L’usage combiné de répulsif anti-moustique et de crème solaire affaiblirait la protection anti-UV

Santé
Environnement

Menée par des chercheurs du CNRS1 , une étude inédite sur l’usage combiné d’une crème solaire et d’un répulsif anti-moustique parmi les plus vendus en été conclut à une baisse d’efficacité de la protection contre les UV2  après application du mélange. Avec la propagation du moustique-tigre dans de nombreux pays, il est devenu de plus en plus courant d’associer ces deux produits lors d’activités en extérieur3  afin de se protéger à la fois du soleil et de ces nuisibles. Il s’agit de la première étude examinant les effets d’un tel mélange. Elle vient de paraître dans la revue Parasites and Vectors.

Afin de reproduire aussi fidèlement que possible les conditions réelles auxquelles est soumis l’épiderme humain, les scientifiques ont eu recours à des biopsies4  de peau. Conservés de manière optimale ex vivo, ces échantillons ont été soumis à des rayons UV artificiels, mais aussi naturels, émis par le soleil, après application de crème solaire et de répulsif. Grâce à un nouvel outil informatique développé par l’une des entreprises partenaires5  de cette étude, ils ont été analysés sous la forme de fines tranches correspondant aux différentes couches de la peau. Ce logiciel, une intelligence artificielle entraînée par apprentissage profond6 , a permis de mesurer la réaction de stress des cellules cutanées face aux rayonnements.

L’analyse de ces données pointe vers une diminution de la protection anti-UV dans le cas d’un mélange entre crème solaire et répulsif anti-moustique. Pour les produits « mixtes », se présentant comme porteurs des deux protections à la fois, les données obtenues sont moins catégoriques. Des études complémentaires sont nécessaires pour affermir et étendre ces premiers résultats. Beaucoup d’autres mélanges de produits, notamment cosmétiques, n’ont jamais été étudiés en tant que tels. Cette nouvelle méthode d’analyse, combinant utilisation de biopsies (plus fiable que des tests sur des cellules cultivées in vitro) et intelligence artificielle, permettrait désormais d’examiner leurs effets sur la santé humaine.

Captures d'écran et zooms de visuels d'un microscope
Figure 1 - Analyse histométrique de biopsies de peau humaine irradiées par des UVB après application d’une crème solaire et/ou d’un insectifuge ou d’un produit “combo”. Des échantillons de peau (provenant du même donneur) ont été traités avec une crème solaire contenant des filtres anti-UV (panels d et e), ou (panels c et e) un répulsif contre les moustiques contenant l'ingrédient actif synthétique IR3535, ou une préparation commerciale composée d'un répulsif naturel contre les insectes et d'un écran solaire (f) (“combo spray”). À part dans la condition témoin (panel a), les biopsies cutanées ont été préalablement exposées à une irradiation par des UVB dans des conditions contrôlées (300 mJ/cm2). Coupes histologiques colorées à l'hématoxyline-éosine safran. Barre d'échelle : 50 µM. Les détails de l'encart montrent les zones d'intérêt avec les noyaux auréolés (reflet de l’endommagement cellulaire) indiqués par des flèches. © Sophie Charrasse
Bibliographie

Computational histology reveals that concomitant application of insect repellent with sunscreen impairs UV protection in an ex vivo human skin model
Sophie Charrasse, Titouan Poquillon, Charlotte Saint-Omer, Audrey Schunemann, Mylène Weill, Victor Racine and Abdel Aouacheria, Parasites and vectors, 04/03/2025, https://doi.org/10.1186/s13071-025-06712-3(le lien est externe)

Contact

Abdel Aouacheria
Chercheur CNRS
Maxime Flouriot
Presse CNRS

Notes

  1. De l’Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier (CNRS, IRD, Université de Montpellier).
  2. Les rayons UV, pour ultraviolet, sont des rayonnements invisibles à l’œil nu. Plus énergétiques que la lumière visible, ils peuvent provoquer des mutations nocives des cellules cutanées en cas d’exposition prolongée.
  3. Originaire d’Asie du Sud-Est, le moustique-tigre a été accidentellement introduit en Europe dans les années 1990 et 2000. Il est très présent de jour et pique donc davantage dans cette période, contrairement à ses cousins autochtones plus actifs de nuit.
  4. Échantillon de tissu, ici de peau, prélevé à un organisme vivant.
  5. QuantaCell et EDENCOS.
  6. L’apprentissage profond est une méthode utilisée pour entraîner un réseau de neurones artificiels. Elle consiste à lui soumettre un nombre conséquent de données pour lui apprendre à y repérer des phénomènes ou des caractéristiques précises afin de pouvoir les identifier dans de futurs jeux de données.