Le CNRS inaugure un IRC avec l’Université de Sherbrooke, son premier au Canada
À l’occasion de la rencontre entre les premiers ministres français et québécois les 11 et 12 avril 2024, le nouveau centre de recherche international « Innovation pour une planète durable » entre le CNRS et l’université québécoise de Sherbrooke a été officiellement annoncé. Ce sixième centre sera le premier entièrement dédié à l’innovation.
Un nouveau partenariat renforçant la coopération scientifique franco-québécoise a vu le jour à l’occasion de la visite officielle du Premier ministre français Gabriel Attal, aux côtés de son homologue québécois François Legault, le 12 avril dans la Belle Province. Le centre de recherche international1 (IRC) « Innovation pour une planète durable » scelle d’ambitieux nouveaux liens entre le CNRS et l’Université de Sherbrooke (UdeS). C’est le sixième IRC en moins de trois ans pour le CNRS et son premier au Canada.
À Montréal où il est présent aux côtés d’Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, le professeur Pierre Cossette, recteur de l’UdeS, se montre très enthousiaste : « La création du centre de recherche international “Innovation pour une planète durable” témoigne du dynamisme et de l’excellence des collaborations unissant l’UdeS et le CNRS. Au cœur d’un environnement créatif et novateur, l’IRC stimulera de nouveaux projets collaboratifs alliant recherche fondamentale et recherche appliquée qui favoriseront l’émergence de nouvelles technologies et innovations sociales, leur transfert vers la société et la formation d’une relève spécialisée ».
Du côté du CNRS, Antoine Petit abonde dans le même sens que son homologue québécois : « Cet IRC avec l’Université de Sherbrooke est la suite naturelle de plusieurs années de coopération fructueuses entre nos deux institutions. Il s’appuie sur nos capacités respectives de recherche et d’innovation. Il témoigne aussi de l’accélération et de l’intensification des coopérations entre le CNRS et le Canada depuis l’ouverture début 2022 d’un bureau du CNRS à Ottawa. Le Canada, quatrième pays, en-dehors de l’Union européenne, en volume de co-publications avec plus de 2 400 articles scientifiques chaque année, représente en effet un partenaire incontournable du CNRS à l’échelle mondiale et nous sommes très heureux de ce nouveau canal de déploiement avec l’UdeS ».
De fait, l'implantation d'un bureau du CNRS au pays de l'érable a permis, en deux ans, de mieux suivre, promouvoir et structurer les toujours plus nombreuses collaborations entre le CNRS et ses partenaires canadiens. Outre l’installation dudit bureau en janvier de cette année, 2022 aura vu également le lancement de deux laboratoires de recherche internationaux2 (IRL) au Québec, l’un – l’International Laboratory on Learning Systems3 – à Montréal et l’autre – le Laboratoire frontières quantiques – avec l’UdeS, à Sherbrooke. L’année suivante aura suivi le même rythme avec, au 1er janvier 2023, la création du réseau de recherche international4 (IRN) CAFQA, qui traverse le Canada de l’Atlantique au Pacifique et qui peut s’appuyer sur les liens historiques avec Sherbrooke.
L’UdeS à la pointe de l’innovation au Canada
Dans ce contexte national en pleine effervescence, l’Université de Sherbrooke, située dans la région de l'Estrie, frontalière des États-Unis, à plus d’une centaine de kilomètres au sud-est de Montréal, occupe une place singulière. Depuis 2008, l’UdeS multiplie en effet les coopérations internationales, en particulier avec le CNRS. Directeur du bureau canadien du CNRS, Jan Matas relève ainsi qu’« avec l’UdeS, le CNRS développe un partenariat fort depuis plus de quinze ans dans le domaine des nanosciences et nanotechnologies, incluant notamment un laboratoire commun avec ST Microelectronics, ainsi qu’en sciences quantiques et, plus récemment, dans d’autres domaines comme l’acoustique ou la bio-ingénierie ».
Deux IRL, Nanotechnologies et Nanosystèmes (LN2)5 , initié en 2012, et LFQ forment la pierre angulaire de ce partenariat, auquel s’adjoignent trois projets de recherche internationaux. Autant de collaborations franco-canadiennes qui peuvent s’appuyer, comme l’observe Jan Matas, sur « un écosystème de recherche sherbrookois ayant des liens étroits avec le secteur industriel ». C’est dans cette optique qu’en 2021, l’UdeS, à travers son Accélérateur de création d'entreprises technologiques (ACET), a signé une convention avec CNRS Innovation, la structure nationale de valorisation et de transfert de technologie du CNRS. Ladite convention a pour but de faciliter le développement de start-up dans le domaine des sciences quantiques, en offrant les services de l’ACET, notamment son service intelligence marché, aux jeunes pousses françaises. Ces dernières bénéficient par ailleurs de l’accès facilité aux infrastructures de recherche de l'Institut interdisciplinaire d'innovation technologique et de l'Institut quantique de l’UdeS. De son côté, CNRS Innovation met à disposition ses services, en particulier son programme RISE, aux jeunes entreprises québécoises. Depuis le lancement de ce partenariat, CNRS Innovation a d’ores et déjà organisé trois masterclasses à destination des start-up québécoises désireuses de se déployer en France. Au-delà des deux IRL, l’UdeS est également co-fondatrice avec le CNRS de trois projets de recherche internationale (IRP).
Sherbrooke est en effet réputée pour sa politique en faveur de l’innovation. Dès 2011, l’UdeS lançait l’ACET, un incubateur centré sur l’entrepreneuriat étudiant soutenue par les milieux d’affaires québécois. Pionnière en Amérique du Nord, Sherbrooke a également mis sur pied une chaîne d’innovation intégrée réunissant l'Institut Quantique, l'Institut interdisciplinaire d'innovation technologique et le Centre de collaboration MiQro Innovation qui favorise ainsi le lien entre la recherche fondamentale et le transfert vers l'industrie. En plus de ses propres dispositifs, l’UdeS bénéficie d’un important soutien du gouvernement provincial. Jan Matas note ainsi que « le gouvernement provincial au Québec soutient de manière proactive la recherche et l’innovation et, dans ce contexte, l’UdeS a bénéficié de la création des deux premières zones d’innovation québécoises dans des domaines en résonance avec l’IRC ». Lancées et co-fondées par l’UdeS en 2022, ces zones d’innovation – financées à hauteur de 690 millions de dollars canadiens – se concentrent sur deux des trois volets de l’IRC. L’une, DistriQ, située à Sherbrooke même, sur les sciences quantiques et leurs applications technologiques, et l’autre, Technum Québec, sise à Bromont, à 80 km à l’ouest de Sherbrooke.
Le CNRS et l’UdeS innovent pour une planète durable
C’est pour toutes ces raisons que le CNRS et l’UdeS ont décidé de construire un nouvel IRC, résolument tourné vers les « innovation pour une planète durable ». Celui-ci se déclinera selon trois principaux axes : les sciences et technologies quantiques, les micro-nano-technologies et les éco-matériaux, systèmes et procédés, auxquels il faut adjoindre un axe transversal dédié à l’innovation responsable. Concernant les collaborations autour du quantique, Sébastien Tanzili, directeur adjoint scientifique (DAS) à CNRS Physique et co-directeur du PEPR Quantique, se réjouit de voir « la coopération France-Québec changer d’échelle au travers de l’IRC, qui permettra d’accroître la mobilité internationale des personnels de recherche, des doctorants aux chercheurs et assurera un continuum dans le domaine, allant de la recherche fondamentale aux technologies innovantes », en s’appuyant notamment sur les ressources et le réseau mis à disposition par la zone d’innovation DistriQ.
Lionel Buchaillot, directeur de CNRS Ingénierie, voit dans ce nouveau centre une préfiguration d’un futur réseau des IRC, qui pourrait s’appuyer sur le LN2, « un acteur important dans les domaines des nanotechnologies et de leur application aux questions environnementales. Un lien fort avec l’IRC France – Arizona Institute for Global Grand Challenges est déjà établi sur le domaine du photovoltaïque et potentiellement des connexions pourront se faire également avec l’IRC de São Paolo, toujours sur les questions des grands défis environnementaux ».
Pour sa part, Pascal Breuilles, DAS en charge des partenariats industriels et internationaux de CNRS Chimie, insiste sur l’écosystème industriel dans lequel baignera l’IRC, qui favorisera de fait des recherches et développements en chimie autour « des matériaux, systèmes et procédés écoresponsables, à faible impact carbone. Cet axe concernera par exemple les matériaux innovants, biosourcés, les éco-bétons notamment, mais aussi les approches en lien avec le tissu industriel sectoriel ».
Autant d’axes de travail qui seront clarifiés et étoffés au cours d’un premier workshop les 4 et 5 juin 2024 à Sherbrooke.
- 1Un IRC est un nouveau dispositif institutionnel qui vise à instaurer un dialogue stratégique ambitieux entre le CNRS et son partenaire académique pour définir leurs intérêts communs et les collaborations leur permettant d’y répondre ensemble, sous la forme de laboratoires de recherche internationaux, de projets de recherche, de réseaux thématiques ou d’autres dispositifs existants ou à développer.
- 2Les IRL correspondent à des implantations de recherche internationales au sein desquelles des activités de recherche sont menées en commun autour d’axes scientifiques partagés. Ils structurent en un lieu identifié les présences significatives et durables de scientifiques d’un nombre limité d’institutions de recherche françaises et étrangères (un seul pays étranger partenaire). Ces unités ont une durée de cinq ans.
- 3CNRS / Université McGill / École de technologie supérieure de Montréal / Institut québécois d'intelligence artificielle / Université Paris-Saclay / CentraleSupélec.
- 4L’IRN a pour objet la structuration d’une communauté scientifique à l’international autour d’une thématique partagée ou d’une infrastructure de recherche. Il promeut l’organisation d’ateliers et de séminaires internationaux ou d’écoles thématiques organisés par les partenaires du réseau, en France et à l’étranger. D’une durée de cinq ans, il rassemble des chercheurs d’un ou plusieurs laboratoires français dont au moins un laboratoire du CNRS et de plusieurs laboratoires partenaires à l’étranger.
- 5CNRS / Insa Lyon / Centrale Lyon / Université Grenoble Alpes / Université de Sherbrooke.
Un projet de recherche international franco-québécois mis à l'honneur
En sus de l'inauguration de l'IRC entre le CNRS et l'UdeS, la 21e rencontre alternée des premiers ministres français et québécois a mis à l'honneur le projet de recherche international RESPIVIR, co-porté, côté français, par le CNRS, l'École normale supérieure de Lyon, l'Inserm et l'Université Lyon-I Claude-Bernard, et côté québécois par l'Université de Laval. La rencontre diplomatique aura permis de formaliser, en présence de représentants des différents parties, l’entente de partenariat entre toutes ces tutelles, avec le soutien du ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec et du ministère français de la Recherche, de l'Enseignement supérieur et de l'Innovation.
Cet IRP se concentre sur les domaines de la relation hôte-pathogène, de l’immunologie, de l’inflammation, de la pharmacologie, de l’ingénierie et des technologies pour la santé, ainsi que de l’imagerie biomédicale. L’objectif est de mieux se préparer face aux virus respiratoires émergents et ré-émergents, en intégrant la recherche fondamentale, translationnelle et clinique.
Initiée en 2010, cette collaboration internationale compte à son palmarès 16 publications scientifiques, 5 brevets internationaux, 2 essais cliniques de phase 2 et la création des startups Signia Therapeutics et Vaxxel.