CRACOV : une cellule au CNRS pour coordonner les actions de solidarité

Institutionnel

Face à la crise du COVID-19, le CNRS lance une cellule nationale pour mieux accompagner les élans de solidarité de ses laboratoires et préparer la continuité des activités de recherche après le déconfinement. 

« On ne peut qu’être fier de voir ce qui se passe dans nos laboratoires », affirme Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS. Depuis le début de la crise du COVID-19, il mesure l’ampleur des élans de solidarité des agents, qui se multiplient à travers le territoire : dons de masques, de blouses, de gants, fabrication de gel hydroalcoolique. Toutes les délégations régionales sont concernées. 

C’est pour mieux accompagner ces actions que CRACOV, une entité de sept personnes1 , a été créé le 27 mars. « Il ne s’agit surtout pas de vouloir tout structurer et coordonner d'en-haut », assure Alain Schuhl, qui rappelle que les laboratoires ont des contacts locaux avec lesquels ils travaillent. « Le but est de répertorier le matériel, faire la synthèse, mettre en exergue des initiatives qui n’auraient pas été identifiées et indiquer aux laboratoires ce qui pourrait s’avérer utile. »

Car si la fabrication de gel hydroalcoolique et le don de masques — dont des dizaines de milliers ont été livrés par des unités CNRS sur l’ensemble du territoire — semblent être les actions les plus rapides à réaliser, l’organisme peut aider sur d’autres fronts. Mais lesquels ?

careImage2
Après le "déconfinement", faudra-t-il prendre plus de précautions dans les laboratoires ? © Cyril FRESILLON/CNRS Photothèque

Mieux définir les besoins
CRACOV se fait l'écho au sein de l'organisme de Care, le comité analyse recherche et expertise créé le 24 mars à l’Elysée, dont un des rôles est d’analyser ce qui est techniquement réalisable et ce qui est déjà prêt dans les laboratoires. « Nous devons être force de proposition, mais aussi avoir des consignes précises sur les besoins — ce en quoi les conclusions du comité Care de l’Elysée peuvent nous orienter », explique Alain Schuhl, tout en soulignant qu’un « G5 » se réunit chaque jour autour de la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Frédérique Vidal, pour coordonner les actions des principaux organismes de recherche (CNRS, Inria, Inserm, Inrae, CEA). 

De nombreuses initiatives sont en cours d’analyse par CRACOV. Une des pistes étudiées est celle des 22 réseaux métiers de l’organisme, qui regroupent 13 000 personnes. Martina Knoop, directrice de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) du CNRS et membre du comité, cite notamment en exemple ceux des mécaniciens et des électroniciens. « Nous sommes en train de répertorier toutes les imprimantes 3D de nos laboratoires pour fabriquer des pièces qui peuvent être utiles », explique-t-elle. Il s’agit d’attaches pour des visières de protection, de valves pour transformer certains masques de plongée en masques à oxygène, ou encore de pièces permettant d’adapter des poignées de porte classiques pour qu’elles puissent être ouvertes avec le coude. « Ces imprimantes se trouvent souvent sur des sites fermés, il faut donc assurer la sécurité de l’opération. Nous ne pouvons pas laisser des travailleurs isolés dans des laboratoires fermés. Des autorisations et dérogations sont par conséquent nécessaires », ajoute-t-elle. 

Il n’est pas question pour autant de « créer une filière industrielle » dans les laboratoires du CNRS, explique Yves Remond, co-directeur de l'Institut des technologies pour la santé de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN) et membre de CRACOV. Cette alliance multi-organismes, créée en 2009 dans le cadre de la Stratégie nationale pour la recherche et l'innovation (SNRI), avait déjà été chargée de la « coordination opérationnelle des projets, des ressources et des moyens » pour trouver un vaccin contre le virus H1-N1. Elle est désormais en ordre de marche contre le COVID-19. « Notre rôle dans cette cellule est double : confronter les besoins de l'hôpital avec ce que l'on peut faire, mais aussi mettre nos contacts industriels à la disposition du CNRS. » En effet, même si les pièces créées par les réseaux métiers du CNRS vont certainement aider, il faut voir plus grand, et surtout plus loin.

Favoriser les échanges avec l’industrie
Pour Yves Remond, il s’agit donc aussi d’encourager, au sein des différents réseaux — Instituts Carnot, Pôles de compétitivité, etc. — les échanges entre chercheurs et entreprises. En témoigne l’exemple de Philippe Cinquin, directeur du laboratoire Techniques de l'ingénierie médicale et de la complexité — informatique, mathématiques et applications Grenoble2 , qui a mis au point une méthode différente de fabrication des masques. « Il a été mis en relation avec le directeur scientifique de l’entreprise Saint-Gobain, Yves Brechet, en vue d'une production à grande échelle », explique-t-il.  

Plusieurs initiatives sont également à l’étude avec les autres organismes de recherche, telles que la production massive de protéines nécessaires aux tests PCR3 , ou de nouveaux traitements qui permettraient de multiplier par dix l'absorption d’oxygène dans le corps afin d’aider les patients en détresse respiratoire. « Nous échangeons énormément d’informations et réfléchissons ensemble à de nouveaux appels à projets pour contrer des attaques virales de ce type, qui ne manqueront malheureusement pas de se reproduire. Il ne faut pas oublier que le cœur de métier du CNRS est l’élaboration, à moyen et long terme, de projets de recherche visant à résoudre les problèmes de demain. »

Préparer l’après
Comment travaillerons-nous après le « déconfinement » ? La cellule CRACOV étudie aussi cette question. Hormis les besoins matériels des laboratoires concernant le réapprovisionnement en masques ou en gel hydroalcoolique, la fabrication de poignées de portes « sans contact » pourrait rapidement faire partie de notre quotidien. « Le travail en laboratoire — et dans tous les autres secteurs de l’organisme — devra s’effectuer en respectant certaines précautions », suggère Yves Remond. Pour lui, le CNRS doit se préparer à la formation du personnel et à la mise à disposition d'équipements nouveaux. 

Les personnels du CNRS sont invités à utiliser l’adresse cnrscare@cnrs.fr pour faire remonter leurs propositions. 

  • 1Composition du comité Care CNRS : Alain Schuhl, directeur général délégué à la science du CNRS ; Marie-Hélène Beauvais, directrice de cabinet du Président du CNRS ; Françoise Praz, chargée de mission de l'Institut des sciences biologiques du CNRS pour les relations biologie-santé-médecine ; Alexandre Legris, directeur adjoint scientifique de l'Institut de chimie du CNRS ; Yves Rémond, professeur de mécanique des matériaux, polymères et composites à l’université de Strasbourg (ECPM) et ancien directeur adjoint scientifique de l’Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes du CNRS ; Martina Knoop, directrice de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) ; Sandrine Ayuso, responsable Filières industrielles stratégiques du CNRS.
  • 2TIMC-IMAG (CNRS/Université Grenoble Alpes)
  • 3Polymerase Chain Reaction est une méthode de détection directe du génome des agents infectieux ou parasitaires.