Le blob dans les classes et dans l’espace

Institutionnel

En collaboration avec le CNRS, le Centre national d’études spatiales (CNES) propose à des élèves de conduire des expériences avec une créature nommée « blob ». Les mêmes expériences seront menées sur la station spatiale internationale par l’astronaute Thomas Pesquet. Enseignants, inscrivez vos classes !

Faire des expériences en classe sur une moisissure, ça vous tente ? Et si nous le présentons ainsi : voir grandir et se nourrir un être étrange aux propriétés impressionnantes, et comparer vos observations avec les résultats obtenus par l’astronaute français Thomas Pesquet à bord de la station spatiale internationale. C’est mieux ? C’est ce que propose l’agence spatiale française (le CNES), en collaboration avec le CNRS, à quelque 2000 classes1  de niveau primaire, collège ou lycée lors de la prochaine rentrée scolaire 2021-2022. Les inscriptions sont ouvertes.

Blobs dans leur Blob Box
Blob installé dans sa « Blob Box ». © Audrey Dussutour

Jaune, gluant et social, le blob n’est ni un animal, ni un végétal. Il a fait son entrée au Parc zoologique de Paris en 2019 et est une cellule géante à plusieurs noyaux, « toujours capable de nous surprendre » avec sa plasticité et sa complexité comportementale « folles », explique la biologiste Audrey Dussutour, directrice de recherche CNRS au Centre de recherches sur la cognition animale2 . Sans cerveau, il peut tout de même apprendre et évaluer des risques. Il est aussi connu pour ses capacités de régénération : « Il vieillit comme tous les organismes mais, si on l’endort, même des années, il se réveille avec une nouvelle jeunesse ! », explique la spécialiste, une des rares scientifiques en France à étudier le comportement du blob, depuis 2008, et qui ne « s’en lasse pas ».

Les mêmes expériences sur Terre et dans l’espace

« Le service Éducation Jeunesse du CNES a vu le potentiel du blob, dont l’élevage est facile, pour des actions éducatives », relate Audrey Dussutour. Ce service sensibilise aux enjeux et applications de l’espace chaque année près de 200 000 jeunes – des classes primaires aux étudiants – ainsi que des enseignants par la proposition de projets éducatifs clé en main et une offre de formations, dont une université d’été bisannuelle. « Attirer les jeunes vers les carrières scientifiques est une mission historique du CNES », assure Évelyne Cortiade, la directrice du service, qui se réjouit d’une année « particulièrement riche » avec l’arrivée de Perseverance sur Mars et la mission Alpha de Thomas Pesquet (ESA).

  • 1Pour des raisons sanitaires, les DROM-COM ne pourront pas recevoir les kits nécessaires et sont donc exclus du projet, sauf la Guyane.
  • 2CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier.

[Alpha] #ElèveTonBlob​ : l'expérience éducative du CNES

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Chacun des 2000 établissements scolaires sélectionnés recevra gratuitement un kit contenant quatre blobs, qu’Audrey Dussutour a confectionné avec son étudiante Celia Hay. Elle a aussi préparé deux protocoles expérimentaux. Le premier testera les capacités d’exploration du blob, placé sur du papier filtre dans une boîte de pétri, sans nourriture : les élèves devront photographier régulièrement le blob pour en mesurer la structure et le déplacement. Avec quatre flocons d’avoine – que le blob « adore » – déposés à équidistance, le second protocole permettra d’apprécier les mêmes paramètres quand le blob choisit une stratégie pour se nourrir efficacement. En dehors de ces deux protocoles, ce projet sera aussi enrichi d’autres pistes de travail, imaginées avec des professeurs de l’académie de Toulouse. Un site web dédié donne des informations complémentaires.

« J’espère que faire ces expériences avec Thomas Pesquet motivera les élèves », avoue Audrey Dussutour. « Nous avons déjà des sollicitations d'enseignants, alors même que la communication autour du projet n’a pas encore commencé », rassure Évelyne Cortiade. C’est qu’avec un thème « attrayant » comme le blob et l’implication d’un astronaute français, le projet coche toutes les cases d’une réussite.

Respecter les contraintes de l’espace

Premier Européen à voler sur le véhicule Crew Dragon de la société américaine SpaceX, Thomas Pesquet emportera donc avec lui quatre blobs installés par Audrey Dussutour dans une « Blob Box » élaborée par Jean-Loup Cartier (directeur technique chez COMAT Aerospace), pour effectuer les mêmes expériences lors de sa mission Alpha prévue d’avril à octobre. C’est le projet Blob-ISS. Pour lui, « presque tout a été automatisé », explique Audrey Dussutour. Avec une centaine d’expériences scientifiques, technologiques et éducatives à réaliser en six mois de mission, l’astronaute passe en effet peu de temps sur chacune, même s’il aura la « grande responsabilité » de réveiller le blob en l’hydratant, comme les élèves.

La science dans l’ISS

Les astronautes présents sur la station spatiale internationale (ISS) effectuent de cinq à six heures de sciences par jour. Sur la mission Alpha, une centaine d’expériences scientifiques, techniques et éducatives sont prévues, dont 12 nouvelles contributions françaises préparées par le Cadmos. Au-delà de l’expérience éducative du blob, le CNRS participe aux expériences suivantes :

  • Expérience Télémaque, avec l’Institut Jean le Rond d’Alembert
    Thomas Pesquet utilisera une « pince acoustique » qui génère un faisceau d’ultrasons pour piéger une petite bille que l’on peut donc saisir et déplacer sans contact. À terme, cette technique pourrait par exemple servir à des expériences en sciences de la matière ou à déplacer un échantillon qu’on veut pas souiller ou dont on veut se protéger.
  • Expérience Lumina, avec le Laboratoire Hubert Curien
    Avec un dosimètre inédit à fibre optique, l’expérience Lumina permettra de mesurer les radiations, donc le niveau d'expositions des astronautes, avec une précision jamais atteinte. Une nécessité pour des missions d’exploration et pour le retour prévu sur la Lune.
  • Expérience Pilote, avec le Centre neuroscience intégrative et cognition
    Grâce à un casque de réalité virtuelle immersif couplé à un dispositif haptique à retour d'effort, les astronautes vont tester de nouvelles techniques de pilotage à distance de véhicules ou de robots. De quoi mieux comprendre le fonctionnement du cerveau et préparer les missions lunaires, par exemple.

Bien que le blob ait été utilisé dans les programmes spatiaux américains, allemands et russes dans les années 80, ces expériences furent trop courtes pour évaluer les effets de l’environnement spatial sur le comportement du blob. Ce projet « blob-ISS » sera donc la première étude de ce comportement en micropesanteur. Pour le préparer avec le Centre d'aide au développement des activités en micro-pesanteur et des opérations spatiales (Cadmos), Audrey Dussutour a « beaucoup appris sur l’espace et l’organisation de missions spatiales », au contact du responsable de l’expérience, Grégory Navarro. Il a en effet fallu respecter un certain nombre de contraintes : stériliser le blob afin que son microbiote ne contamine pas la station spatiale, bien le fixer avec une colle validée par l’Agence spatiale européenne (ESA), utiliser une membrane avec des pores suffisamment étroits pour que le blob ne s’échappe pas tout en le laissant respirer, miniaturiser les dispositifs, et s’assurer que le tout ne soit pas dangereux pour les astronautes, ne perturbe pas les autres expériences et résiste aux vibrations du décollage. « Monter une expérience sur la station ne s’improvise pas », confirme Rémi Canton, responsable du Cadmos qui suit une trentaine d’expériences sur la station pendant cette mission.

L’expérience devrait montrer l’influence de la micropesanteur et des rayons cosmiques sur le comportement d’exploration du blob. Cependant, le projet Blob-ISS reste une expérience « éducative et non scientifique » : avec seulement quatre blobs, aucune réplication des résultats n’est possible et ils ne seront donc pas publiés. 

Sauf peut-être dans une revue de sciences participatives. « Avec 2000 classes, nous sommes à grande échelle : nous avons rarement autant de stagiaires en parallèle sur une même expérience ! », se félicite Audrey Dussutour qui souhaite montrer aux élèves la démarche scientifique, « de la planification à la publication ». « À l’heure du changement climatique et des défis posés par la biodiversité, motiver très tôt les jeunes à découvrir le monde qui les entoure me tient à cœur », conclut la chercheuse.