CNRS : les cinq lauréats 2023 de la médaille de la médiation scientifique
Pour la troisième année consécutive, le CNRS récompense des femmes et des hommes qui partagent l’information scientifique et les connaissances au-delà des murs des laboratoires. La physicienne Wiebke Drenckhan s’illustre par son utilisation originale de l’art comme support à la médiation scientifique. Sont également distingués cette année l’association « Math en jeans » qui permet aux élèves de découvrir la recherche en mathématiques, le livre « Tout comprendre (ou presque) sur le climat », au succès exceptionnel en librairie pour un ouvrage scientifique, et Criminocorpus, le premier musée virtuel sur l’histoire de la justice en France. Enfin, David Louapre est récompensé pour sa chaîne devenue un pilier du YouTube scientifique francophone.
La médiation scientifique vise à partager les connaissances scientifiques disponibles avec des non-spécialistes, dans les écoles, les lycées ou tout simplement avec les citoyens et citoyennes. Cette transmission des connaissances est une des missions du CNRS ; il était donc naturel de reconnaître et valoriser celles et ceux qui s’engagent dans cette démarche qui nécessite un investissement particulier. Pour Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, « parler de science à un large public et expliquer la démarche scientifique doit permettre de donner à chacun les éléments pour se forger sa propre conviction éclairée, sur la base de ce que l’on sait, et de ce que l’on ne sait pas, ou pas encore. ». « La science n’est pas de la croyance mais un ensemble de connaissances acquises par une méthode rigoureuse et collective. Développer la médiation scientifique est aussi une action essentielle pour lutter contre les fake-news et toutes les formes d’obscurantismes. Je tiens à féliciter chaleureusement les lauréates et lauréats 2023 de la médaille de la médiation scientifique du CNRS. Ils sont les visages d’une science ouverte, intégrée et partagée que le CNRS et ses partenaires construisent au quotidien. »
Wiebke Drenckhan : l’art comme support à la médiation scientifique
« Dans la vulgarisation classique, on ne touche souvent que les gens qui s’intéressent déjà au sujet. Avec l’art, le design ou la musique, on peut parler de science à un public qui n’est pas venu pour ça. » Directrice de recherche CNRS à l’Institut Charles Sadron (CNRS) à Strasbourg, Wiebke Drenckhan s’est illustrée dans la science en recevant la médaille de bronze du CNRS. Mais celle qui a jadis hésité entre l’art et la science a su les concilier. Elle a ainsi coordonné plusieurs projets qui s’appuient sur différentes disciplines artistiques comme support à la médiation. Dans le projet Polus Meros, mené en collaboration avec les designers Raphael Pluvinage et Juliette Gelli, elle a conçu un jeu de course avec des gouttes d’eau sur des surfaces hydrophobes. Dans « Bulles & mousses : art & science », elle a mis en scène un spectacle avec l’artiste bulleur Sébastien Kauffmann, autour des propriétés des mousses et des bulles, où elle jouait également de l’accordéon.
Autre corde à son arc, elle a réalisé de nombreuses illustrations pour des livres, des revues et différents supports de médiation.
MATH en JEANS et la découverte de la recherche en mathématiques
« Nous voulons montrer aux élèves que les mathématiques forment une discipline actuelle, qui n’est pas réservée aux professionnels », explique Aviva Szpirglas, présidente de MATH en JEANS. Sur l’année scolaire 2022-2023, environ 3725 élèves sont passés par 288 ateliers de l’association, dont 46 % à 50 % de filles selon les années. 462 enseignants et enseignantes, ainsi que 163 scientifiques ont encadré bénévolement le travail des jeunes, leur permettent d’expérimenter la recherche en mathématiques. Agréée par l’Éducation nationale, MATH en JEANS offre aux collégiens et aux lycéens l’opportunité de plancher sur un problème mathématique à la manière d’un chercheur. Les groupes travaillent pendant un an sur un problème choisi et se réunissent régulièrement, avec un chercheur et un enseignant, pour comparer leurs avancées. À la fin de l’année, un véritable congrès de mathématiques permet aux équipes de présenter leurs résultats sous forme d’articles et de conférences.
Le climat et ses enjeux à la portée de toutes et tous
« En cette période où tout se vaut sur les réseaux sociaux, nous avons voulu redonner de la visibilité aux chercheurs, à leurs travaux et à leur parole », souligne Anne Brès, responsable de communication à l’Institut national des sciences de l’Univers du CNRS. Dans la bataille de l’information sur le climat, l’objectif est de faire remonter les pages scientifiques, longtemps diluées dans les résultats des moteurs de recherche par les trop nombreux contenus climatosceptiques. Pour cela, un collectif, coordonné par Anne Brès, a rassemblé le blogueur Bon Pote, ainsi qu’une vingtaine de climatologues pour rédiger des articles répondant à diverses fake news climatiques. Ces textes étaient également transformés, avec l’aide de l’illustratrice Claire Marc, en schémas illustrés. Ces sketchnotes ont depuis été publiés dans le livre « Tout savoir (ou presque) sur le climat », un des best-sellers de CNRS Éditions.
Criminocorpus : un musée virtuel et une revue sur l’histoire de la justice
Mise en ligne en 2005, la plateforme Criminocorpus nous éclaire sur l’histoire de la justice en France. Sa vaste base de 69 000 références, comprenant des documents historiques numérisés et des publications scientifiques, est devenue incontournable pour les scientifiques et les professionnels de la justice. Ce riche contenu est accompagné d’un musée virtuel, unique sur le web, avec des expositions et des parcours thématiques, destinés au grand public, sur des sujets comme le bagne ou l’abolition de la peine de mort. « Les questions de justice suscitent souvent des confrontations caricaturales et, quand les chercheurs sont sollicités par les médias, c’est généralement dans l’urgence, rapporte Marc Renneville, directeur de Criminocorpus. Nous en avons conclu qu’il manquait un espace public dédié. » La plateforme héberge également des initiatives telles que le service Hugo, qui recense les lieux de jugement et d’exécution des peines de l’histoire de France. La chaîne YouTube de Criminocorpus totalise plus de 600 000 vues et l’ensemble est en accès libre.
David Louapre : quand la science étonne sur YouTube
Chaque mois, une nouvelle vidéo vient expliquer un concept scientifique issu de la biologie, de l’astronomie, de la physique quantique… David Louapre s’occupe ainsi de la chaîne YouTube Science Étonnante, qui compte plus de 1,3 million d’abonnés pour 110 millions de vidéos vues. « Je suis animé par la volonté de transmettre à la société ce que j’ai eu la chance d’apprendre pendant mes études et mes recherches », raconte ce docteur en physique théorique diplômé de l’ENS Lyon. Alors qu’il travaillait dans la recherche privée chez Saint-Gobain, David Louapre a ouvert un blog, qu’il a transformé en chaîne YouTube en 2015. Il y aborde les sujets scientifiques qui le passionnent, rencontrant un vif succès en ligne. Il a ensuite publié plusieurs ouvrages de vulgarisation, dont « Mais qui a attrapé le bison de Higgs ? ». David Louapre est également directeur scientifique chez Ubisoft, où il adapte des simulations et les modèles scientifiques au monde du jeu vidéo.