LITIMS : l’immersion dans tous les sens

Innovation

L’entreprise Immersion et le laboratoire PRISM ont uni leurs expertises complémentaires pour créer le laboratoire commun LITIMS. Son ambition : produire des systèmes d’immersion innovants, impliquant simultanément plusieurs sens, grâce au développement d’une plateforme inédite d’expérimentation multisensorielle.

En février dernier a été inauguré le laboratoire commun LITIMS (Laboratoire d’Innovation Technologique pour l’Immersion MultiSensorielle), réunissant la société Immersion et le laboratoire PRISM (Perception, Représentations, Image, Son, Musique – CNRS/Aix-Marseille Université). Deux acteurs guidés par un objectif commun et aux expertises complémentaires.

Un rapprochement qui tombe sous le sens


Immersion est une entreprise pionnière des technologies immersives et collaboratives, sa spécialité depuis trente ans. Elle propose à ses clients professionnels des solutions sur mesure, afin de faciliter la collaboration des équipes au quotidien. « Notre leitmotiv est de remettre l’humain au cœur des décisions, et la technologie à son service », affirme Julien Castet, directeur de la R&D d’Immersion. « Ainsi, pour répondre aux besoins de nos clients, nous pouvons aussi bien utiliser des solutions du marché que nos propres outils, issus de nos projets de recherche et développés par notre équipe pluridisciplinaire, regroupant des experts en informatique, design, sciences cognitives, architecture, etc. » L’entreprise s’appuie notamment sur Shariiing, sa plateforme de collaboration qui enrichit le travail d’équipe, en local et à distance.

Cette pluridisciplinarité se retrouve également du côté du laboratoire PRISM, puisqu’il réunit des chercheurs et chercheuses en acoustique, informatique, traitement du signal, musicologie, etc. « Nous nous intéressons, de façon générale, aux questions autour des perceptions, des représentations et de leurs usages, mais c’est surtout le son qui est au cœur de notre ADN », précise Richard Kronland-Martinet, directeur de recherche au CNRS. « Nous avons beaucoup travaillé sur la synthèse des sons, puis sur le son spatial, comme avec notre plateforme de spatialisation acoustique. » Cet équipement, constitué de 42 haut-parleurs répartis sur une sphère, permet d’immerger des utilisateurs dans des environnements acoustiques virtuels et tridimensionnels.

« Nous souhaitions à présent aller au-delà de l’audio et explorer les questions autour des interactions multisensorielles, en commençant par associer la vision au son », indique Richard Kronland-Martinet. « De notre côté, nous avions déjà une expertise en visualisation, notamment avec la réalité virtuelle ou augmentée, et nous avions besoin d’ajouter l’audio à ces technologies d’immersion », complète Julien Castet. Le rapprochement entre les deux entités semblait donc évident et il a pris la forme d’un laboratoire commun, prévu pour une durée de cinq ans. Il s’agit cependant d’un minimum, car les deux acteurs envisagent déjà une collaboration au long cours.

CAVE audio du laboratoire PRISM permettant de restituer virtuellement différentes acoustiques et d’étudier le jeu du musicien en fonction de ces acoustiques © Joran Tabeaud

Une plateforme unique d’immersion multisensorielle


Le LITIMS ne vise pas seulement à mêler les immersions acoustique et visuelle, mais à étudier la « multisensorialité » dans son ensemble. « Nous sommes à l’aube d’une véritable rupture de paradigme en matière de communication », observe Richard Kronland-Martinet. « Les technologies nous permettent désormais de nous plonger dans des mondes immersifs, où tous nos sens peuvent être sollicités. Il s’agit donc d’un moment clé pour mettre au point des systèmes novateurs s’inscrivant dans ce changement. »

Grâce aux travaux menés par l’équipe du laboratoire commun, la plateforme Shariiing se verra ainsi enrichie. « À terme, l’objectif est d’ajouter une brique de spatialisation acoustique à la solution et d’étudier les bénéfices induits », annonce Julien Castet. « Et pour Immersion, l’intérêt de LITIMS réside aussi dans la création de connaissance scientifique autour de la multisensorialité. » En effet, le développement de nouvelles technologies immersives, stimulant plusieurs sens, nécessite une analyse profonde des interactions multisensorielles et de leur impact sur l’être humain. Pour cela, l’équipe du LITIMS mettra au point une plateforme d’immersion multisensorielle unique au monde, associant les modalités visuelles, auditives, vibratiles et haptiques, qui permettra de réaliser des prototypes et des expérimentations en la matière, afin d’approfondir la compréhension des mécanismes en jeu.

L'équipe du LITIMS

Des problématiques techniques et éthiques


Le développement de cette plateforme inédite s’accompagne d’un grand nombre de défis technologiques et scientifiques. Car si la multisensorialité nous paraît naturelle au quotidien – nos sens agissant de façon simultanée et complémentaire –, la reproduction de ce fonctionnement s’avère complexe. « Lorsque l’on souhaite travailler sur le son avec une grande précision, toute source de bruit peut s’avérer problématique », évoque Richard Kronland-Martinet. « Or, un vidéoprojecteur en marche émet du bruit. Alors imaginez le défi que représentent seize vidéoprojecteurs fonctionnant en même temps, comme dans notre cas ! » De même, la salle d’immersion du LITIMS possédera un plancher vibrant, également susceptible de générer du bruit et d’interagir avec les sources de son et de lumière. Et il ne s’agit là que de quelques exemples d’écueils auxquels seront confrontés les chercheurs, qui devront contrôler minutieusement chaque paramètre pour créer des conditions de mesure scientifique au sein de leur plateforme.

Aujourd’hui, celle-ci fait l’objet de simulations, afin d’affiner sa conception et de déterminer ses caractéristiques optimales. De nombreux cas d’usage sont déjà envisagés pour cette technologie au potentiel quasi illimité : travail d’équipe à distance en immersion, en prolongement des possibilités actuelles de Shariiing, applications médicales notamment pour le traitement de troubles mentaux via l’immersion, ou encore cocréation artistique, par exemple avec des concerts associant des musiciens jouant depuis divers endroits dans le monde.

Si les applications semblent prometteuses, une telle technologie soulève également des questions éthiques que le LITIMS n’entend pas négliger. « L’humain restera au cœur de nos travaux et les solutions développées devront toujours être à son service », résume Richard Kronland-Martinet. « Nous étudierons systématiquement les bénéfices potentiels de l’immersion multisensorielle, mais aussi ses éventuels dangers. Par exemple, quelle influence pourrait exercer un univers virtuel immersif sur ma perception de la réalité ? Mon comportement dans le monde réel s’en verrait-il affecté ? C’est l’un des enjeux majeurs du laboratoire commun : si la technologie finit par être à la disposition du grand public, nous avons à cœur d’avoir préalablement circonscrit les potentiels problèmes associés. »