De gauche à droite : Caroline Grèverie, Responsable du programme de Prématuration du CNRS, et Clarisse Thibault, responsable du programme RISE du CNRS/ crédits : CNRS

Les programmes de prématuration et RISE du CNRS : sur le chemin de l’idée au marché

Innovation

A l’occasion des 10 ans du programme de prématuration du CNRS et des 5 ans du programme RISE, retour sur deux programmes phare du CNRS avec Caroline Grèverie, Responsable du programme de Prématuration et Clarisse Thibault, responsable du programme RISE.

De gauche à droite : Caroline Grèverie, Responsable du programme de Prématuration du CNRS, et Clarisse Thibault, responsable du programme RISE du CNRS/ crédits CNRS

2024 voit les 10 ans du programme de prématuration du CNRS et les 5 ans du programme RISE. Pouvez-vous commencer par rappeler en quelques mots ce que sont ces programmes ?

Caroline Grèverie : Le programme de prématuration du CNRS vise à financer les premières étapes du développement technologique de projets émergents à fort potentiel d’innovation. Il a été créé par le CNRS en 2014 et est piloté depuis 2020 par CNRS Innovation, la filiale du CNRS dédié au transfert de technologie. Un point déterminant de cet accompagnement est l’anticipation des étapes ultérieures de la valorisation.

Clarisse Thibault : Piloté par CNRS Innovation, le programme RISE accompagne les personnels de recherche dans leurs projets de création de start-up ayant vocation à exploiter les technologues issues des laboratoires du CNRS. Cet accompagnement concerne tous les aspects : stratégie de protection intellectuelle, constitution de l’équipe dirigeante, recherche de financement ou encore stratégie marché. RISE a été créé en 2019 et accueille chaque année deux promotions d’une quinzaine de projets.

Dans quel contexte ces programmes ont-ils vu le jour ?

CG : Le programme de prématuration est venu combler un manque. D’un côté, l’Agence Nationale pour la Recherche finance des projets de recherche fondamentale. De l’autre, les SATT[1] prennent en charge des projets d’innovation proche d’aboutir sur le plan technologique. Une passerelle manquait pour financer et ce faisant « dérisquer » les projets d’innovation naissante. C’est ce que permet le programme de prématuration du CNRS.

CT : Les travaux réalisés au CNRS sont à l’origine de la création de spin-off depuis des décennies. Avant RISE, il existait des conseils de la part des structures de la valorisation et des incubateurs. RISE est né de la volonté du CNRS de structurer et renforcer son accompagnement avec des conseils spécifiques pour le passage de projet amont au sein d’un laboratoire à la création d’une entreprise privée, dans un contexte de renforcement de l’écosystème de l’innovation pour l’entrepreneuriat «deeptech», avec notamment le lancement du Plan Deeptech de BPI France et la création du Conseil européen de l’innovation (EIC).

Quel est aujourd’hui le bilan de ces deux programmes ?

CG : Le programme de prématuration du CNRS est monté en puissance au fil du temps, avec une accélération ces trois dernières années : son budget annuel était de 500 000 euros en 2014, il est désormais de 10 millions d’euros. En 10 ans, il a permis de financer 377 projets, dont 214 sont clôturés, pour un budget total de 48 millions d’euros. Sur l’ensemble des projets clôturés, 40 ont conduit à la création d’une start-up et une vingtaine à un transfert technologique vers un industriel. Par ailleurs, environ la moitié se sont prolongés avec des financements dédiés aux étapes ultérieures de maturation technologique.

CT : RISE a analysé 279 projets de création d’entreprises et en a accompagné 133. Il en a résulté la création de 65 start-up dont 61 toujours en activité ; 50 autres projets sont en cours de structuration, nécessitant souvent encore une phase de maturation technologique ; enfin 18 on été abandonnés en raison d’absence de marché ou d’abandon par les porteurs.

A quelles évolutions avez-vous assisté ces dernières années concernant les projets soutenus ?

CG : Pour la prématuration, c’est d’abord une acculturation croissante des communautés scientifiques. Au début du programme de prématuration, nous financions essentiellement des projets issus de recherches en biologie, en chimie et en physique. Par un travail d’incitation, mais aussi un accompagnement spécifique à chaque domaine, l’éventail disciplinaire est aujourd’hui bien plus large, avec notamment de nombreux projets logiciels ou issus des sciences humaines et sociales (SHS).

CT : Il y a une tendance de la part des créateurs de start-up à mettre en avant l’impact environnemental ou social de leur projet, quel que soit le secteur. On observe également beaucoup de projets en lien avec la santé, et par ailleurs de plus en plus de projets interdisciplinaires alliant chimie et biologie, numérique et santé ou numérique et SHS. Nous sommes aussi aux premières loges du « boum » des technologies quantiques. Ces évolutions sont multifactorielles et tiennent autant à l’arrivée à maturité de travaux de recherche, aux besoins exprimés par la société ou encore à l’existence d’investisseurs sur une thématique.

Comment s’articulent prématuration et création de start-up ?

CG : On est dans une logique d’intégration. Dans le cas de projet visant la création d’entreprise, l’expertise et les conseils des équipes RISE et de leurs partenaires sont sollicités dès les premières étapes du projet. Et ceci, de la même façon avec les SATT en charge de la maturation. Prématuration, maturation, création de start-up, tous font partie d’un même continuum d’accompagnement, que nous devons anticiper de manière propre à chaque projet.

CT : Développement technologique, stratégie de protection intellectuelle, positionnement de marché, recherche d’investisseurs ou de dirigeants… c’est en travaillant en parallèle et au plus tôt sur ces différents aspects que la valorisation d’une technologie pourra rapidement aboutir. Travailler tous ensemble dans la même direction est donc nécessaire mais aussi logique et cohérent. 

Quelle sont vos plus grandes satisfactions concernant ces deux programmes de prématuration et d’accompagnement à la création d’entreprise ?

CG : Une de mes plus grandes satisfactions est de donner confiance aux porteuses et porteurs de projet que nous accompagnons, dont certains font leurs premiers pas sur le chemin de l’innovation. Après 10 ans d’existence du programme, nous commençons à avoir un peu de recul sur les projets qui ont bénéficié d’un financement et nous sommes fiers d’avoir contribué à de belles réussites !

CT : Je dirais notre capacité à nous adapter en permanence à un écosystème de l’innovation par nature dynamique et qui évolue lui aussi. C’est également très appréciable d’avoir les retours positifs des lauréats de RISE, la façon dont certains reviennent vers nous quelques années après pour des demandes informelles de conseils, et tout simplement de constater les succès des entreprises dont nous accompagnons la création !

 

[1] Sociétés d’accélération du transfert de technologies