Une « étape clé » franchie à Bruxelles pour les océans 

Institutionnel

Lors d’un colloque exceptionnel, le CNRS a réuni des institutions scientifiques du monde entier, afin de renforcer la position du Panel international pour la durabilité de l’océan (IPOS) auprès de nombreuses instances de décisions.

« Il est urgent aujourd’hui d’organiser la communauté scientifique mondiale autour de la défense d’un océan durable. » Ce sont ces mots, prononcés par Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS, qui ont ouvert un colloque dédié à l’IPOS, le Panel international pour la durabilité de l’océan, à Bruxelles. Organisé les 18 et 19 avril 2023 par le CNRS à la maison Irène et Frédéric Joliot-Curie – lieu phare de représentation de la recherche française au siège de l’Union européenne – cet évènement avait deux objectifs : créer un engagement fort de partenaires académiques pour soutenir l’IPOS—grâce à un atelier de travail la première journée—et mobiliser les instances de décisions et les représentants de la société civile autour de ce projet lors de la deuxième journée.

« Car l’échéance se rapproche à grande vitesse », rappelle la biologiste marine Françoise Gaill, conseillère scientifique au CNRS et porteure depuis 2019 de l’IPOS. Celui-ci doit en effet être capable d’émettre ses premières recommandations avant la Conférence des Nations unies sur les océans en 2025 à Nice, organisée conjointement par la France et le Costa Rica. Selon la chercheure, le Panel, dédié à la durabilité des océans dans son ensemble en considérant toutes les parties prenantes, a toujours eu pour but d’encourager une meilleure coordination du monde scientifique sur le sujet de l’océan, qui ne peut être traité exclusivement par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ou la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).

ipos3
Discours d'ouverture d'Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur chargé des océans et des pôles et l’envoyé spécial du président de la République pour la Conférence Océan des Nations Unies, le 19 avril à Bruxelles. © CNRS

Mais le soutien politique à la gestion des océans est tout aussi essentiel pour la durabilité de la planète que le sont le climat et la biodiversité. « Ce colloque à Bruxelles est extrêmement important, car il concrétise des années d’efforts, et permet de faire le premier lien officiel entre le monde scientifique et les décideurs politiques venus en nombre comprendre les enjeux. », explique Françoise Gaill. Près d’une centaine de participants du monde entier s’y sont en effet retrouvés : des représentants scientifiques, bien sûr, allant de l’Alfred Wegener Institute en Allemagne ou de la très célèbre Woods Hole Oceanographic Institution américaine aux académies des sciences – européenne et chinoise –, mais aussi des parties prenantes, avec de nombreux représentants de la société civile et d’instances nationales et internationales. Olivier Poivre d'Arvor, envoyé spécial du président de la République française pour la Conférence des Nations unies sur les océans 2025, Charlina Vitcheva, directrice générale des affaires maritimes et de la pêche à la Commission européenne, Carlos Morais Pires, membre du cabinet de Mariya Gabriel, commissaire à l'innovation, à la recherche, à la culture, à l'éducation et à la jeunesse, comme la députée européenne Catherine Chabaud, ont tous exprimé le besoin d’un lien fort entre science et politique sur le sujet et un positionnement de l’IPOS dans la gouvernance internationale de l’océan.

Une dynamique qui s’accélère 

Pour construire la gouvernance de l’IPOS, les deux années qui viennent de s’écouler ont été déterminantes. L’IPOS, soutenu dès le départ par le CNRS, a en effet été présenté pour la première fois officiellement lors du One Ocean Summit de Brest en février 2022, après avoir été discuté à la Monaco Ocean Week, puis lors de la conférence des Nations Unies pour l’océan organisée à Lisbonne en juin. Un appel entendu par un grand nombre d’institutions de recherche sur le sujet comme la Woods Hole Oceanographic Institution, la Scripps, Mare, ou encore Geomar, qui, ensemble, ont lancé une coalition pour soutenir l’IPOS au fameux Pavillon Océan à la COP27 à Sharm el Sheick, en présence du PDG du CNRS Antoine Petit. En décembre, une étude majeure sur l’IPOS a été publiée dans le Nature Partner Journal (NPJ) Ocean Sustainibility. « Sans oublier que l’Union européenne l’a déjà intégré dans sa stratégie Océan  et lui a commandé une étude importante sur le paysage des connaissances sur les océans. », explique Tanya Brodie Rudolph de l’Université de Stellenbosch en Afrique du Sud, qui pilote cette étude. Il s’agit d’une évaluation du paysage marin qui a commencé au début de l'année 2023, en s’appuyant sur 35 évaluations environnementales mondiales axées sur la durabilité des océans et l'Objectif de développement durable (ODD 14). Tanya Brodie Rudolph doit rendre fin mai son rapport final qui « servira de base à la consultation des parties prenantes et fournira des informations et une vision pour l'IPOS. ». Les premiers résultats – présentés à Bruxelles – montrent la redondance de certaines études et le manque d'interopérabilité des données entre les nombreux acteurs de recherche sur les océans.  Il est important de noter que ces résultats montrent que l'interface science-politique doit être améliorée pour soutenir des actions concrètes en faveur d'un océan durable et de la réalisation de l'ODD 14.

IPOS-2
Atelier des institutions scientifiques le 18 avril à Bruxelles. © CNRS

De la co-construction, avec une volonté de fer

Comme cette journée du 18 avril, plusieurs ateliers de travail (en Europe, États-Unis, Asie) assemblent ainsi, depuis le début de l’année, les briques pour co-construire la structure et gouvernance de l’IPOS. Celui de Barcelone, le 23-24 mars, a été le premier dédié exclusivement à l’IPOS, centré sur les enjeux de la coconstruction des connaissances pour la durabilité de l’océan. « Il est important que la communauté scientifique s’organise au mieux, car il ne s’agit surtout pas d’ajouter une nouvelle structure à la complexité existante », explique Joachim Claudet, directeur de recherche et conseiller océan au CNRS. « L’IPOS ne peut et ne doit pas remplacer des institutions ou panels existants, mais il doit permettre à la communauté scientifique d’être mieux organisée pour répondre aux problèmes de durabilité sur les enjeux océaniques, qui impliquent de nombreuses parties prenantes. ». Pour illustrer, il rappelle que des études sur des phénomènes marins dans une partie du monde ne peuvent être appliquées à l’ensemble de la planète sans discernement. « Il faut être en mesure d’appliquer des recommandations avec une connaissance granulaire du contexte dans lequel se joue le problème de durabilité, de l’environnement et des parties prenantes, allant du très général à de l’hyper local », précise-t-il, citant en exemple des sujets aussi variés que l’aménagement des baies maritimes ou l’exploitation minière en eau profonde.

Si les contours de la gouvernance et du mode opératoire de l’IPOS continuent à s’affiner, le colloque s’est conclu par la signature d’une déclaration commune pour que les institutions scientifiques poursuivent leur engagement. Un nouvel événement dédié à l’IPOS devrait être organisé lors de la prochaine Assemblée de la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’UNESCO au mois de juin.