Les papillons nocturnes tels que les bombycidés, communément appelés vers à soie, ont des antennes multi-échelles qui leur permettent de détecter d'infimes quantités de substances. © T. Steinmann/M. Jaffar-Bandjee

Projet PheroInnov

Innover en agroécologie et dans la lutte anti-terroriste grâce à la détection bio-inspirée d’odeurs par les insectes

Impact :

Certains animaux présentent la caractéristique unique de pouvoir détecter quelques molécules présentes dans des m3 d’air. Les chiens, par exemple, sont connus pour être meilleurs que l’humain, mais les insectes les surpassent. En effet, pour se reproduire, les insectes doivent détecter des phéromones à des quantités infinitésimales. Le papillon du vers à soie est particulièrement intéressant car il réussit à détecter une molécule de phéromone dans 1m3 d’air, probablement par les flux d’air complexes que provoquent ses antennes multi-échelles.
Sur le plan scientifique, certaines étapes de l’olfaction sont bien maîtrisées, en particulier celles survenant lors de l’orientation à longue distance (macro-échelle) et celles une fois les molécules fixées aux récepteurs (micro-échelle). En revanche les mécanismes amont de l’olfaction sont quasi inconnus, depuis l’émission à partir des glandes à phéromones, au transport d’odeur (ici phéromones) par aérosols, puis aux processus du point de capture de l’odorant jusqu’au pore olfactif (méso-échelle).

 Verrous à lever :

Les deux verrous identifiés sont tous deux des questions d’échelle. Le verrou principal est le changement d’échelle entre des organes de l’ordre de 1 cm (antenne) à des structures de 10 cm à 1 m pour les applications qui en seront faites. Il y a donc une importance des lois aérodynamiques qui changent en fonction de l’échelle considérée. L’impression 3D de structures architecturalement complexes (antennes d’insectes) contenant des éléments variant jusqu’à 4 fois d’ordre de grandeur (de la sensille de 5 micromètres à l’antenne de 2 cm) constitue le verrou secondaire, conséquence de la géométrie multi-échelles des objets biologiques.

Risques :

Plusieurs ruptures fortes du projet sont identifiées, de par l’impact que peut avoir la preuve d’un transport par aérosol. En effet, le dogme selon lequel une seule molécule induit une impulsion nerveuse doit être revisité et la construction d’un nez actif permettant une meilleure capture ouvre un champ de possibilités technologiques.

 Potentiel d’innovation :

Ce projet pourra aboutir à une implémentation bioinspirée dans deux domaines d’application impactants. Dans l’agroécologie, il sera possible de lutter contre les espèces ravageuses invasives (dont le coût est estimé à au moins 70 milliards $/an) en améliorant l’émission de phéromones par diffuseurs bio-inspirés. L’objectif sera d’émettre à plus faible concentration des phéromones sexuelles, ce qui abaissera le coût de cette lutte biologique et facilitera ainsi sa pénétration du marché. À ce jour les quantités utilisées sont importantes avec un effet limité en raison d’une mauvaise compréhension des processus de diffusion. Par ailleurs, dans la lutte anti-terroriste, cela permettra d’innover dans la détection d’explosifs et de mines anti-personnelles, ces dernières faisant environ 5000 morts et blessées par an dans le monde, cette statistique étant en augmentation. La création de nouveaux nez pour les robots, plus sensibles et plus rapides, intégrera des mécanismes olfactifs actifs facilitant la capture de molécules très peu volatiles pour la recherche d’explosifs.

Porteur

  • Jérôme Casas, professeur à l'Université de Tours, Institut de recherche sur la biologie de l'insecte (IRBI - CNRS/Université de Tours)