À Toulouse, lancement d’un laboratoire commun pour lutter contre le stress post-traumatique

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Lancé le 6 février dernier, le laboratoire commun Trans NMDA entend unir chimistes, neurobiologistes et pharmacologistes pour tenter de développer de nouveaux traitements contre le trouble du stress post-traumatique et des maladies neurodégénératives. 

Près de 4% de la population mondiale a déjà souffert d’un trouble du stress post-traumatique, selon l’Organisation mondiale de la Santé. Un syndrome qui survient suite à un évènement traumatisant – un accident, une maladie, des violences, un attentat – et qui entraine une souffrance morale et physique, allant de la reviviscence répétitive de l’évènement traumatique, à des stratégies d’évitement ou une hypervigilance. 

Alors que l’efficacité des traitements médicamenteux reste jusqu’alors limitée et source d’effets indésirables, trois laboratoires toulousains du CNRS et de l’Université de Toulouse et une société pharmacologique ont uni leur force pour tenter de développer de nouvelles approches thérapeutiques. C’est ainsi qu’est né le laboratoire commun Trans NMDA, associant le Laboratoire hétérochimie fondamentale et appliquée (LHFA), le Centre de recherche sur la cognition animale (CRCA-CBI), l’Institut de pharmacologie et biologie structurale (IPBS) et ReST therapeutics.

NMDA ? Du nom d’un neurotransmetteur clé dans les mécanismes de mémoire et de plasticité cérébrale et qui sera au cœur des travaux menés par cette équipe pluridisciplinaire, intégrant chimistes, pharmacologistes ou encore neuroscientifiques. 

Ramener le cerveau à son niveau physiologique 


Pour tenter de trouver un traitement contre le stress post-traumatique, Trans NMDA va cristalliser ses efforts autour d’un candidat médicament, découvert il y a une dizaine d’années : le REST01, une molécule développée par la société ReST therapeutics.

« Depuis de nombreuses années, il a été identifié que les récepteurs NMDA pouvaient être une cible dans le trouble du stress post-traumatique », détaille Aline Freyssin, chercheuse en neuroscience à ReST therapeutics et directrice adjointe du laboratoire commun. Présents dans de nombreuses cellules du cerveau, ces récepteurs « sont surtout impliqués dans la mémorisation et la plasticité neuronale. Lorsqu’ils sont inhibés ou suractivés, c’est là qu’il peut y avoir une forme pathologique, comme c’est le cas dans la maladie d’Alzheimer ou les TSPT », poursuit la neuroscientifique. 

« Suite à une expérience traumatique, une agression violente par exemple, le cerveau se met à surfonctionner à cause du stress. Le processus de mémorisation se poursuit, mais la mémoire va tellement se former que le cerveau ne sera plus en mesure de créer d’autres souvenirs », résume Gilles Rubinstenn, chimiste et président-fondateur de ReST Therapeutics. 

C’est sur cette cascade neurochimique – dont l’équilibre normal est modulé par l’activité des récepteurs NMDA – qu’entend agir le candidat médicament REST01, « pour ramener la plasticité cérébrale à un niveau physiologique », ajoute Aline Freyssin. La molécule permettrait donc de restaurer la mémorisation normale, notamment au stade précoce du développement du trouble du stress post-traumatique. Et d’atténuer donc les souffrances des victimes.

Signature du laboratoire commun - de gauche à droite : M. Gilles Rubinstenn, président et fondateur de ReST Therapeutics, Mme Noelie Davezac, vice-présidente science et société Université de Toulouse, Jocelyn Méré, délégué régional CNRS Occitanie Ouest 
© Chloé Sénat / CNRS

Inspiré de la Mémantine


Aussi, la particularité de REST01, breveté depuis 2014, est d’inhiber de manière sélective certains récepteurs NMDA, sans pour autant en moduler d’autres, pour éviter au maximum les effets indésirables observés avec d’autres thérapies ciblant le NMDA. « Les composés développés semblent favoriser le rétablissement d’un équilibre fonctionnel selon un processus que nous chercherons à caractériser in vitro et in vivo », indique Emmanuel Gras, directeur du laboratoire commun et chercheur CNRS au LHFA. 

Ce candidat médicament, la fluoroethyl Normémantine, est d’ailleurs inspiré de la Mémantine, molécule utilisée dans le traitement de la maladie d’Alzheimer, qui agit en bloquant les récepteurs NMDA.

Expériences chez l’animal


Pour l’heure, « la molécule est déjà bien avancée précliniquement, nous savons qu’elle atteint sa cible dans le cerveau de manière très sélective chez l’animal », souligne Gilles Rubinstenn. Mais l’objectif de la création du laboratoire commun est désormais de comprendre pourquoi ça marche.

REST01 a déjà été testé in vitro et chez l’animal, avec des résultats probants. Attention, « les animaux ne font pas de TPST, indique d’emblée Gilles Rubinstenn, mais il existe toutefois des modèles pour tester le conditionnement de la mémoire ». 

Ainsi, chez le rat, les chercheurs ont fait retentir une sonnerie, suivi d’un petit électrochoc sur sa patte. Une seule fois. « Puis, lorsque vous lui faites réentendre la sonnerie une seconde fois, le rat va se figer », poursuit Gilles Rubinstenn. L’expérience est ensuite reproduite une vingtaine de fois, pour tenter de faire comprendre à l’animal que la sonnerie n’est pas synonyme de coup de jus. Et « pourtant la moitié des rats resteront toujours figés, en état de stress. Le lendemain, 30% resteront figés à chaque sonnerie. Le rat a codé à tort que la sonnerie était synonyme d’électrochoc et n’arrive pas à revenir en arrière, malgré de multiples expériences positives ensuite. Un peu comme dans le cas d’un stress post-traumatique ».

Mais, en prenant le candidat médicament, « tout d’un coup les séances de déconditionnement qui ne fonctionnaient pas jusqu’alors commencent à fonctionner », se réjouit le chimiste. 

Ainsi, cette expérience mime l’intervention médicamenteuse chez des patients à un stade précoce de l’apparition du trouble post-traumatique. « En donnant précocement ce traitement à des patients qui viennent de vivre un traumatisme, vous pouvez donc faire en sorte qu’ils reviennent à la normale », indique Aline FreyssinLa molécule est d’ailleurs en cours d’approbation à la Food and Drug Administration (FDA), pour une galénique orale. 

Mais l’équipe de Trans NMDA entend déjà aller plus loin en ouvrant son champ de recherche aux maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, la sclérose latérale amyotrophique ou encore la maladie d’Huntington. « Nous sommes en train de développer toute une bibliothèque de molécules », confirment de concert Emmanuel Gras et Gilles Rubinstenn. Des candidats médicament qui cibleront toujours le récepteur NMDA. 

La richesse de la pluridisciplinarité 


L’idée du lancement du laboratoire commun est également de « décloisonner les compétences sur le terrain », se félicite Emmanuel Gras. Objectif double pour le chimiste : « apporter un besoin fondamental de compréhension du fonctionnement des récepteurs NMDA – et c’est là où les compétences académiques du CNRS et de l’Université de Toulouse entrent en jeu », mais aussi « développer directement un médicament, qui est le cœur de métier du partenaire privé »

De la pharmacologie in vivo (IPBS), au design de molécules (LHFA) en passant par l’étude de la cognition animale (CRCA), « notre richesse est de réunir des domaines, par nature, disjoints, c’est une vraie chance », avance encore Emmanuel Gras. Le tout au service des patients. « J’ai bon espoir d’un vrai succès scientifique », conclut le directeur du laboratoire commun.