Le programme Saps participe au développement de la médiation scientifique du CNRS
Consacré par la loi de programmation de la recherche en 2021, le programme Sciences avec et pour la société a, depuis son lancement, permis le renforcement et la diversification des actions de médiation scientifique au CNRS.
Qu’ont en commun un vieux procédé photographique, un jeu d’évasion et un jeu de cartes figurant des mésanges ? Tous les trois sont des actions de médiation scientifique nées cette année du programme Sciences avec et pour la société (Saps). Mis en œuvre dans le cadre de la loi de programmation de la recherche, ce nouveau programme flèche 1 % du budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) vers des actions de dialogue sociétal ou de communication et de médiation scientifiques. L'enjeu : renouer le pacte entre les chercheurs et les citoyens, en insufflant dans leurs relations plus de familiarité, de confiance et de réciprocité. Depuis le lancement fin 2021 par l’ANR d’un premier appel à projets dédié à la médiation scientifique, le programme Saps a ainsi permis de consolider les forces déjà mobilisées dans ce domaine, mais aussi de recruter et de renforcer toute une filière au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche, en particulier au CNRS.
Avec plus de 1 000 productions prévues d’ici fin 2026, dont plus de 200 livrées en un peu plus d’un an de travail, l’organisme est, de loin, le premier récipiendaire et le premier producteur du programme Saps intégralement consacré aux projets de recherche ANR : des recherches vivantes, qui se construisent sous nos yeux. Responsable de la communication de la délégation Rhône Auvergne du CNRS et coordinateur national du programme pour le CNRS, Sébastien Buthion revient sur l’ampleur de Saps pour la médiation scientifique en France : « Ce financement de l’ANR pour des actions dédiées à un large public est inédit. Un tel programme a permis la consolidation de nos équipes et la montée en compétence d‘une dizaine d’agents recrutés dans les délégations régionales du CNRS sur la production de ces formats ». À la tête du service Grands événements et médiation scientifique à la direction de la communication du CNRS, Emilie Smondack a pu apprécier dans ces nombreux recrutements un « appel d’air, la constitution d’un réseau de personnes qui fourmillent d’idées ».
Une effervescence de nouvelles actions de médiation scientifique
Force est de constater en effet l’effervescence d’actions de médiation d’un nouveau genre depuis le lancement de Saps. À Toulouse, Camille Basile, chargée de médiation scientifique à la délégation Occitanie Ouest du CNRS, l’une de ses dix-huit délégation régionales, a par exemple conçu, aux côtés de l’association Instant Science, le jeu d’évasion « Recherche sous tension ». Sauf qu’à la différence d’un jeu d’évasion classique, l’objectif est ici de rentrer dans la boîte et d’y retrouver un agent infectieux. Pour ce faire, les élèves de collège et de lycée ciblés – 70 % des plus de 400 personnes qui y ont joué depuis novembre 2023 – doivent s’appuyer sur la démarche scientifique, qui crée la structure du jeu. Au fur et à mesure de la partie, les élèves posent ainsi successivement une problématique, des hypothèses, se livrent à des expérimentations et enfin analysent leurs résultants, avant qu’une restitution collective ne permette de raccorder les éléments de jeu aux éléments réels d’un laboratoire. Le format ludique a changé la réception passive d’un enseignement scolaire : « en jouant, même les élèves en difficulté épatent leurs enseignants », sourit Camille Basile.
À Paris, Clémence Coudret, auparavant chargée de médiation scientifique à la délégation Paris-Centre du CNRS1 , a mis à profit ses compétences en ingénierie de projet, sa passion de la photographie argentique et ses études de biologie pour concevoir une « petite fabrique de l’imaginaire ». Au programme de la première édition de ce nouveau format début juin : un atelier de cyanotypes, un procédé photographique monochrome négatif ancien, par le biais duquel on obtient, après avoir exposé au soleil des feuilles d’aquarelle enduites de solutions photosensibles aux UV, un tirage photographique d’un éclatant bleu cyan. À partir d’images de biologie cellulaire en laboratoire, les participants à l’atelier étaient invités à concevoir l’infiniment grand à partir de l’infiniment petit. « Et ça fonctionne, assure la chargée de médiation scientifique, car les scientifiques présents font de la médiation pendant que le public choisit les négatifs et au moment de rincer leur composition. Opère alors une magie de la révélation en découvrant le résultat ».
Enfin, à Strasbourg, Sophie Le Ray, chargée de projet en communication scientifique et technique à la délégation Alsace du CNRS, a conçu toute une batterie de kits pédagogiques à partir de différents projets scientifiques, dont le jeu de cartes « Urbantit » en relation avec une écologue ou encore, avec une ingénieure, une expérience pour illustrer la thermoélectricité à l’aide de thermogénérateurs doués d’une hélice et plongés dans des bassines d’eau chaude et d’eau froide.
Par ailleurs, Saps a été un formidable catalyseur de productions éditoriales : des recherches en cours racontées via des articles, mais aussi de plus en plus par des vidéos, des podcasts et bientôt des photos-reportages.
Les premières briques d’une future stratégie nationale de médiation scientifique
Mais quel avenir pour ces nouveaux formats ? Pour perdurer, la médiation scientifique au CNRS s’est d’ores et déjà enracinée dans les laboratoires, en direction desquels pénètrent les actions nées de Saps. À Strasbourg, Céline Delalex-Bindner, responsable du service communication, désire ainsi mettre à profit Saps pour « irriguer dans le laboratoire, aller au-delà des seuls projets de recherche » et, plus largement, « outiller les scientifiques pour aller au-devant du public ».
L'arrivée de ces nouveaux formats dans les laboratoires a dès à présent débuté. À Toulouse, Michèle Coddeville, chargée de médiation scientifique au CNRS au sein du Centre de biologie intégrative[1], a participé à la conception du jeu « Recherche sous tension » aux côtés de Camille Basile. Elle dont c’était le premier projet au moment d’une reconversion professionnelle vers la médiation scientifique a pu jauger, après 37 ans à tenir des stands durant la Fête de la science, du caractère inédit du jeu d’évasion : « c’est très différent de ce qu’on a l’habitude de faire en laboratoire, où, souvent, on se limite à recevoir les scolaires avec des ateliers ou des conférences à l’approche souvent trop descendante ». Le succès de la boîte – officiellement inaugurée dans son unité – a depuis largement dépassé le public scolaire initialement prévu, à tel point qu’elle « est devenue un point central de nos actions de médiation ». Michèle Coddeville s’amuse encore du comportement de ses collègues, pour certains jusqu’à présent peu intéressés par la médiation scientifique mais qui, « désormais, à chaque fois qu’ils me voient trimballer le jeu dans les couloirs, me demandent quand ils pourront y jouer ! ». Une telle reconnaissance a conforté sa reconversion professionnelle, en lui prouvant qu’elle aussi « était capable de créer ou de participer à de nouvelles approches en matière de médiation scientifique et de m’approprier cette diversité d’approches ». Depuis, la toute jeune chargée de médiation scientifique a déjà mis en scène une exposition photographique grand public dans son laboratoire.
En plus d’étoffer la médiation scientifique dans les unités de recherche, le programme Saps a permis de renforcer l’offre en la matière au niveau national du CNRS. Hasard des calendriers, le programme a vu le jour en même temps que le CNRS lançait son nouveau format de médiation événementielle : les Échappées inattendues. Céline Bézy, responsable de la médiation scientifique à la direction de la communication du CNRS, confirme que cette « concordance temporelle a permis aux délégations régionales de s’approprier assez rapidement les Échappées inattendues ». De fait, les Échappées inattendues connaissent un déploiement sans précédent sur l’ensemble du territoire, un essor qui n’est pas sans lien avec le programme Saps puisque les deux tiers des 204 activités depuis novembre 2022 ont été réalisés grâce à ce financement. Aux quatre formats originels des Échappées inattendues - la conférence grand format, les micro-conférences, la conférence immersive et la conférence-démo –, Céline Bézy et Emilie Smondack escomptent en ajouter d’autres, tirés des expériences réussies en délégation régionale : « C’est la force du réseau, certifie la responsable du service Grands événements et médiation scientifique, de tester des choses reproductibles pour d’autres lieux, qui peuvent s’appuyer sur un travail solide d’évaluation et de bilan des actions menées. Au niveau national, on peut rendre ces actions locales reproductibles ». La profusion d’Échappées inattendues nées dans toutes les régions de France pourra se vérifier les 7 et 8 juin 2025 au Palais de la Découverte qui, à l’occasion de sa préouverture au public, a nommément demandé au CNRS d’y présenter une série d’Échappées.
En somme, en deux ans d’existence, Saps a contribué au développement de la médiation scientifique de l'organisme. Entre le succès cet été du CNRS à la troisième vague du programme Saps, la médaille de cristal décernée à Sébastien Buthion pour son rôle de coordinateur national et l’avancée du futur centre de médiation scientifique du CNRS à Meudon, Emilie Smondack se veut optimiste : « Pour le moment, tous les voyants sont au vert pour la médiation scientifique au CNRS ».
[1] CNRS / Université Toulouse-III Paul-Sabatier.
- 1Et désormais sa responsable communication.