situent au-delà du domaine quantique. “OECQ vise à montrer qu'optimiser un temps de calcul ou une efficacité énergétique mène à des choix technologiques différents. Travailler à améliorer les efficacités énergétiques ne signifie pas nécessairement effet rebond : cela peut contribuer à maintenir un niveau de performance en présence de ressources limitées. OECQ définit une troisième voie pour l’innovation qui prend en compte les ressources finies sans pour autant refuser la technologie.” 

 

[1] CNRS/Sorbonne Université/Université Côte d’Azur/National University of Singapore/Nanyang Technological University