L’innovation en SHS à l’honneur
Pendant le salon Innovatives SHS, les 18 et 19 mai, scientifiques en sciences humaines et sociales, acteurs politiques, économiques et culturels ont échangé autour de projets d’innovation et de transfert de connaissances.
« En termes d’expertises, de transfert de connaissances et de produits commercialisables, les contributions des sciences humaines et sociales sont bien plus nombreuses et plus variées qu’on ne le croit », souligne Marie Gaille, directrice de l’Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) du CNRS. Aide à la décision auprès des entreprises, des collectivités locales ou des médias, produits multimédia d’apprentissage des langues, logiciels de gestion des transports urbains, étude de l’impact de l’architecture urbaine sur l’environnement sonore ou les températures, outils de reconstitution 3D ou de réalité virtuelle… Ces projets étaient exposés au salon Innovatives SHS les 18 et 19 mai 2022 sur le Campus Condorcet, cité des humanités et des sciences sociales installée à Aubervilliers, « l’un des lieux désormais emblématiques pour les SHS ». Le salon a accueilli environ 700 visiteurs et des délégations scientifiques et politiques.
Depuis 2013, cet événement unique en France poursuit plusieurs objectifs. Tout d’abord, il vise à « acculturer » les communautés des SHS à l’innovation et la transmission des connaissances au-delà de la sphère académique, ensuite à les accompagner dans la valorisation de leurs projets, et enfin à faire connaître ces projets aux acteurs de la vie politique et économique, explique Marie Gaille. Une acculturation qui fonctionne, le nombre de projets candidats pour être exposés au salon Innovatives SHS croissant à chaque édition. Pour cette cinquième édition, ce sont plus de 30 projets qui ont été retenus avec – pour la première fois – un fil rouge autour d’une seule thématique : l’intelligence artificielle.
SHS & intelligence artificielle
Celle-ci est en effet un outil privilégié d’initiatives de valorisation et d’innovation des sciences humaines et sociales dans plusieurs domaines : l’aide à la décision, le jeu, la culture et la création, la santé et la cosmétique, les questions environnementales. Par exemple, sont présents des projets comme l’ensemble ESPHAISTOSS1 de modèles et d’outils pour l’analyse sensorielle du patrimoine historique, la plateforme cloud SURe2 prédisant les îlots de chaleur et la sévérité de la COVID-19 à l'échelle du coin de la rue, la membrane en papier Papersorb3 pour absorber les polluants organiques avec applications dans les musées et archives voire dans le domaine environnemental et énergétique, le dispositif d’écoute par conduction osseuse Losonnante4 qui a déjà un pied dans les musées ou encore la technologie logicielle GarganText5 qui permet l’exploration et la cartographie collaborative des connaissances.
- 1Maison des Sciences de l'Homme Lyon Saint-Etienne (CNRS/Université Jean Monnet/Université Lumière Lyon 2/Université Lyon 3 Jean Moulin).
- 2Epigenetics, Data, Politics (International Research Laboratory CNRS/George Washington University).
- 3Centre de recherche sur la conservation (CNRS/Ministère de la Culture/MNHN) et Institut des matériaux poreux de Paris (CNRS/ENS/ESPCI Paris).
- 4Ambiances Architectures Urbanités (CNRS/Centrale Nantes/Université Grenoble Alpes/Ministère de la Culture).
- 5Institut des systèmes complexes de Paris Île-de-France (CNRS).
SURe, prédire pour protéger | Innovatives SHS
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De quoi intéresser non seulement la communauté scientifique mais surtout des acteurs politiques – sénateurs, directrice générale de la recherche et de l’innovation du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, plusieurs vice-président d'universités – ou socio-économiques, des collectivités locales au monde associatif en passant par des industriels – les grands groupes EDF, Michelin, Ioma et IEVA étaient présents, ainsi que les PME SCROME, Berger Levrault, Ellyx, Mnemotix, LICA, Tilak Healthcare, Omicure ou encore Morphee. C’est le second objectif de l’événement : promouvoir et diffuser les fruits de ces valorisations par l’exposition de dispositifs à divers stades de leur transfert et « en créant la rencontre », détaille Marie Gaille. Ainsi, cette année quatre « ateliers » ont donné la parole aux scientifiques exposant tandis que les « innov’actions » ont plutôt eu pour but de « comprendre comment faire ensemble » avec des scientifiques, des chargés de valorisation, des représentants d’entreprises, etc.
Pari réussi. « Lors du salon Innovatives SHS à Marseille, nous avons eu accès à un autre type de public que les scientifiques auxquels nous présentons habituellement notre projet en conférence. Même si nous cherchons avant tout à diffuser notre plateforme auprès de la communauté de recherche en SHS, cela nous a permis d’identifier des usages différents et d’autres applications potentielles de notre outil », témoigne ainsi Adeline Manuel qui porte la plateforme Aioli6 . Enrichie depuis de nouvelles fonctionnalités, celle-ci permet d’annoter, documenter et analyser des images 3D d’objets du patrimoine, à des fins de recherche, conservation ou archivage.
Présenté cette année, le projet « Analyse sémantique au service de l’intelligence technologique »7 propose un outil stratégique de gestion de la propriété intellectuelle, capable de prédire quels brevets seront mobilisés dans des litiges portant sur la propriété intellectuelle, grâce à des techniques de l’intelligence artificielle. Suite d’un projet ANR sur l’activité de litiges des brevets en Europe qui a permis à son porteur, Valerio Sterzi, de « comprendre les besoins du marché » et « faire le pont entre recherche et industrie », il vient d’être sélectionné dans le programme de prématuration du CNRS. « Nous avons présenté notre méthodologie et un démonstrateur, et étions présents pour évaluer le marché et rencontrer de futurs clients – entreprises, entités publiques ou SATT. Nous sommes repartis avec une liste de contacts », indique le directeur délégué de la plateforme technologique Via Inno8 qui compte obtenir un algorithme complet et fiable, au-delà du démonstrateur, d’ici la fin de l’année.
Renforcer les liens avec le monde socio-économique
Pour cette édition, la Direction des relations avec les entreprises (DRE) a pris part à l’organisation d’ateliers et d’innov’actions, pour aider à l'éclairage sur les liens avec les enjeux dans les filières stratégiques, sur toute la chaîne de valeur. Ces moments d’échange, faisant intervenir des binômes scientifiques-porteurs de projets et industriels, ont permis de partager bonnes pratiques et visions de l’avenir, mettant en lumière l’intérêt de relations de confiance entre les mondes économique et académique.
Afin de faciliter ces transferts des connaissances, le salon Innovatives SHS est organisé, depuis 2013, en partenariat avec d’autres organismes de recherche, des établissements et universités français et étrangers, des institutions de financement de la recherche, des Alliances, ministères – dont le ministère de la Culture depuis l’édition de 2015 –, partenaires privés, associations, etc. Des partenariats indispensables pour développer les ambitions du salon et, au-delà, des actions de valorisation de l’institut. « Les Innovatives SHS sont la partie émergée d’un iceberg composé de mille et une recherches et entreprises de transfert et de valorisation, qui sont à chaque fois une aventure différente. », assure Marie Gaille. « D’autres instituts du CNRS ont une expérience plus ancienne et plus importante que la nôtre dans ce domaine : à l’InSHS, nous devons poursuivre la réflexion pour mieux accompagner les chercheurs et chercheuses tout aussi bien que les ingénieurs et ingénieures désireux de s’inscrire dans une telle démarche », indique-t-elle.
- 6La plateforme Aïoli est développée au laboratoire Modèles et simulations pour l'architecture et le patrimoine (CNRS/Ministère de la Culture).
- 7Porté par Valerio Sterzi au laboratoire Bordeaux sciences économiques (CNRS/Université de Bordeaux).
- 8Créé en 2009 au sein du laboratoire devenu Bordeaux sciences économiques (CNRS/Université de Bordeaux), Via Inno est une plateforme de recherche universitaire (labélisée en 2019) de l’université de Bordeaux.