« Le CNRS est un acteur important de la santé »
Responsable de la filière Santé, Christian Périgaud nous en dit plus sur le fonctionnement de cette filière stratégique qui vise à renforcer les partenariats entre industriels du secteur et laboratoires du CNRS.
Quels sont les enjeux de la filière Santé du CNRS ?
Christian Périgaud1
: La spécificité de cette filière est que nous avons tous un rapport à la santé, même s’il est de nature différente selon notre hérédité, notre âge, nos modes et parcours de vie, etc. La santé publique demeure un enjeu majeur pour les futures décennies, comme l’illustrent depuis plus de deux ans la pandémie du Covid-19, mais aussi les problématiques associées, par exemple, à l’antibiorésistance2
ou encore à l’accroissement des maladies liées au vieillissement de notre population. Une large diversité de discours et de situations se retrouve ainsi derrière le mot santé, qui implique de nombreux acteurs et ne se résume pas seulement aux seuls actes de soin. Il est donc nécessaire d’aborder les enjeux sanitaires de manière intégrative et systémique, en prenant en compte les fortes dynamiques de transformation qui traversent cette filière industrielle depuis plusieurs années.
Sensome | Le CNRS à VivaTech
Fondée à partir des recherches menées au Laboratoire d’hydrodynamique (CNRS/Ecole polytechnique), #Sensome a développé des capteurs ultra-miniaturisés permettant d’identifier, grâce à l’intelligence artificielle, la nature biologique des tissus en temps réel. Intégrée sur la sonde intravasculaire Clotild™, leur technologie peut, par exemple, catégoriser les caillots sanguins afin d’aider les médecins lors du traitement d’un AVC ischémique.
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Par son caractère pluridisciplinaire, le CNRS est bien placé pour répondre à ces enjeux : usage massif des technologies de l’information et des données de santé, personnalisation de la décision médicale et sanitaire, prise en charge des maladies chroniques et de la perte d’autonomie, multiplication des menaces sanitaires de portée mondiale, sans oublier le développement de nouveaux outils technologiques et la mise en œuvre de stratégies thérapeutiques inédites. L’organisme accompagne les entreprises dans leurs besoins d’innovation et contribue ainsi activement à la création de richesses dans le domaine. À ce titre, sur les 6 800 familles de brevets gérées aujourd’hui par le CNRS, 40 % ont un lien avec la santé : c’est vous montrer l’importance de cette filière dans les résultats issus de la recherche de notre établissement. Le CNRS est un acteur important du domaine de la santé publique et un partenaire des entreprises des industries et technologies de santé. Avec le développement de la filière Santé que je dirige, il marque sa volonté de mieux faire connaitre les compétences présentes dans ses laboratoires et les innovations qui en résultent.
Qu’offre le CNRS aux entreprises de cette filière ?
C. P. : L’innovation au service des entreprises de la filière Santé se structure autour de quatre grands domaines applicatifs, reflets de l’organisation sectorielle de la filière : les médicaments – comprendre les maladies et les soigner – ; les dispositifs médicaux – pour accompagner le diagnostic, la prévention, le traitement d’une maladie ou d’une blessure, comme l’atténuation et la compensation d’un handicap – ; le diagnostic in vitro – pour prédire, surveiller et prévenir les maladies avec une médecine de précision personnalisée – ; et enfin l’e-santé qui doit permettre une meilleure prise en charge et accessibilité aux soins grâce à la transition numérique. Ces domaines font appel à une large diversité de disciplines de recherche, présentes au sein de nos dix instituts. Le CNRS offre aux entreprises un spectre très étendu de savoirs et savoir-faire pluridisciplinaires, s’appuyant sur une large diversité de plates-formes technologiques, au service de leur développement économique. Plus de 5000 scientifiques travaillent ainsi dans le domaine, dans plus de 450 laboratoires associant le CNRS et ses partenaires, partout en France.
Aujourd’hui, la frontière entre recherche fondamentale et recherche appliquée est finalement assez floue : non seulement la première nourrit la seconde, mais les progrès technologiques produits par la recherche appliquée sont devenus indispensables à une recherche fondamentale performante. Pour une entreprise, quels que soient sa taille et son domaine d’activité, le partenariat avec le CNRS offre donc une opportunité rare de répondre de manière originale et disruptive à ses besoins en matière de R&D, contribuant ainsi à l’essor d’une médecine toujours plus personnalisée, préventive, prédictive et participative.
Céline Vallot et Pierre Nassoy, médailles de l'innovation 2022, de Julien Deschamps © CNRS - 2022
En pratique, quels sont les outils disponibles pour renforcer les liens entre le CNRS et les industriels ?
C. P. : Le CNRS dispose d’une large palette de dispositifs et d’outils au service des entreprises, comme le service Trouver un expert, l’organisme de formation continue CNRS Formation Entreprises, ou des plateformes pour des technologies de pointe réparties sur l’ensemble du territoire, à l’image de ChemBioFrance3
. CNRS Innovation permet aussi aux industriels d’accéder au portefeuille de technologies du CNRS : ces 5 dernières années, les recherches menées dans des laboratoires du CNRS ont permis de déposer plus de 200 brevets annuels en lien avec le domaine de la santé. Sur la même période, un projet de prématuration sur deux a été financé dans la filière Santé et 150 start-up ont été créées dans des laboratoires sous tutelle CNRS dans les quatre grands domaines applicatifs. Par exemple, Sensome, qui produit des capteurs miniaturisés et dotés d'intelligence artificielle pour améliorer le traitement des accidents vasculaires cérébraux.
- 3ChemBioFrance offre depuis 2018 aux scientifiques une collection de molécules unique au monde, la Chimiothèque nationale, intégrée à des ressources de chémo-informatique, de criblage et d’évaluation d’activité biologique, pour comprendre et soigner le vivant. https://chembiofrance.cn.cnrs.fr/en/
MSDAvenir reconnaît la recherche menée au CNRS
Pour soutenir le projet RNAcan! de l’Institut de génétique humaine6 (IGH), le CNRS s’est associé en octobre 2022 à MSDAvenir, premier fonds de soutien à la recherche dans les sciences du vivant, porté par le laboratoire pharmaceutique MSD France, filiale du groupe américain. D’un montant de 1,9 millions d’euros, ce projet vise à comprendre le rôle de l’ARN dans l’organisation et le fonctionnement de nos cellules. Ce nouvel accord renouvelle le partenariat entre le CNRS et le fonds, après le succès de trois premiers projets conduits par l’IGH depuis 2016, portant respectivement sur les mécanismes de réparation de l’ADN dans les cellules tumorales, la caractérisation des mécanismes de contrôle génétique et épigénétique de la stabilité du génome, et le développement de stratégies de ciblage du réservoir du VIH et de contrôle de l’activation immunitaire. « Peu de laboratoires français ont bénéficié du financement conséquent que fournit MSDAvenir, l’appel à projets très sélectif choisissant des innovations de rupture qui représentent une importante prise de risque. C’est une belle reconnaissance, par une entreprise, de la recherche fondamentale menée au CNRS », précise Christian Périgaud.
- 6CNRS/Université de Montpellier.
La santé est aussi un secteur où laboratoires et entreprises travaillent en étroite collaboration. Près de 100 groupements de recherche4 sur des thématiques touchant aux technologies de la santé accueillent des partenaires industriels, comme Repair qui regroupe plus d’une centaine d’équipes académiques et 35 industriels dans le domaine de la médecine réparatrice. Le CNRS a également ouvert 40 laboratoires communs avec les industriels sur ces sujets. Par exemple, le Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes5 s’est associé à l’industriel EssilorLuxottica, leader du secteur de l'optique : ensemble, les partenaires imaginent les lunettes du futur, à fonctions actives et connectées.
Tous ces dispositifs variés peuvent s’adapter à l’ensemble des industriels de la filière Santé et je suis à leur disposition pour échanger sur leurs besoins et leurs projets.
- 4Les groupements de recherche (GDR) sont des projets d'animation créés pour cinq ans et renouvelables une fois. Ces outils du CNRS ont pour objectif de favoriser les échanges entre les scientifiques, les partenaires académiques, parfois des entreprises et autres parties prenantes.
- 5LAAS-CNRS (CNRS).
Le CNRS approche les filières industrielles
Dans le cadre de son contrat d’objectifs et de performance 2019-2023, le CNRS a mis en place une stratégie d’approche des filières industrielles françaises, notamment en se rapprochant des Comités stratégiques de filière installés par le Conseil national de l’industrie. Depuis 2019, neuf filières stratégiques ont été ciblées pour ainsi développer les collaborations entre le CNRS et les entreprises avec des équipes dédiées. Leur mission : croiser les connaissances et outils disponibles au sein des laboratoires avec les enjeux qui existent sur toute la chaîne de valeur de chaque filière, afin d’établir, avec les acteurs concernés, des feuilles de route communes de recherche qui serviront de base pour identifier, proposer et conduire des projets et développer des relations bilatérales ou multilatérales avec les entreprises d'un secteur.
Contacts :
- Filière Aéronautique : Franck Guillard
- Filière Automobile : Franck Guillard – Référent scientifique : Zoubir Khatir
- Filière Chimie des matériaux : Sébastien Lagoutte
- Filière Cybersécurité : Nicolas Porquet – Référent scientifique : Jean-Yves Marion
- Filière Eau : Marie Côte – Référente scientifique : Agathe Euzen
- Filière Électronique : Catherine Grandhomme – Référente scientifique : Virginie Hoël
- Filière Énergie : Catherine Grandhomme – Référent scientifique : Abdelilah Slaoui
- Filière Parfumerie Cosmétique : Marie Côte – Référent scientifique : Richard Daniellou
- Filière Santé : Christian Périgaud