Justice restaurative en France : un bilan inédit après dix ans de pratique

Sciences humaines et sociales

Un rapport piloté par deux chercheuses en sociologie du droit et de la justice dont une du CNRS1  dresse un bilan globalement positif mais nuancé des pratiques et effets de la justice restaurative en France. Menée sur trois ans, l’étude visait à documenter le fonctionnement de ce dispositif sur le territoire national, à cerner les effets des différentes formes de dispositifs sur les participants (auteurs et victimes d’infractions, personnels pénitentiaires) mais aussi à faire avancer la réflexion sur les méthodes d’évaluation.

Mise en vigueur en France en 2014 et mise en lumière au cinéma dans le film « Je verrai toujours vos visages » (2023), la justice restaurative est un dispositif gratuit visant à permettre aux auteurs et aux victimes d’infractions de dialoguer sur la base du volontariat dans un cadre confidentiel et sécurisé, en complément et à tous les stades de toutes procédures pénales. Il peut s’agir de rencontres entre auteurs et victimes d’infractions de même typologie (vols, agressions physiques ou sexuelles2 , etc.) ou d’une rencontre entre un auteur d’infraction et sa victime, avec un accompagnement individuel préalable s’étalant sur une période de plusieurs mois. Plus concrètement, ce dispositif vise à extraire les victimes et les auteurs de l’isolement engendré par la procédure, et à les aider à regagner une estime de soi par le renouement social.

Si les précédents travaux de recherche et rapports évaluatifs tendent à dresser un bilan très optimiste de ce dispositif depuis sa démocratisation à l’échelle mondiale dans les années 1990, cette enquête de terrain révèle une mise en application fragile en France avec néanmoins une pratique active sur certains territoires bien délimités localement. Elle met également en évidence les limites des évaluations a posteriori de ces dispositifs, en particulier sur l’évolution sur le long terme des effets ressentis par les participants, qui sembleraient globalement positifs mais relativement éphémères une fois ces derniers retournés à la vie normale. Cependant, l’étude révèle un impact significativement positif sur les professionnels du milieu pénitentiaire qui trouvent grâce à ce dispositif un sens renouvelé à leur métier, parfois décrit comme dénaturé par la rationalisation et la modernisation de l’activité judiciaire.

Pour l’équipe de recherche, il s’agit d’un dispositif prometteur mais à l’efficacité à l’heure actuelle limitée, à la fois par la faiblesse des moyens matériels et humains qui lui sont alloués et par les limites inhérentes à tout processus individualisé, limité dans le temps et n’incluant pas l’environnement social de la personne. Elle constate également une politique publique reposant presque essentiellement sur l’initiative de personnels du milieu pénitentiaire et de bénévoles du milieu associatif.
Leur rapport vient d’être publié par l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice sur
gip-ierdj.fr.

 

  • 1Du Centre d’études européennes et de politique comparée (CNRS / Sciences Po Paris) et de l’Institut des sciences sociales du politique (CNRS/ENS Paris-Saclay/Université Paris Nanterre).
  • 2Sur près de 1000 participants, les violences fondées sur le genre (violences sexuelles, violences conjugales) représentent environ 50% des faits traités.
Bibliographie

Pratiques et effets de la justice restaurative en France. D. Griveaud, S. Lefranc, E. Dieu, J. Filippi, L. Hernandez, C. Legrand, E. Matignon, P. Mbanzoulou, B. Sayous, W. Thuillier, E. Fourment, J. Lauret, R. Palaric, L. Testouri, B. Tudoux, A. Tschanz.
Publié sur le site l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice, le 31 mai 2024.

Contact

Sandrine Lefranc
Chercheuse en sciences politiques CNRS
Delphine Griveaud
Chercheuse Université Paris Nanterre
Manon Landurant
Attachée de presse CNRS